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au moins quelques milliers d'hommes sincèrement dévoués au Pacha.

C'est sur les données que je viens d'exposer plus haut et qui sont l'expression exacte de la vérité que je vous supplie, Monsieur le Maréchal, de vouloir bien apprécier ma gestion dans ce pays; veuillez aussi régulariser ma position et mes attributions, ainsi que jalonner la conduite que je dois tenir selon les circonstances que les évènemens peuvent faire surgir. Jusqu'à ce que votre volonté me soit connue, je suivrai la route que l'honneur et ma conscience m'indiqueront dans l'intérêt de la France.

Plein de confiance dans votre justice et dans la sollicitude que vous portez aux militaires, j'ose espérer, Monsieur le Président du Conseil, que vous verrez dans tout ce que j'ai fait et ferai encore dans ce pays, le désir et le zèle à toute épreuve que j'aurai toujours de bien servir mon Roi et ma Patrie, et sous ce rapport mon cœur me dit que je suis digne de votre bienveillance.

Au moment où j'allais terminer cette lettre, j'apprends, le cœur navré, que l'or et les intrigues anglais ont obtenu un plein succès et qu'ils ont ainsi évité le bombardement, opération que Napier se serait bien gardé d'entreprendre. Il a pu se convaincre en usant, il n'y a pas trois jours encore, de la faculté que la stupidité turque lui laissait depuis le commencement du blocus, de venir sonder impunément jusqu'à moins de 800 mètres des batteries, il a pu se convaincre qu'il n'y avait pour lui aucune chance de succès quand même il aurait eu à sa disposition tous les vaisseaux que possède l'Angleterre. Si au moins le Pacha, ainsi que je le lui ai dit, avait su faire valoir les moyens formidables de défense qu'il pouvait à l'instant même mettre en action, ils auraient pesé dans la balance et on lui aurait probablement fait de meilleures conditions. Il est vrai qu'il était seul, et que ceux sur qui repose sa puissance le trahissaient, ou bien ils sont si stupides et poltrons, qu'ils avaient peur de boulets anglais

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qui, selon les bruits répandus par Napier, devaient être lancés sur eux aujourd'hui à partir de midi. Le Pacha a été circonvenu de toutes les manières; les canons étaient encloués, les poudres avariées, les affûts sans force, tous les magasins à poudre allaient sauter, et enfin tous les objets au moyen desquels une nation se fait respecter ne valaient plus rien, selon ceux-là même qui, il n'y a pas huit jours, trouvaient que je prenais trop de précautions défensives. Joignez à cela les lettres du commerce français et autres, venant de Constantinople, qui annonçaient le jour et l'heure où Alexandrie aurait cessé d'exister si le Pacha ne se hâtait de se soumettre. La comédie a été parfaitement jouée, chacun a bien rempli son rôle, niais ou autre; mais aussi le seul homme que possède l'Égypte a courbé la tête, mais aussi l'occasion de montrer à l'Europe qu'il disposait d'une force réelle et plus que suffisante pour suspendre les succès des Anglais est à jamais perdue pour lui.

Je m'attendais à un autre résultat lorsque, après la chute de Saint-Jean d'Acre, le Pacha me disait que pour encourager les siens et les maintenir dans le devoir, il établirait au jour du danger son quartier général dans son palais, etc. etc.

En entrant dans ces détails, j'ai voulu soulever un coin du voile qui cache encor les trames ourdies depuis longtemps contre le Pacha, trames que d'autres au reste mieux informés que moi achèveront de faire connaître avant peu. Je serai heureux si ces détails renferment des données qu'on puisse utiliser dans l'intérêt français et aussi dans celui de l'Égypte: car j'aime encore à me persuader qu'au milieu de cette avalanche qui est tombée sur le Pacha, il aura été assez adroit pour laisser à dessein un joint mal cimenté par où l'action de la France pourra s'introduire et exercer une influence favorable à ses intérêts. C'est dans cette espérance que je ne parle pas des mille et une versions qui arrivent jusqu'à moi, cependant il en est une qui mérite exception: On prétend que la flotte anglaise doit entrer dans le port, sous prétexte

de réparer des avaries; si cela se réalise, le Pacha par ce seul fait sera complètement déchu, à moins qu'on ne vienne sérieusement à son secours, ou bien qu'Ibrahim Pacha, à son retour de Syrie, ne parvienne à mettre les affaires de son père sur un meilleur pied en donnant un peu de cœur à ses partisans.

J'ai l'honneur d'être, etc.

Correspondance politique. Égypte, XII, fos 162-165.

GALLICE.

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40. De Paris à Monsieur Cochelet consul général de France en Égypte.

