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III. PASSÉ DÉFINI.

I. Le passé défini s'emploie le plus souvent pour désigner une période de temps complétement écoulée :

Je VIS HIER une chose assez singulière, quoiqu'elle se passe tous les jours à Paris. (Montesquieu.)

II. Les écrivains emploient quelquefois le passé défini quand il s'agit d'une chose arrivée dans un temps indéterminé :

Dieu CREA deux grands luminaires, le soleil et la lune. (Pascal.)

C'est Boileau qui le premier ENSEIGNA l'art de parler toujours convenablement.

(Voltaire.)

III. Pour énoncer deux faits passés dont l'un est antérieur à l'autre, on exprime l'antériorité par le passé défini et la postériorité par le passé indéfini :

Grâces à mon amour, je me suis bien servie
Du pouvoir qu'Amurat me donna sur sa vie.

IV. PASSÉ INDÉFINI.

(Racine.)

I. Le passé indéfini désigne, soit un temps entièrement écoulé, soit une période dont la durée embrasse le moment où l'on parle :

HIER, en travaillant à mon quatrième dialogue, j'AI ÉPROUVÉ un vif plaisir. (Bernardin de Saint-Pierre.)

Le roi m'a NOMMÉ AUJOURD'HUI archevêque. (Fénelon.)

II. Le passé indéfini ne doit jamais s'employer pour le plus-queparfait; on dira donc :

Je n'ai pas su que vous AVIEZ QUITTÉ la France, et non que vous AVEZ QUITTÉ, car l'action de quitter, antérieure à celle de savoir, ne peut se rendre par le même temps.

V. FUTUR ANTÉRIEUR.

I. Au lieu du passé indéfini, on emploie assez fréquemment le futur antérieur :

Rendez fidèlement le dépôt qu'on vous AURA CONFIÉ.

Vous AUREZ mal PRIS vos mesures.

Le futur antérieur, dans ce cas, adoucit la pensée que le passé indéfini exprimerait d'une manière trop positive.

II. Du conditionnel.

I. Le conditionnel, employé, soit au présent, soit au passé, exprime toujours une condition explicitement énoncée, comme dans ces phrases :

SI LA TERRE ÉTAIT PLUS DURE, l'homme ne POURRAIT en ouvrir le sein pour la cultiver ; ȘI ELLE ÉTAIT MOINS DURE, elle ne POURRAIT le porter: il ENFONCERAIT partout comme il enfonce dans le sable ou dans un bourbier. ( Fénelon.)

SI CHACUN FAISAIT tout le bonheur qu'il peut faire sans s'incommoder, il n'y AURAIT pas de malheureux. (Duclos.)

L'homme s'AMOLLIRAIT et s'OUBLIERAIT lui-même, S'IL N'AVAIT RIEN qui modérât ses plaisirs et qui exerçât sa patience. (Fénelon.)

SI NOUS N'AVIONS pas de défauts, nous ne PRENDRIONS pas tant de plaisir à en remarquer chez les autres. (La Rochefoucauld.).

Si VOLTAIRE EÛT également soigné toutes les parties de son style, et qu'il eûr plus tendu à la perfection qu'à la fécondité, il SERAIT incontestablement le premier de nos poëtes. (Palissot.)

II. Le conditionnel s'emploie très-souvent sans que la condition soit exprimée, mais elle résulte toujours clairement du sens de la phrase:

Vos lettres me PLAIRAIENT d'un inconnu. (Mme de Sévigné.)

Un enfant supportera des changements que ne suPPORTERAIT pas un homme.

(Buffon.)

Croirait-il ma douleur moins vive que la sienne?
Si ta haine m'envie un supplice trop doux,
Ou si d'un sang trop vil ta main serait trempée,
Au défaut de ton bras, prête-moi ton épée.

(Racine.)

(Le même.)

