Images de page
PDF
ePub

L'Ambassade de France, bien qu'elle ait été constamment tenne au courant de ces pourparlers par l'ambassadeur d'Autriche, et les ministres de Russie et de Prusse, n'y est pas intervenue officiellement; il nous a paru que cette attitude réservée, en nous maintenant libres de tout engagement, avait le double avantage d'être plus conforme à notre dignité et de nous donner plus de moyens d'exercer par des voies efficaces, bien qu'indirectes, une influence favorable au Vice-roi.

Dans cet état de choses, je conçois parfaitement le mécontentement que doit éprouver Méhémet Ali des tergiversations de la Porte et de ses hésitations peu bienveillantes; mais je crois que lorsqu'elles auront enfin cédé, sur la question capitale de l'hérédité, à l'action des conseils de l'Europe, il aurait tort de s'attacher trop opiniâtrement à quelques points secondaires, à quelques incidents de forme dans lesquels la Porte pourra chercher une satisfaction de vanité. Il serait surtout bien fâcheux que, puisant une confiance exagérée dans l'aspect un peu plus favorable que semble présenter en ce moment, tant en Syrie qu'en Egypte, sa situation militaire, il voulût revenir sur les conditions auxquelles il s'est soumis. Sans doute, cette amélioration, si elle doit se soutenir, aura un bon côté. Un arrangement conclu sous de tels auspices lui laissera, quelles qu'en soient les bases, une force morale bien supérieure à celle qu'il eût puisée dans ce même arrangement, signé par lui alors qu'il semblait hors d'état de rien contester. Cet avantage est grand, mais pour cette raison même, il faut s'empresser de le saisir, sans l'exposer, par d'imprudents retards et par des exigences déraisonnables ou seulement peu nécessaires, au hasard de quelqu'une de ces vicissitudes dont les affaires d'Orient ont depuis quelques mois offert tant d'exemples. Je ne m'étendrai pas davantage sur une éventualité, bien peu vraisemblable d'ailleurs, puisquelle supposerait, de la part du Vice-roi, un degré d'imprévoyance et de témérité vraiment incroyable. J'ai voulu

seulement vous indiquer la nature des conseils

que vous auriez

à lui faire entendre dans les différentes hypothèses qui pour

ront se présenter.

Recevez, etc.

Correspondance politique. Égypte, XIII, fos 89-92.

77. M. Cochelet à Son Excellence Monsieur Guizot Ministre Secrétaire d'Etat des Affaires Etrangères.

SOMMAIRE: Mohamed Aly attend avec tranquillité le hatti-schérif de l'hérédité. Il sait et il dit que, sans l'intervention de la France, on aurait maintenu sa déchéance. Il veut qu'on laisse à la France tout le mérite des avantages qui L'intimité et la confiance sont rétablies entre le Vice-roi et Cochelet. Mais on peut se demander quelle va être la conduite des autres consuls généraux quand ils vont revenir en Égypte. Il aurait été délicat de nommer de nouveaux titulaires dans des circonstances aussi nouvelles.

ont été obtenus.

MONSIEUR LE MINISTRE,

Alexandrie, le 27 janvier 1841.

Le paquebot français est arrivé hier seulement et repart aujourd'hui. Il ne m'a apporté aucune nouvelle instruction de Votre Excellence sur les affaires de l'Orient. Je n'ai rien, non plus, à ajouter aux renseignemens contenus dans mes dernières lettres. J'ai vu hier Méhémet-Ali. Il attend avec beaucoup de tranquillité le hatti-schérif du Sultan qui doit lui accorder l'investiture héréditaire de l'Égypte. Il paraît satisfait de sa nouvelle position. Il m'a dit qu'il était persuadé que, sans la France, ou aurait maintenu sa déchéance. J'ai fortifié à cet égard sa conviction, et je l'ai engagé à la faire passer daus l'esprit des membres de sa famille et de quelques principaux fonctionnaires dout on m'avait rapporté des propos tendant à nous représenter comme ayant trahi ses intérêts. Il a paru fort peiné du reproche d'ingratitude que

L'Ambassade de France, bien qu'elle ait été constamment tenne au courant de ces pourparlers par l'ambassadeur d'Autriche, et les ministres de Russie et de Prusse, n'y est pas intervenue officiellement; il nous a paru que cette attitude réservée, en nous maintenant libres de tout engagement, avait le double avantage d'être plus conforme à notre dignité et de nous donner plus de moyens d'exercer par des voies efficaces, bien qu'indirectes, une influence favorable au Vice-roi.

