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félicite d'avoir trouvé chez tous une subordination nécessaire, non à ses mérites, mais envers l'autorité doctrinale dont il était le dépositaire, et qui sera justement continuée à son

successeur.

C'est grâce à ce sentiment de subordination qu'ont pu être accomplies les différentes œuvres d'enseignement et de propagande, la fondation de la Revue Occidentale, le développement du fonds typographique, enfin l'achat de la maison d'Auguste Comte qui termine l'exécution du testament, en allant au-delà même des prescriptions du Maître. Ce sont ces œuvres qu'il faut consolider et développer, en plaçant chacune d'elles sous la direction d'un fonctionnaire responsable, assistant le futur directeur dans ses attributions temporelles.

M. Laffitte prémunit les positivistes contre l'esprit critique et dissolvant qui compromettrait infailliblement le succès de notre œuvre. Il faut suivre, à cet égard, les enseignements d'Auguste Comte qui, professant jusqu'au scrupule le respect de la personnalité, demeurait inflexible sur le terrain des principes. Sous ce dernier aspect, M. Laffitte n'a jamais cédé, lorsque de longues méditations l'avaient conduit à un résultat philosophique. Il faut, en effet, considérer que les bases du Positivisme sont aussi inébranlables que celles de la science et qu'aucun principe essentiel ne sera jamais infirmé. L'unité du dogme doit être invariablement maintenue, sauf à développer les aspects secondaires, en se référant toujours à la décision du chef spirituel compétent.

M. Jeannolle devra donc se considérer comme le successeur philosophique et social de M. Laffitte et d'Auguste Comte. Il organisera plus systématiquement que n'a pu le faire M. Laffitte l'enseignement et le culte, sans qu'il y ait lieu de l'enfermer dès à présent dans un ensemble de prescriptions déterminées. M. Laffitte laisse à son successeur le choix entier des moyens. Il exprime, en terminant, l'espoir, en partie réalisé par la sympathie unanime qui a accueilli son choix, que son successeur s'assurera le même concours qu'il a obtenu. M. Jeannolle en est digne par sa profonde connaissance du Positivisme et par les éminentes facultés

que ses confrères lui reconnaissent et que M. Laffitte a pu apprécier dans le cours d'une longue intimité.

M. Jeannolle se lève et fait la déclaration suivante :

« MESDAMES, MESSIEURS,

« Ce sera le grand honneur de ma vie d'avoir été jugé, par notre cher et vénéré Maître, digne de veiller après lui sur les destinées du Positivisme. C'est là pour moi, dès maintenant, une récompense dépassant de beaucoup le mérite des services que j'ai pu rendre.

« Mon ambition n'est jamais allée jusqu'à une telle distinction, et je n'ignore pas qu'en l'acceptant aujourd'hui, je peux être taxé de présomption coupable; mais on voudra bien remarquer que la redoutable fonction à laquelle M. Laffitte croit devoir me destiner est loin d'être vacante, qu'il ne s'agit en ce moment pour moi que d'un stage préparatoire, et que la désignation dont je viens d'être l'objet n'est que conditionnelle.

« Il convient néanmoins de considérer qu'à mon âge on n'est plus guère modifiable et l'on ne doit pas espérer que ma préparation aboutisse à une sorte de métamorphose. Ce n'est plus à acquérir de nouvelles aptitudes et de nouvelles forces que je dois m'appliquer désormais; ce serait évidemment peine perdue, mais bien à tirer le meilleur parti possible des qualités, et même des défauts, que je peux avoir actuellement.

« J'aurai naturellement le plus grand besoin des conseils de M. Laffitte; il ne me les refusera certainement pas et j'espère en profiter longtemps encore. D'autre part, si j'en juge par les témoignages de sympathie qui m'ont été adressés, je crois pouvoir compter sur le concours d'un grand nombre de mes confrères, en France et aussi à l'étranger, et cela m'encourage à penser que le groupement positiviste, condition à mes yeux indispensable du succès final de notre œuvre, ne se dissoudra pas entre mes mains. C'est essentiellement à conserver cette union que j'entends consacrer le reste de ma vie; le progrès, j'en ai la ferme espérance, viendra par surcroît. »>

M. Emile Antoine prend ensuite la parole en ces termes :

« Cher et vénéré Maître,

<< Notre assistance témoigne de l'importance que nous attachons à l'acte qui vient de s'accomplir.

