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CHAPITRE III.

1524-1525.

Zèle de Marguerite, sœur de François Ir, pour répandre la réforme. Prédicateurs évangéliqucs à Grenoble, à Lyon et à Mâcon. Réformation du comté de Montbéliard. — L'Évangile est prêché en Lorraine. Wolfgang Schuch.

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Martyres de Jean Castellan et de

La réforme, en perdant l'appui de l'évêque de Meaux, n'était point restée sans protecteur. Marguerite,qui aurait pu être ébranlée par la défection de ce personnage, qui avait contribué si puissamment, par ses lettres, ses conseils et ses exhortations à lui faire aimer la doctrine évangélique, donna à cette époque des preuves éclatantes de son attachement à l'Évangile 2 et de sa résolution de ne rien négliger de ce qui pourrait contribuer à le répandre.

Ayant accompagné à Lyon François Ier, qui faisait alors de grands préparatifs pour rétablir sa puissance dans le Milanais, elle eut soin d'emmener avec elle deux hommes dévoués qu'elle jugea propres à exécuter le dessein secret qu'elle avait conçu de propager la réforme dans la ville où elle était appelée à résider et dans les lieux environnants. L'un était le premier

1 Lettres de Marguerite, reine de Navarre. Biblioth. royale. Manuscrit S.-F. 337. Merle d'Aubigné, Hist. de la Réformation, t. 1, p. 527. 2 Appendice, no 3.

maître des requêtes du Dauphin, cet Antoine Papilion, duquel nous avons déjà eu occasion de parler. L'autre était Michel d'Arande. Celui-ci était du nombre des prédicateurs qui avaient été obligés de quitter Meaux. Il avait déjà eu l'occasion d'exercer auparavant les fonctions du saint ministère auprès de cette princesse, et Marguerite l'avait nommé son aumônier 1. Il y avait déjà à Lyon, avant l'arrivée de la sœur du Roi, quelques faibles commencements de réforme. Plusieurs personnes que le commerce de cette grande ville mettait en rapport avec les réformés d'Allemagne et de la Suisse, avaient renoncé aux erreurs de l'Église romaine. Au nombre de ces derniers, se trouvait messire Antoine du Blet, négociant, riche et considéré. C'était lui qui recevait les lettres que Pierre de Sebville écrivait à son ami Annemond de Coct 2. Il les faisait parvenir au chevalier avec l'argent 3 que lui envoyaient les frères de ce dernier, qui demeuraient au château du Châtelard, par l'intermédiaire de Pierre Verrier et de Jean Vaugris, deux commerçants qui faisaient souvent le voyage de Bâle à Lyon 4.

Antoine Papilion, Antoine du Blet, et Michel

1 Appendice, no 3. Lettres de Marguerite, etc. Merle d'Aubigné, t. ш, p. 527.

" Appendice, no 3.

5 Jean Vaugris à Farel, 15 décembre 1525 :

Guillaume Farel, mon bon frère et ami, grâce et paix en Jésus-Christ soit en vous. Des nouvelles de Lyon. Anthoine du Blet ne s'y tient plus, et pourtant je ne scay côment vous pourrez avoir vostre argent de Coctus, car il n'y a nul ici qui fasse la perssance. 19° lettre du recueil manuscrit de Choupard. Bibliothèque des pasteurs de Neufchâtel.

4 Appendice, n° 2.

d'Arande, animés d'un même zèle et encouragés par Marguerite, résolurent de tenter quelques efforts pour introduire ou affermir la réforme dans les villes du voisinage où, n'étant plus gênés par la présence du Roi, qui était encore à Lyon, ils pourraient agir avec plus de liberté.

Les deux premiers se rendirent à Grenoble 1, auprès de Sebville. L'aumônier de la princesse alla s'établir à Mâcon 2. Lyon ne demeura pas toutefois sans prédicateur évangélique. Le docteur Maigret, qui avait été obligé de quitter le Dauphiné peu de temps après le chevalier de Coct 3, se mit à prêcher dans cette ville, sous la protection de Marguerite.

