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au contraire engagé M. Gallice à être fort modéré dans ses discours et très-circonspect dans sa conduite. La continuité de son séjour à Alexandrie, depuis que les affaires semblaient terminées, avait déjà donné lieu à quelques suppositions que j'ai dû combattre. J'ai dit que nous ne l'aurions pas envoyé dans les circonstances actuelles, mais que, puisqu'il se trouvait sur les lieux, il était naturel que Méhémet-Ali profitât de ses connaissances pour organiser un système de fortifications qui était dans l'intérêt de la défense des possessions de la Porte Ottomane. Je ne manque pas de raisons pour atténuer la présence de M. Gallice, mais il y a toujours des susceptibilités ombrageuses qui voient dans les services que rend cet officier des encouragemens et des arrière-pensées.

Il serait bien à désirer cependant que l'Égypte fût fortifiée de manière à être mise à l'abri d'un coup de main, tant du côté de la Méditerranée que de celui de la mer Rouge; mais les fortifications qu'on pourra faire ne l'en garantiront pas. Ce sont les hommes pour commander les batteries qui manquent. Il faudrait ici quelques bons officiers et sous-officiers d'artillerie. Il faudrait aussi quelques gardes du génie. Au reste, M. Gallice qui fait des rapports fréquens et directs à M. le Ministre de la Guerre, n'aura pas négligé de l'informer de la situation exacte des choses.

Je suis avec respect, de Votre Excellence, etc.

Correspondance politique. Égypte, XIII, fos 186-188.

COCHELET.

113.

Dépêche adressée à la Sublime Porte par Saïd Mouhib-Effendi, envoyé à Alexandrie, porteur du Firman du 13 février 1841.

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SOMMAIRE: L'arrivée à Alexandrie: les honneurs qui lui ont été rendus. Présenta tion du firman: « La publication des conditions que ce firman renferme, dit Mohamed-Aly, doit, dans un pays tel que celui-ci,causer des désordres » Mouhib insiste par conseils et menaces: l'hérédité tient à ces conditions; le Vice-roi répond qu'on en parlera plus tard et lève l'audience. — Nouvelle réception quelques jours après: Mohamed Aly déclare que le nombre de troupes qu'on lui laisse est insuffisant, même dans l'intérêt de la Porte; on s'entend sur ce point: lorsque le besoin en sera évident Mohamed Aly demandera à la Porte l'autorisation delever des contingents supplémentaires. — Le Pacha s'engage aussi à tenir sa flotte à la disposition du Sultan. — Discussion sur le recrutement, sur le service de cinq ans, sur l'attribution des grades supérieurs, où Mohamed Aly ne veut pas céder, ses troupes devant être commandées par des chefs qui aient sa confiance; sur l'envoi à Constantinople de l'un de ses fils; - sur la ligne de la succession, qui ne doit pas être laissée à l'arbitraire de la Porte: il a été impossible là-dessus de le faire changer d'avis; -- sur la proportion des revenus de l'Égypte qui sera retenue par la Porte: retenir le quart du revenu, c'est ruiner le pays. - Le Pacha, dans une suite d'entretiens, répète les mêmes objections et Mouhib le prie de les rédiger par écrit dans sa réponse à la Porte. Encore la question de l'uniforme des troupes, des pavillons et drapeaux, etc. Mouhib attendra à Alexandrie les décisions et la réponse de la Porte.

28 février 1841.

Semedi, le 7ème jour de mon départ de Constantinople, vers 2 heures (à 8 heures à peu près du matin) j'entrai après une traversée heureuse, dans le port d'Alexandrie où le paquebot jeta l'ancre.

Zeki Effendi vint me saluer et me complimenter sur mon arrivée, au nom du Gouverneur de l'Égypte S. A. MéhémetAli Pacha.

Nous nous préparions à aller à terre ensemble lorsqu'une autre personne est venue de la part de S. A. pour demander si le Firman impérial devait être lu ici ou au Caire. Je répondis que le Firman devait être lu d'abord ici et puis au Caire, et qu'ensuite il fallait qu'il fût porté à la connaissance du public. En conséquence de ma réponse, Zeki Effendi me dit

d'attendre une ou deux heures afin que l'on préparât la troupe et la musique; et il nous quitta pour retourner à terre, en me disant qu'il allait revenir pour m'informer de ce qu'il avait à faire.

Vers les 5 heures, Zeki Effendi revint avec la felouque de S. A.; il me dit que les troupes et la musique étaient prêtes, que S. A. m'attendait et que nous pouvions partir. Je lui demandai si le firman allait être lu. Il répondit: « Non, il faut que S. A. le voie d'abord ». J'allai donc à terre dans la felouque de S. A. accompagné de mon adjoint Shefig Bey. Lorsque je débarquai à l'Echelle, les bâtimens que S. A. possède sous les auspices du Sultan, et qui se trouvaient dans le port furent pavoisés; l'on tira des coups de canon en signe de joie et de reconnaissance; et une compagnie de troupes de marine, dont les officiers étaient en grande tenue, vint, musique en tête, à ma rencontre.

Enfin lorsque je me présentai chez le Pacha, S. A. après une conversation indifférente, m'ayant demandé le firman dont j'étais porteur, je le lui remis très respectueusement.