III. Le présent est le seul temps du conditionnel qui, sous la dépendance d'un passé, exprime une idée relative de futur:

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Dire: Je croyais qu'il m'AURAIT PRÉVENU, pour qu'il me PRÉVIENDRAIT, serait une faute; et, dans tous les cas analogues, l'emploi du conditionnel passé serait vicieux.

IV. Mais le présent du conditionnel ne peut figurer pour le futur, qu'autant que l'idée d'une condition résulte du sens de la phrase; le futur est le seul temps qu'on emploie quand aucune idée de condition n'est exprimée ou sous-entendue; ainsi l'on dira:

Le journal a annoncé qu'il y aura une grande revue dimanche prochain; et non qu'il y AURAIT. On ne dira donc pas non plus :

Jésus-Christ a promis qu'il viendrait juger les vivants et les morts;

mais qu'il VIENDRA, parce que le sens de la phrase ne renferme rien de conditionnel.

V. Après la conjonction conditionnelle si, on emploie l'imparfait et le plus-que-parfait de l'indicatif, au lieu du présent et du passé du conditionnel; ainsi l'on dit :

Je SERAIS FLATté si vous approuviez mon choix;

J'AURAIS ÉTÉ FLATTE si vous AVIEZ APPROUVÉ mon choix;

et non si vous APPROUVERIEZ, si vous AURIEZ APPROUVÉ, etc.

Il penserait paraître un homme du commun,
Si l'on voyait qu'il fût de l'avis de quelqu'un.

(Molière.)

VI. Lorsque la conjonction si est suivie du plus-que-parfait de l'indicatif, on emploie le plus ordinairement la première forme du conditionnel passé, et la seconde forme, si la conjonction est suivie du plus-que-parfait du subjonctif:

S'ils AVAIENT FAIT couler des torrents de larmes et de sang, leur nom aurait TRIOMPHÉ du temps. (Barthélemy.)

Si j'EUSSE ÉTÉ CONVAINCU d'une telle faute, on ne m'EÛT point FAIT grâce.

Au lieu de la seconde forme du conditionnel passé, les écrivains emploient souvent, avec le plus-que-parfait du subjonctif, la première forme pour éviter le rapprochement des mêmes conson

nances:

J'aurais pu l'aimer, s'il ne l'eût couronnée.

III. Du subjonctif.

I. DE SON EMPLOI.

(Corneille.)

I. Tout verbe est employé au subjonctif quand il se trouve sous la dépendance d'un verbe exprimant la crainte, le désir, la volonté, la supposition, la défense, et toute idée qui éveille l'incertitude du résultat espéré, de la fin attendue :

Les devoirs de la société EXIGENT que l'on AIT quelque ménagement pour l'amourpropre des hommes. (Académie.)

Empéchez qu'un rival vous prévienne et vous brave. (Corneille.)

Nous ne vous DEMANDONS pas qu'il DEVIENNE le vainqueur de l'Europe; nous vous DEMANDONS qu'il soit le père de son peuple. (Massillon.)

Périsse le Troïen auteur de nos alarmes ! (Racine.)

C'est-à-dire, JE DÉSIRE que le Troïen PÉRISSE.

Comme on le voit, le verbe de la proposition subordonnée se met au subjonctif, lors même que le verbe sous la dépendance duquel il se trouve est sous-entendu.

II. Après les verbes croire, penser, espérer, s'attendre, se douter, s'imaginer, présumer, soupçonner, etc., qui n'expriment cependant pas l'affirmation d'une manière positive, on emploie l'indicatif, à moins qu'ils ne soient accompagnés d'une négation ou d'une expression qui donne à la phrase un sens moins positif :

J'ESPÈRE qu'il VIENDRA bientôt. (Académie.)

Je N'espère PAS qu'il VIENNE.

On trouve rarement la gaieté où n'est pas la santé : Scarron était plaisant, j'ai PEINE A CROIRE qu'il fûr gai. (De Boufflers.)

