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même flotte commandée par un amiral anglais et passer sous le patronage de l'escadre britannique. Je sais bien que l'Angleterre ne la gardera pas, quoique l'expérience de tous les tems nous ait appris qu'on ne doit pas compter sur la foi punique, car alors il n'y aurait pas assez de foudres sur nos bâtimens de guerre pour chercher à la reprendre; mais elle s'arrangera de manière à ce qu'elle soit à sa disposition. Elle en connaîtra le fort et le faible. Elle y aura des officiers de son choix. Elle se fera un mérite de sa reddition à la Porte, et nous qui n'aurons pas voulu nous en servir, nous qui l'avont empêchée si souvent de sortir du port dans la crainte qu'elle ne fût prise ou anéantie par les Anglais, lorsque sa présence sur les côtes de Syrie aurait pu cependant faire une puissante diversion en faveur de Méhémet-Ali, nous n'aurons pas même les remercimens de la Porte qui feint d'ignorer tout ce que nous avons fait pour empêcher sa flotte d'être sacrifiée et pour arrêter Ibrahim Pacha sur le Taurus!

Il y a peut-être une puissance qui sera plus jalouse que la Porte elle-même de l'autorité que l'Angleterre exerce sur la flotte ottomane. C'est la Russie. Il paraît difficile qu'après avoir renoncé aux avantages du traité d'Unkiar-Skelessi, elle ne voie pas avec beaucoup d'ombrage, la suprématie que le cabinet britannique vient d'avoir dans toutes les dernières négociations et les résultats qui les ont suivies. Il ne doit pas lui convenir que l'Angleterre cherche à s'emparer de l'influence qu'elle avait à Constantinople et aussi à dominer en Egypte et en Syrie. Il est probable que le cabinet russe en nous voyant actuellement observateurs passifs de tout ce qui se passe en Orient voudra se rapprocher de nous, pour chercher à contrebalancer ici l'influence de l'Angleterre, et désirera nous admettre au partage de celle qu'elle voudra à tout prix conserver à Constantinople. Il y aura sous ce rapport en Orient une nouvelle lutte qui ne sera pas sans intérêt. Le commodore Napier, qui s'est rendu aujourd'hui à bord de la corvette française la Diligente, pour faire une visite au

commandant de ce bâtiment lui disait que maintenant que l'affaire de l'Égypte était terminée, les escadres anglaise et française devraient se réunir pour entrer dans la Mer Noire et menacer la puissance russe. Je crois effectivement que ce sera, un peu plus tôt ou un peu plus tard, le désir du cabinet anglais; mais l'expérience de la dernière année nous a appris jusqu'à quel point on pouvait se fier à son alliance et à ses promesses.

Je suis avec respect, Monsieur le Ministre, etc.

COCHELET.

Du 18. Le paquebot français, qui devait être ici le 14, a attendu longtems à Syra celui de Malte, qui a été retardé par les mauvais tems et n'est arrivé qu'hier. Il repart aujourd'hui.

Ce paquebot ne m'apporte aucune dépêche officielle de Votre Excellence. La dernière est toujours celle du 19 novembre.

Il est arrivé, hier matin, de Constantinople, un bateau à vapeur turc, le Tahiri Bahri, qui amène ici des officiers de la marine ottomane, chargés de conduire l'escadre.

M. de Pontois m'avait écrit, le 7 janvier, par notre paquebot, qu'une personne qui jouit de toute la confiance de Reschid Pacha, lui avait donné l'assurance positive que l'hérédité sera accordée à Méhémet-Ali et qu'il pouvait, en toute sûreté, l'annoncer au Gouvernement du Roi. Il m'écrit encore hier, par le bateau à vapeur turc, en date du 12, que je puis regarder comme certain et dire au Pacha que malgré le mauvais vouloir de Lord Palmerston et de Lord Ponsonby, l'hérédité lui sera accordée et que les Puissances en ont pris l'engagement envers la France. C'est, au reste, la promesse qui avait été faite par le commodore Napier.

Méhémet-Ali paraît accepter franchement sa nouvelle po

sition. Il a dit qu'il voulait être maintenant l'homme de la paix. Son intention est de donner une nouvelle impulsion à l'agriculture et de développer tous les élémens de richesse de l'Égypte. Il va assigner un poste administratif et militaire à chacun des nombreux Pachas qui étaient à la tête de son armée. Ahmed Pacha, son neveu, est déjà nommé son représentant à Alexandrie où il résidera. Méhémet-Ali reprendra ses habitudes de résidence au Caire. Il y passera la plus grande partie de l'année.

Correspondance politique. Égypte, XIII, for 66-71.

C.

69. M. Vattier de Bourville à Son Excellence Monsieur le Ministre et Secrétaire d'Etat au Département des Affaires Etrangères, à Paris.