SOMMAIRE: Le Gouvernement du Roi est d'avis que le Pacha doit accepter immédiatement les offres qui vont lui être faites au nom des quatre Cours.

Dépêche télégraphique.

Paris, 29 novembre 1840.

J'ai reçu vos dépêches du 10 et du 11 courant.

Je vous ai fait connaître, par ma lettre du 19, l'objet et le caractère de la démarche que l'amiral Stopford avait l'ordre de faire faire auprès du Pacha, par un officier de l'Escadre anglaise, devant parler au nom des quatre Cours.

Vous aurez compris, je l'espère, à la lecture de cette lettre, que le Gouvernement du Roi, loin de vouloir s'opposer au succès de la démarche en question, était d'avis que le Pacha devait accepter immédiatement les offres qui allaient lui être faites.

Correspondance politique. Égypte, XI, fo 251.

41.

Traduction d'une lettre de l'Amiral Sir Robert Stopford, adressée à Méhémet-Ali, en date de la Baye Saint Georges, près Beyrout, le 2 décembre 1840.

SOMMAIRE: L'amiral regrette que le commodore Napier ait pris sur lui de conclure avec le Vice-roi une convention qui ne peut être ni acceptée ni ratifiée. — Cela ne diminue point son vif désir de rétablir au plus tôt les meilleures relations d'amitié entre l'Angleterre et le Vice-roi.

Altesse, c'est avec un vif regret que j'apprends que le Commodore Napier soit entré avec V. A. dans une convention ayant pour objet de faire évacuer la Syrie par les troupes égyptiennes. Il n'était pas autorité à faire cette convention, qui ne peut être ni approuvée, ni ratifiée par moi.

L'envoyé de V. A., Abdul Hamid Bey a consulté le général commandant en chef des troupes turques sur le meilleur moyen à employer pour se rendre auprès d'Ibrahim Pacha. Le Général ayant de bons motifs pour croire qu'Ibrahim Pacha était parti de Damas (puisqu'une grande portion de son armée avait quitté ce pays, quelques jours auparavant, en se dirigeant vers le midi, sur la route de la Mecque) n'a pu garantir à l'envoyé de V. A. un sauf-conduit pour aller plus loin que Damas. Il retourne donc à Alexandrie, ayant fait tout ce qui était en son pouvoir pour exécuter les instructions de Votre Altesse.

J'espère que cette lettre arrivera à Votre Altesse en temps opportun pour empêcher le départ des transports que le Commodore Napier m'écrit devoir se rendre d'Alexandrie sur les côtes de la Syrie pour embarquer une portion de l'armée égyptienne. Cependant s'il en arrivait quelqu'un ici, on lui ordonnera de retourner à Alexandrie.

J'espère que cette convention, faite à la hâte et sans au torisation, ne causera point d'embarras à V. A. Il n'y a aucun doute, qu'elle doit avoir été faite comme preuve d'amitié, quoique avec une connaissance limitée de l'état des affaires

en Syrie. Néammoins, cela ne diminuera point mon plus vif désir d'adopter au plus tôt toutes sortes de mesures ayant pour but de renouveller l'amitié et les bonnes relations qui, je me flatte, seront dorénavant rétablies entre l'Angleterre et V. A. dont je me réjouis d'apprendre que les conditions sont aujourd'hui en voie de progrès avec les Puissances Alliées.

(Signé): ROBERT STOPFORD, Amiral.

42. Traduction d'une lettre de l'Amiral Sir Robert Stopford, adressée à Méhémet-Ali, remise par le Capitaine de Vaisseau Flanshaw.

SOMMAIRE: Transmission de la garantie officielle, au nom des quatre cours, du gouvervement de l'Egypte à Mohamed-Aly, à condition que dans les trois jours il consente à la restitution de la flotte turque et à l'évacuation de la Syrie.

ALTESSE,

J'ai, maintenant, l'honneur de transmettre à V. A. par l'intermédiaire du Capitaine Flanshaw, Capitaine de mon Vaisseau Amiral, l'autorisation officielle du Gouvernement britannique, au nom des quatre Puissances, de maintenir V. A. dans le Pachalik d'Égypte, à la condition que V. A., dans le délai de trois jours après la communication faite par le Capitaine Flanshaw, consentira à restituer la flotte turque au Sultan et à évacuer définitivement la Syrie.

Que V. A. me permette de la supplier de prendre ces conditions en sérieuse considération. J'implore la toute-puissance de Dieu pour que l'exprit de V. A. se pénètre du bien qu'elle fera à un pays désorganisé, en accédant à la décision des quatre Puissances.

Le Capitaine Flanshaw est pleinement autorisé à recevoir la décision.

(Signé): STOPFORD, Amiral.

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