« Dans une circonstance décisive, répondant à ceux qui contestaient votre autorité, vous disiez, il y a vingt ans de cela : « Je ne suis plus le directeur provisoire, mais le chef reconnu et « définitif du nouveau pouvoir spirituel. Je suis le successeur << d'Auguste Comte, destiné à transmettre, un jour, la haute fonc«<tion qu'il fut obligé de laisser vacante. » Ce jour-là est venu. Vous venez de donner la manifestation de votre autorité suprême. Nous sommes heureux d'en avoir été témoins.

<< Au nom de nos confrères, c'est-à-dire au nom des disciples d'Auguste Comte participant au subside sacerdotal, qui vous reconnaissent comme son successeur, nous vous remercions d'avoir pris une décision nécessaire au développement de cette force spirituelle, dont la constitution a été le but, et la raison d'être, de toutes vos pensées et de toutes vos actions, comme elle l'avait été pour Auguste Comte, votre Maître.

« Vous nous avez tracé notre devoir. Nous donnerons à M. Jeannolle, lorsqu'il nous le demandera, le concours qui vous est acquis, et nous nous efforcerons, par notre attitude organique et convergente, de lui rendre moins pénible une tâche si lourde et si difficile, et de faire en sorte que la confiance que vous et lui mettez en nous ne soit pas déçue. Ce sera la meilleure manière de témoigner à M. Jeannolle notre reconnaissance de l'avoir acceptée.

« Nous souhaitons qu'il ait encore de longues années devant lui pour se préparer à la grande fonction que vous lui réservez. Plus que jamais vos conseils nous seront utiles, et nous ne nous lasserons jamais de vous rendre en affection les lumières dont nous vous sommes redevables.

<< Cher Maître,

« La succession philosophique et sociale à laquelle vous appelez M. Jeannolle entraînera aussi la succession matérielle, qui est une partie de votre héritage et de l'héritage d'Auguste Comte, que vous possédez au même titre que lui. Nous tous qui, à des degrés divers, comme vos auxiliaires administratifs, sommes comptables envers vous de ce trésor matériel, fonds typographique, subside, archives, Revue occidentale,· l'engagement de le remettre, après vous, à M. Jeannolle, pour qu'il en dispose, à son tour, comme vous l'avez fait vous-même, pour le service de la religion de l'Humanité.

nous prenons

<< Messieurs et chers Coreligionnaires,

«La signature que nous vous demandons d'apposer sur l'acte dont il va vous être donné lecture doit être considérée comme une adhésion au choix que M. Laffitte vient de proclamer. C'est à ce titre que nous allons la donner. »

Le procès-verbal de la cérémonie est ainsi conçu :

RELIGION DE L'HUMANITÉ.

L'Amour pour principe, et l'Ordre pour base; le Progrès pour but.

Désignation par M. Pierre Laffitte de son futur successeur.

Le 3 César 109 (dimanche 25 avril 1897), en présence des positivistes réunis, 10, rue Monsieur-le-Prince, dans l'appartement d'Auguste Comte, à la suite d'une convocation spéciale,

M. Pierre Laffitte a désigné M. Charles Jeannolle comme son futur successeur à la direction du Positivisme.

M. Charles Jeannolle a déclaré accepter.

Signé :

P. LAFFITTE,

Directeur du Positivisme,

10, rue Monsieur - le - Prince.

Ch. JEANNOLle,

10, rue Monsieur-le-Prince,

né le 31 août 1842, à Vellexon (H.-Saône).

Après la lecture du procès-verbal, qui a été accueillie par d'unanimes applaudissements, les positivistes présents ont apposé leurs signatures à la suite de celles de MM. Laffitte et Jeannolle. La séance est levée à 4 heures et demie.

Lucien MOMENHEIM.

Nous signalons avec plaisir l'apparition du « Pensico Moderno » (La Pensée Moderne), organe de la Société Positiviste Italienne, et dont nous venons de recevoir le premier numéro. Nous y relevons les noms des professeurs Sergi, Sciamana, de Sanctis, Cermenati, etc.

Le Proprietaire, Gérant responsable: P. LAFFItte.

TABLE DES MATIÈRES DU TOME

ORZIÈME

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