Dans cet état de choses, je conçois parfaitement le mécontentement que doit éprouver Méhémet Ali des tergiversations de la Porte et de ses hésitations peu bienveillantes; mais je crois que lorsqu'elles auront enfin cédé, sur la question capitale de l'hérédité, à l'action des conseils de l'Europe, il aurait tort de s'attacher trop opiniâtrement à quelques points secondaires, à quelques incidents de forme dans lesquels la Porte pourra chercher une satisfaction de vanité. Il serait surtout bien fâcheux que, puisant une confiance exagérée dans l'aspect un peu plus favorable que semble présenter en ce moment, tant en Syrie qu'en Egypte, sa situation militaire, il voulût revenir sur les conditions auxquelles il s'est soumis. Sans doute, cette amélioration, si elle doit se soutenir, aura un bon côté. Un arrangement conclu sous de tels auspices lui laissera, quelles qu'en soient les bases, une force morale bien supérieure à celle qu'il eût puisée dans ce même arrangement, signé par lui alors qu'il semblait hors d'état de rien contester. Cet avantage est grand, mais pour cette raison même, il faut s'empresser de le saisir, sans l'exposer, par d'imprudents retards et par des exigences déraisonnables ou seulement peu nécessaires, au hasard de quelqu'une de ces vicissitudes dont les affaires d'Orient ont depuis quelques mois offert tant d'exemples. Je ne m'étendrai pas davantage sur une éventualité, bien peu vraisemblable d'ailleurs, puisquelle supposerait, de la part du Vice-roi, un degré d'imprévoyance et de témérité vraiment incroyable. J'ai voulu

seulement vous indiquer la nature des conseils que vous auriez à lui faire entendre dans les différentes hypothèses qui pourront se présenter.

Recevez, etc.

Correspondance politique. Égypte, XIII, fos 89-92.

77. M. Cochelet à Son Excellence Monsieur Guizot Ministre Secrétaire d'Etat des Affaires Etrangères.

SOMMAIRE: Mohamed Aly attend avec tranquillité le hatti-schérif de l'hérédité. Il sait et il dit que, sans l'intervention de la France, on aurait maintenu sa déchéance. Il veut qu'on laisse à la France tout le mérite des avantages qui ont été obtenus. L'intimité et la confiance sont rétablies entre le Vice-roi et Cochelet. Mais on peut se demander quelle va être la conduite des autres consuls généraux quand ils vont revenir en Égypte. Il aurait été délicat de nommer de nouveaux titulaires dans des circonstances aussi nouvelles.

MONSIEUR LE MINISTRE,

[ocr errors]

Alexandrie, le 27 janvier 1841.

Le paquebot français est arrivé hier seulement et repart aujourd'hui. Il ne m'a apporté aucune nouvelle instruction de Votre Excellence sur les affaires de l'Orient. Je n'ai rien, non plus, à ajouter aux renseignemens contenus dans mes dernières lettres. J'ai vu hier Méhémet-Ali. Il attend avec beaucoup de tranquillité le hatti-schérif du Sultan qui doit lui accorder l'investiture héréditaire de l'Égypte. Il paraît satisfait de sa nouvelle position. Il m'a dit qu'il était persuadé que, sans la France, ou aurait maintenu sa déchéance. J'ai fortifié à cet égard sa conviction, et je l'ai engagé à la faire passer daus l'esprit des membres de sa famille et de quelques principaux fonctionnaires dout on m'avait rapporté des propos tendant à nous représenter comme ayant trahi ses intérêts. Il a paru fort peiné du reproche d'ingratitude que

je leur fesais, et il m'a promis qu'il rectifierait les fausses idées qu'on pouvait avoir eues sur tout ce qui s'était passé, en ayant soin de laisser à la France tout le mérite de son intervention amicale.

L'intimité et la confiance sont rétablies entre moi et Méhémet-Ali, comme par le passé. Daus son intérêt, je chercherai à ce qu'elles n'excitent pas d'ombrage. On dit que les Consuls généraux d'Angleterre, d'Autriche et de Russie ne tarderont pas à revenir. Je leur laisserai la joie du triomphe. Un sentiment de délicatesse bien entendu aurait dû engager leurs gouvernements à les remplacer. A des circonstances nouvelles, il aurait fallu des hommes nouveaux. Il y a maintenant une mission de civilisation et de paix qu'il faut bien comprendre et pour laquelle on doit être animé des mêmes sentimens dans l'intérêt du bien-être matériel du pays, pour la prospérité de l'agriculture et du commerce. J'espère que les Consuls généraux qui reviendront, et qui n'ont pas été prendre congé de Méhémet-Ali quand ils sont partis, ne se considèreront pas comme des vainqueurs qui lui imposeront leurs volontés et même leurs caprices. Il y a un plus beau rôle à jouer. C'est celui de ramener tout le système actuel à des idées d'ordre, de morale et d'humanité. C'est celui de tendre à dissiper tous les nuages qui existent encore entre la Porte et l'Égypte, à faire naître la confiance entre le Sultan et Méhémet-Ali, et à raffermir, s'il est encore possible, le vieil Empire ottoman, si ébranlé et si convoité.

Je suis avec respect, Monsieur le Ministre, etc.

COCHELET.

P.S.

Je joins à cette dépêche la correspondance de Constantinople et de Smyrne, en date des 8 et 18 Janvier, adressée à l'agent d'Ibrahim Pacha.

Correspondance politique. Égypte, XIII, fos 93-94.

« PrécédentContinuer »