S. A. me fit lire d'abord une lettre du Grand Vizir et puis le firman relatif à l'hérédité, après quoi, elle me dit:

« La publication des conditions que ce firman renferme doit, dans un pays tel que celui-ci, causer des désordres ».

Je lui répondis que loin que la publication de ce firman

puisse donner lieu à des désordres, il est en lui-même une faveur éclatante dont tout le peuple et ceux qui l'entendront auront à s'enorgueillir; et conformément à mes instructions, je fis tout l'usage que je pus de ma langue et de mon jugement pour l'amener à de meilleurs sentimens en l'y disposant des propos encourageants et par les menaces nécessaires; et je lui représentai que la nature de cette affaire exigeait que le firman fût lu dans une assemblée solennelle, et porté à la connaissance du public. Le Pacha répliqua:

par

« Que Dieu conserve notre Padishah et bienfaiteur! Je suis l'esclave du Sultan; je ne saurais lui témoigner assez de re

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connaissance pour la faveur dont je viens d'être l'objet, et il est de mon devoir d'exécuter promptement tous ses ordres; mais comme la lecture en public de ce firman, dans ce momentci, présente quelques iuconvénients, nous en parlerons plus tard et nous verrons ce qu'il y aura à faire ».

Je lui dis alors que les conditions dont il s'agit ont été établies avec le concours des hautes Cours alliées, que la volonté de S. H. à cet égard est positive, et que l'hérédité tient à ces conditions. Mais comme S. A. avait dit que nous verrions tout cela après, Sami-Bey, qui était aussi présent, prenant la parole: « L'Effendi, dit-il, est fatigué du voyage; que V. A. lui permette d'aller reposer ». A ces mots la séance fut levée et je me rendis à la maison de Sami Bey qui m'avait été destinée.

Lundi, je me rendis de nouveau auprès du Pacha: «Comment vous portez-vous, mon fils, demanda S. A. Etes-vous bien? Avez-vous reposé? ».

A ces questions je répondis:

« Je suis à mon aise, parce que, grâce à Dieu, les démêlés et les différends, qui ont pendant quelque tems traîné en longueur, venant de cesser sous les auspices de S. M. I., il n'y a plus aucune scission, aucune division. Cependant les propos que V. A. a tenus l'autre jour, tendant à faire voir que quelques-unes des conditions dont il s'agit ne sauraient vous convenir, et qu'il n'est pas convenable de lire publiquement le Firman impérial, m'ont extrêmement affligé ».

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« Mon fils - répliqua le Pacha — la lecture publique du firman est sujette à une foule d'inconvéniens; comment peut-on gouverner l'Egypte avec ce nombre de troupes?» «Grâce à Dieu, il n'y a plus en Egypte de troupes d'aucune espèce, et ce nombre de troupes a été jugé suffisant pour la défense du pays »<< Fort bien! fort bien! Mais ce pays-ci est la clé de l'Afrique, la clé même, peut-être, de Constantinople. Et quoiqu'il n'y ait pas de troubles ici, il est de l'intérêt de la Sublime Porte qu'il y ait beaucoup de troupes en Egypte, car

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lorsqu'on en aura besoin, comme en cas d'une guerre, je pourrai envoyer la quantité de troupes qu'on me demandera, et qu'on m'ordonnera d'envoyer ».

« Il faut effectivement que V. A. rende ces sortes de services à la Sublime Porte, et c'est ce que nous espérons. Mais supposé même, Dieu garde, que quelqu'évènement ait lieu en Afrique, et bien! alors, aussitôt que l'on aura fait connaître à la Sublime Porte, et qu'on aura demandé son autorisation pour lever le nombre des nouvelles troupes qui sera jugé nécessaire, nul doute que la Sublime Porte n'accorde cette permission et n'y donne son assistance nécessaire d'après l'exigence du cas. Le nombre des troupes tel qu'il vient d'être fixé est suffisant.

<< Puisque la Sublime Porte doit m'accorder l'autorisation que je lui demanderai au besoin, et qu'elle y donnera son assistance, ce que vous dîtes est raisonnable; et le nombre fixé à présent paraît, en effet, suffisant pour la défense de la province d'Égypte. Ainsi, je séparerai, des troupes qui arrivent de la Syrie, et de celles qui se trouvent ici, les hommes peu propres au service; et mettant en exécution la volonté du Sultan à cet égard, je n'emploierai pas plus de troupes que le nombre qui a été fixé, et toutes les fois qu'on aura besoin de troupes, et qu'on m'en demandera, j'aurai soin de les équiper, et je m'empresserai de les expédier à tel endroit qu'on voudra ». Tel est l'engagement pris par S. A. Quant à la flotte existante en Égypte, attendu qu'elle fait partie de la flotte impériale, le Pacha a donné sa parole positive que, comme pour les troupes de terre, toutes les fois que la Sublime Porte demandera un tel nombre de bâtimens ou toute la flotte, il ne manquera pas d'expédier sans aucun délai tel nombre de bâtimens qu'on lui aura demandé et même toute la flotte au grand complet, qu'il renonce à faire construire un plus grand nombre de bâtimens et qu'il ne fera pas construire un nouveau bâtiment pour remplacer celui qui ne sera pas en état de tenir la mer, qu'après en avoir obtenu la permission de la Sublime Porte.

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