SOMMAIRE: Transmission d'une lettre de Varin bey qui donne des nouvelles de Gaza et de la région. Il arrive toujours des troupes d'Arabie. La route de Suez est à peu près débarrassée des incursions des Bédouins.

MONSIEUR LE MINISTRE,

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Caire, le 13 janvier 1841.

Par le dernier rapport que j'ai eu l'honneur d'adresser à Votre Excellence le 23 décembre dernier, j'annonçais que le colonel Varin Bey se mettait en route avec ses cavaliers de Gaza pour Jaffa, afin d'aller, disait-on, à la rencontre des troupes d'Ibrahim-Pacha. Mais deux lettres de ce colonel même adressées ici et que je viens d'avoir sous les démentent cette nouvelle. Le colonel Varin, commandant l'école de cavalerie, entre dans des détails qui m'ont paru devoir offrir quelqu'intérêt, parce qu'ils font connaître le véritable état des choses dans le camp dont il fait partie, dans les contrées où il se trouve et qu'ils donnent, d'ailleurs, des avis que l'on

yeux

peut considérer comme officiels sur la position actuelle d'Ibrahim Pacha. J'ai donc fait copier ces lettres afin de les porter à la connaissance de Votre Excellence. J'ai l'honneur de joindre, ici, cette copie.

Les troupes régulières qui rentrent de l'Arabie continuent d'arriver. J'espère pouvoir en compléter incessamment le tableau statistique que j'ajouterai à celui que j'ai déjà envoyé au Département.

La route de Suez ne présente plus autant de dangers depuis la leçon que les Bédouins du désert viennent de recevoir depuis peu. Ils ont essuyé, près de Suez, une charge qui leur a coûté neuf cavaliers; la tête de chacun de ces hommes a été portée au Caire ces jours passés. Les caravanes n'en continuent pas moins à prendre toutes les précautions que les circonstances semblent exiger.

Je suis avec respect, Monsieur le Ministre, etc.

VATTIER DE BOURVILLE.

70. Nouvelles de Gaza.

SOMMAIRE: Lettres d'Ibrahim-pacha: il a commencé sa retraite; il craint d'être gêné par le mauvais temps.

Etat médiocre des troupes qui sont réunies à Gaza. Les populations de la Syrie sont un peu calmées, par la nouvelle de la retraite des troupes égyptiennes. Les communications sont encore difficiles avec Ibrahim-pacha. On sait que Soliman-pacha est avec lui.

--

Gaza, 1er janvier 1841.

.....Hier, pour la première fois, le général Selim Bey, sous les odres de qui nous sommes placés a reçu une lettre d'Ibrahim Pacha qui lui annonce que toute son armée et tous ses généraux se sont réunis à lui à Damas et qu'il en partira pour rentrer en Egypte si le temps le lui permet. Mais il

est à craindre que le mauvais temps, les neiges, etc., rende les chemins impraticables. Cependant il assure opérer son mouvement de retraite le plutôt qu'il lui sera possible.

Nous avons ici les débris de trois régiments de cavalerie, le 2ème, le 6ème, et le 10ème qui forment à peine entr'eux tous six escadrons. Il y a aussi de l'artillerie et 600 hommes d'infanterie qui sont animés du plus mauvais esprit. Ils ne pensent qu'à déserter aussitôt que l'occasion se présentera. Ils me gênent beaucoup pour nos jeunes gens.

Nous avons déjà 25 chevaux morts, 23 malades, 41 morveux et 40 douteux. Vous devinez quels sont mes tourments. Nous avons reçu 19 chevaux du 2ème rég. de cavalerie, qui nous les a donnés avec beaucoup de peine. Il en a 150 de plus que d'hommes. Le 10ème en a aussi de trop. S'il fallait retourner au Caire en ce moment, je ne sais en vérité comment nous ferions, car le harnachement est dans le plus affreux état par suite d'objets perdus. Malheureusement je n'ai pu prendre à Salahié qu'un tiers de cuirs que Hassan Bey y avait laissé, attendu qu'il n'y avait pas de chameaux, et le tout ne serait pas de trop ici.

Ne donnez pas nos chevaux de manège, je vous prie, nous en aurons grand besoin...

Gaza, le 1er janvier 1841.

... Je m'empresse de vous communiquer les seules nouvelles arrivées hier, et pour la première fois, d'Ibrahim Pacha à Selim Bey général, auquel il annonce que toute son armée est réunie à Damas avec tous ses généraux et tous ses régiments. Il ajoute qu'il partira le plus tôt possible pour rentrer en Égypte si le temps le lui permet. Mais il y a beaucoup à craindre que dans la saison où nous nous trouvons, les chemins dans les montagnes ne soient pas praticables, soit par les pluies continuelles que nous éprouvons, même ici, ou par

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