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Le bruit avait couru que la garde nationale serait désarmée après les fêtes du Bairam. Il n'en est rien pourtant jusqu'au jourd'hui; et les exercices ordinaires ont recommencé malgré les nouvelles de paix, ce qui cause un certain étonnement.

Je suis avec respect. Monsieur le Ministre, etc.

VATTIER DE BOURVILLE.

Correspondance politique. Égypte, XI, fos 256-257.

47.

M. Cochelet à Son Excellence Monsieur Guizot Ministre Secrétaire d'Etat des Affaires Etrangères.

SOMMAIRE: La soumission de Mohamed-Aly.

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Mohamed-Aly en est peiné et a demandé à le voir. Il craint d'avoir déplu au Roi et au gouvernement français. - « Nous avons commis de grandes fautes D, ditil. — Ses inquétudes sur les déterminations ultérieures de la Porte. Déjà la convention signée avec le commodore Napier n'a pas été ratifiée. Le Vice-roi craint des exigences sévères au sujet de la réduction de son armée et de l'augmentation de son tribut. Il voudrait être tout-à-fait indépendant en matière d'administration intérieure et ne pas être à la merci des firmans de la Porte; car il sent que tout le prestige de sa puissance est fini. Quant à nous, il nous convient de rester entièrement passifs et de laisser à chacun la responsabilité de ses actes; nous avons seulement intérêt, pour l'avenir de notre influence, à ce que Mohamed-Aly et ses successeurs soient absolument indépendants pour l'administration intérieure de l'Égypte, afin que les influences contraires ne puissent pas agir contre nous par l'in

termédiaire de la Porte.

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Le Paquebot-poste, qui est arrivé seulement hier matin et qui repart aujourd'hui, ne m'avait apporté aucune dépêche de Votre Excellence. Le soir, il a paru devant les passes du port d'Alexandrie un bateau à vapeur français. C'était le Phaéton, qui est partide Toulon le 23 novembre, et qui m'a ap, porté vos dépêches des 17 et 19 du même mois.

Vous aurez probablement reçu, depuis deux jours, Monsieur le Ministre, ma dépêche télégraphique du 26 novembre, qui vous annonçait que Méhémet-Ali s'était décidé à accepter les propositions dont vous me donnez connaissance par votre lettre du 19 précèdent, et vous aurez peut-être demain ma dépêche du 27 novembre, qui vous fera connaitre que ma tenue et ma conduite dans cette circonstance difficile, ont été telles que le Gouvernement du Roi pouvait les désirer, avant d'avoir reçu ses instructions.

Il ne nous convenait pas, effectivement, d'engager Méhémet-Ali à faire une résistance désespérée, lorsque j'avais la certitude que tous les moyens qu'il pourrait employer, ne pourraient pas le sauver, et qu'il serait anéanti; mais il était aussi contraire à notre dignité et à l'intérêt que nous lui avons montré, de l'engager à se soumettre. J'ai donc dû, Monsieur le Ministre, montrer une extrême réserve et paraître même peu satisfait du dénoncement inattendu qui a eu lieu, afin de me ménager un rôle entièrement passif et honorable.

Méhémet-Ali, qui ne s'attendait pas à cette nouvelle contenance de ma part, et que je n'avais pas été voir depuis onze jours, m'a fait témoigner plusieurs fois son étonnement de la cessation de mes visites. J'ai justifié mon absence sous divers prétextes; mais je n'ai pas pu me dispenser d'aller le voir, hier soir, après l'arrivée du Paquebot-poste. Il a montré, en me voyant, beaucoup d'attendrissement, et j'ai vu aussitôt, à la manière dont il me traitait, qu'il craignait d'avoir déplu au Roi et à la France en signant la convention du 27 novembre. Vous pensez bien. Monsieur le Ministre, que je me suis bien gardé de lui faire aucun reproche. J'ai cru devoir lui dire seulement que nous aurions voulu autre chose, dans l'intérêt de l'Empire ottoman et pour sa propre conservation; que nous y avions travaillé sans relâche; que nous avions même été, dans ce but, sur le point de compromettre la paix générale; que nous aurions sans doute réussi à lui assurer une position plus élevée, si la puissance qu'il avait créée avait eu quelque

consistance, si le peuple et l'armée avaient été disposés à l'aider dans la lutte. Je me suis arrêté là. Monsieur le Ministre, car j'ai vu que Méhémet-Ali était visiblement affecté. Il a lui même fini la conversation en poussant un profond soupir et en disant: « Nous avons commis de grandes fautes ».