III. La même distinction doit être faite à l'égard des verbes ordonner, résoudre, décider, commander, qui veulent le verbe de la proposition subordonnée à l'indicatif ou au conditionnel, quand il énonce un fait, un événement certain :

Pittacus ORDONNA qu'un homme qui commettrait quelque faute essentielle SERAIT puni doublement. (Fénelon.)

Les magistrats de Sicyone ORDONNÈRENT que l'étude du dessin ENTRERAIT désormais dans l'éducation des citoyens. (Barthélemy.)

Servilius ordonna qu'on ASSEMBLERAIT le peuple par centuries, lorsqu'il serait question d'élire des magistrats. (Vertot.)

Ordonné qu'il sera fait rapport à la cour

Du foin que peut manger un poule en un jour. (Racine.)

IV. Après les verbes qui expriment la joie, la douleur, l'improbation, la surprise, on emploie le subjonctif, attendu qu'ils renferment l'idée d'un doute touchant le fait énoncé dans la proposition subordonnée :

Je SUIS ENCHANTÉ que tout se soit passé ainsi.

RENDONS GRÂCES à Dieu que tout se SOIT PASSÉ ainsi.

V. Tout verbe dépendant d'une proposition interrogative se met au subjonctif, à moins que l'interrogation ne soit une forme oratoire; dans ce dernier cas, on emploie l'indicatif, parce que le sens

est positif, malgré la forme sous laquelle la pensée se produit dans la proposition principale :

Le croirai-je, seigneur, qu'un reste de tendresse
Vous fasse ici chercher une triste princesse?

Et avec l'indicatif :

Madame, oubliez-vous

(Racine.)

Que Thésée est mon père, et qu'il est votre époux ? (Le même.)

II. EMPLOI DU SUBJONCTIF APRÈS LES IMPERSONNELS.

I. Les verbes impersonnels ou pris impersonnellement, veulent ou à l'indicatif ou au subjonctif le verbe de la proposition subordonnée.

Ils veulent l'indicatif s'ils expriment quelque chose de positif, comme il paraît, il est vrai, il est certain, il y a apparence, il n'y a, il n'est que, etc.

Quand les hommes éclairés et de bonne foi disputent longtemps, IL Y A grande APPARENCE que la question n'EST pas claire. (Voltaire.)

IL EST CERTAIN que la doctrine d'un Dieu vengeur FUT éteinte chez les Romains.

Il n'est que trop d'esprits lâches et corrompus
Qui font plier la loi sous le joug de l'usage.

(Voltaire.)

(La Harpe.)

II. Ils veulent le subjonctif si, au contraire, ils n'expriment rien de certain, comme il faut, il importe, il convient, il est possible, etc., et s'ils sont pris interrogativement ou accompagnés d'une négation:

Il faut que le lecteur m'ait gâté le sonnet.

EST-IL vrai ; il n'est pas vrai qu'il soit arrivé.

(Molière.)

IL N'Y A GUÈRE de gens qui ne SOIENT honteux de s'être aimés, quand ils ne s'aiment plus. (La Rochefoucauld.)

IL N'Y A que la discorde qui PUISSE troubler la félicité que les dieux nous préparent. (Fénelon.)

IL N'EST aucun métal que le fer n'AMOLLISSE, ni aucune affaire que l'argent ne PUISSE accommoder. (Lévis.)

III. Après il semble, il me semble, on emploie l'indicatif ou le subjonctif:

1° L'indicatif, quand la proposition subordonnée énonce un fait certain, positif, et qu'elle ne peut, sans qu'il y ait altération de sens, exprimer un doute qui n'est pas dans la pensée :

IL SEMBLE que nous AUGMENTONS notre être lorsque nous pouvons le porter dans la mémoire des autres. (Montesquieu.)

IL ME SEMBLE que qui sollicite les autres, à la confiance d'un homme qui demande justice. (La Bruyère.)

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