Antoine Papilion et Antoine du Blet, demeurèrent peu de temps à Grenoble, à ce qu'il paraît; ils en repartirent en invitant Pierre de Sebville à venir prêcher le Carême suivant à Lyon, dans l'église de Saint-Paul 4. Celui-ci se trouva, comme auparavant, seul pour lutter contre des ennemis dont la fureur allait toujours croissant. On lui défendit de prêcher publiquement sous peine de mort; et comme il voulut continuer, on se saisit de sa personne. Mais des amis secrets et puissants, au nombre desquels il faut, sans doute, ranger l'avocat du Roi, qui penchait vers la réforme, parvinrent à le faire relâcher, de Sebville prit la route de Lyon. L'effroi devint général dans le Dauphiné. On

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3 Conjicere potes ut post Macretum et me in Sebivillam exarserint. Annemond à Farel, 7 septembre 1524. Manuscrit de Choupard.

4 Appendice, no 2.

n'osa plus s'entretenir que secrètement des doctrines évangéliques, et le zèle de ceux qui, jusqu'à ce moment, avaient paru les plus avancés, se refroidit entièrement. Amédée Gaubert, parent d'Annemond de Coct, fut le seul qui demeura ferme 1.

Maigret rencontra aussi à Lyon une vive opposition. Après avoir prêché l'Évangile pendant quelque temps, en dépit des prêtres et des moines, il fut arrêté 2 et conduit à Paris. Il voulut prouver devant la Sorbonne, la vérité des doctrines qu'il avait annoncées. Mais on ne voulut pas l'entendre 3. Il est probable cependant, que le jugement qui fut prononcé contre lui ne fut pas exécuté, grâce à la protection de Marguerite. Ce qui le ferait supposer, c'est que l'on trouve à Genève deux personnages de ce nom, l'un en 1535 4, et l'autre remplissant les fonctions de ministre en 1546.

Cependant la persécution n'atteignait pas seulement les prédicateurs de la réforme, elle frappait aussi impitoyablement tous ceux qui étaient soupçonnés d'hérésie. Pour se mettre à l'abri de ses coups, un grand nombre de personnes de tout ordre et de toute condition accoururent dans celles des villes voisines de la France qui avaient déjà accueilli la nouvelle doctrine.

Bâle reçut de nouveaux réfugiés du Dauphiné et du Lyonnais. Strasbourg, où trois hommes éminents, le comte Sigismond de Hohenlohe, doyen du grand cha

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3 Ruchat, Hist. de la Réformation de la Suisse, t. iv, p. 318. Nouvelle édition.

" Id., t. 1, p. 352, t. v, p. 314.

pitre de cette ville 1, Wofgang Capiton et Martin Bucer prêchaient avec succès la réforme, ouvrit ses portes aux malheureux qui, à l'exemple de Farel, avaient quitté Meaux ou Paris, comme elle l'avait déjà fait pour les persécutés du Brabant et de la Flandre.

L'arrivée de tant d'émigrés fut un événement heureux pour la réforme, Les pensées de ceux-ci se reportant naturellement sur les amis et les parents qu'ils avaient quittés, ils cherchèrent les moyens de leur faire parvenir le message de l'Évangile. Plusieurs d'entr'eux se mirent à étudier, et encouragés par les réformateurs, résolurent de se consacrer aux fonctions du saint ministère 2. D'autres firent imprimer des livres de piété en français et surtout le nouveau Testament 3 pour les

2

1 Il s'était déclaré, dès 1521, pour la réforme.

Huc omnes devenerunt undique expulsi, et hinc iterùm ad verbi ministerium demittuntur. » Capito ad Stromerium, 1524. Kirchhoffer, Das Leben Farels, t. 1, p. 34.

3 On voit, par plusieurs lettres manuscrites qui se trouvent également dans la bibliothèque des Pasteurs de Neufchâtel, avec quel zèle ces hommes travaillaient à multiplier les exemplaires des livres saints. Nous en rapportons ici quelques fragments:

Jean Vaugris à Guillaume Farel, à Basle, 29 août 1524 (n° 3 de Choupard.)

« Item, je vous prie, s'il était possible qu'on fit translater le nouveau » Testament selon la translation de M. L., à quelque home qui le sceut » bien faire, que se ferait un grand bién pour le pays de France, Bour» gogne et Savoie, etc. »

Annemondus Coctus Farello, Basilea, 2 septembris 1524. (n° 4 de Choupard.

« Puto enim Galliam Evangelicis voluminibus abundare, siquidem » illa sunt quæ de Jesu testimonium perhibent. Prætereà quùm Vaugris » Lugdunum ibit, scribam ad fratres ut pecuniæ aliquid ad me mittant... » Tu enim multa videris impetrare posse potissimum Gallis verborum Dei

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