Quoiqu'il en soit, Méhémet-Ali ne se repent pas du dernier parti qu'il a pris, et chacun le félicite de voir sa position assurée. On dit cependant qu'il conserve de l'inquiètude sur les déterminations ultérieures de la Porte et des Puissances alliées à son égard. Il n'est pas bien certain que la convention sera acceptée comme elle a été signée; et ce que vous me dîtes, Monsieur le Ministre, dans votre dépêche du 19 novembre, que Méhémet-Ali devait écrire une lettre par laquelle il ferait sa soumission et demanderait la révocation de l'acte de déchéance

prononcée contre lui pour l'Égypte, pourrait faire supposer que le Commodore Napier aura outrepassé ses pouvoirs en fesant avec Méhémet-Ali une convention qu'on trouvera peutêtre beaucoup trop digne pour ce dernier.

Ce qui paraît aussi inquiéter le Vice-roi, c'est la crainte qu'on ne l'oblige à de dures conditions pour la réduction de son armée et de sa flotte et pour l'augmentation de son tribut. Il désirerait surtout être indépendant de la Porte pour tous les actes de son administration intérieure. Il ne voudrait pas être, à chaque instant, à la merci de tous les firmans qui lui seront envoyés et qu'il devra exécuter; car malheureusement pour lui, tout le prestige de sa puissance est fini, et on ne s'inquiétera plus de ses menaces.

Quant à nous, Monsieur le Ministre, je crois qu'il nous convient maintenant de rester entièrement passifs, au milieu des débats que l'exécution de la convention peut susciter. Nous n'y avons eu aucune part. Nous sommes censés ne pas l'approuver. Nous devons laisser à chacun la responsabilité de ses actes. C'est au moins ma manière de voir, et je suis bien décidé à ne pas me mêler dans les discussions qui pourront avoir lieu, avant d'avoir reçu vos instructions positives. Je

pense cependant qu'il est très important, pour l'avenir de notre position en Égypte, où il sera bien constaté un jour que Méhémet-Ali et ses enfans auront dû leur pouvoir à nos bons offices, et où nous aurons toujours la première influence, qu'il est important, dis-je, que Méhémet-Ali et, plus tard, les siens, soient aussi indépendants que possible pour tous les actes de leur administration intérieure, afin que les Puissances qui auront le plus d'influence auprès de la Porte, n'en profitent pas pour se créer, par le moyen des firmans du Sultan, des avantages que nous n'aurions pas, car c'est bientôt sur le terrain des intérêts matériels que la lutte va s'engager et l'Angleterre profitera sans doute de sa position pour obtenir de la Porte les plus grandes concessions possibles.

Je suis avec respect, Monsieur le Ministre, etc.

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COCHELET.

P. S. Je continue à vous envoyer la copie de la correspondance de Constantinople, qui m'est remise à l'arrivée de chaque paquebot.

Correspondance politique. Égypte, XI, fos 258-260.

48.

Copie de la correspondance particulière de Constantinople, en date du 8 décembre 1840.

SOMMAIRE: On est satisfait du rétablissement de la paix et de la reprise des affaires. On pense que la Porte sanctionnera la convention Napier. Mais il faut s'attendre que lord Ponsonby continuera sa politique pour désarmer complétement Mohamed-Aly et le réduire à la condition de tous les autres gouverneurs de l'Empire. - Il est à craindre que ses intrigues n'amènent d'autres complications, qui embrouilleront encore les cartes.

La nouvelle que vous me donnez de l'évacuation de la Syrie par les Égyptiens et les préliminaires de paix m'ont fait plai

sir. Maintenant je désire apprendre la rentrée d'Ibrahim Pacha avec son armée en Égypte pour le bien-être et la prospérité de ce beau royaume.

Ici tout le monde est satisfait parce que chacun espère que les affaires reprendront, mais je ne crois pas que ce soit si tôt. Je crois que votre commerce reprendra plus vite que le nôtre parce que l'Égypte a plus de ressources.

Si S. A. n'avait pas eu des traîtres dans son armée, les Alliés n'auraient pas eu beau jeu, mais malheureusement la corruption a plus fait a plus fait que la force des armes.

Depuis l'arrivée du bateau français, il y a eu deux Conseils d'Etat et des conférences entre les ministres all és; l'hérédité ́de l'Égypte a été discutée; la Porte n'est pas éloignée de sanctionner la convention de Napier, mais Ponsonby exige que le Vice-roi fasse sa très humble soumission et qu'il n'ait plus d'escadre, d'arsenal, et qu'il désarme toutes ses troupes, excepté quelques gardes pour la police du pays; il ne devra plus battre monnaie; enfin le Ministre anglais insiste pour qu'il soit simple Pacha, à l'instar des autres Gouverneurs de l'Empire. Nous ne tarderons pas à connaître la décision de la Porte à cet égard. Il est à craindre que toutes les intrigues du Ministre anglais n'amènent d'autres complications qui pourraient embrouiller les cartes; dans peu de jours nous saurons à quoi nous en tenir.

Nous attendons maintenant les nouvelles intéressantes de chez vous; celles que je vous donne, quoique laconiques, ne sont pas encore bien connues par le public.

Correspondance politique, Égypte, XI, fo 261.

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