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esentielle aux plus chers intérêts de l'Europe, parce que la chute de cet Empire augmenterait la puissance des Etats voisins aux dépens de l'équilibre général, et que la France consacrera tous ses efforts à la conservation de la paix et à maintenir l'équilibre politique en Europe. Ces assurances s'accordent en effet parfaitement avec toutes les communications diplomatiques antérieures que le Gouvernement de Sa Majesté a reçues de celui de France pendant la marche de ces négociations, et elles ont une grande valeur aux yeux du Gouvernement de Sa Majesté, qui y voit la garantie que, nonobstant quelques divergences d'opinion entre les Puissances européennes sur des affaires de détail, l'accord général de toutes les grandes Puissances sur les principes fondamentaux qui doivent règler leur conduite dans ces affaires, empêchera toute rupture de la paix.

Le principal sujet de la dépêche de M. Thiers est le Firman du Sultan qui déclare Méhémet-Ali déchu de son gouvernement de l'Egypte; et mes dépêches à Votre Excellence, n. 291, du 17 du mois dernier, et à Lord Ponsonby, n. 195, du 15 du mois dernier, communiquées au Gouvernement français, contiennent un exposé si complet de la manière dont le Gouvernement de Sa Majesté a envisagé cette mesure, que je n'ai pas besoin, pour le moment, d'insister sur ce point. Mais certains passages de la dépêche de M. Thiers ont suggéré au Gouvernement de Sa Majesté des réflexions que Votre Excellence est invitée à soumettre au Cabinet français. M. Thiers dit que la France, en acceptant avec une fidélité religieuse l'état de l'Europe tel qu'il résultait des traités (par quoi l'on entend sans doute les traités de 1815) a entendu que cet état ne serait changé ni au profit, ni au détriment d'aucune puissance existante. Le Gouvernement de Sa Majesté partage entièrement cette manière de voir: il pense qu'un arrangement qui a pour objet d'empêcher que l'Egypte et la Syrie ne soient détachées de l'Empire Ottoman est strictement conforme à cette opinion, et aussi bien d'accord avec sa lettre qu'avec son esprit.

M. Thiers déclare que l'intégrité de l'Empire Ottoman embrasse les rives de la mer Noire et celles de la mer Rouge, et qu'il est aussi important de maintenir l'indépendance de l'Égypte et de la Syrie que celle du Bosphore et des Dardanelles. Mais le Gouvernement de Sa Majesté présume que la véritable signification de ce passage est, non que les parties spéciales de l'Empire Turc y mentionnées devraient être séparément indépendantes, parce que ce serait là une dissolution de l'Empire Ottoman, mais que la Puissance souveraine qui gouverne tout l'Empire Turc devrait être en état d'exercer son autorité suprême avec une indépendance entière de tout contrôle étranger aussi complètement et pleinement sur les rives de la mer Rouge que sur celles de la mer Noire, en Égypte et en Syrie que sur le Bosphore et les Dardanelles. Le Gouvernement de Sa Majesté partage cette opinion, et les mesures en voie d'exécution par les quatre Puissances relativement à la Syrie paraissent au Gouvernement de Sa Majesté s'accorder rigoureusement avec ces vues. En cela, le Gouvernement de Sa Majesté est charmé de se trouver d'accord avec les arguments consignés dans la dépêche de M. Thiers; mais il ne peut pas également approuver l'opinion que la condition actuelle du Pacha d'Égypte est un élément essentiel de l'équilibre du pouvoir en Europe.

La totalité de l'argument de M. Thiers, sur ce point, semble reposer sur la supposition que la continuation de l'existence de Méhémet-Ali dans sa condition actuelle, comme Pacha d'Égypte, est une source de force pour le Sultan, et tend à le mettre en état de le mieux défendre contre tout danger extérieur et intérieur; mais s'il est admis que Méhémet-Ali est un Gouverneur usant, contre son Souverain, d'une autorité qui lui a été confiée pour le bénéfice de ce même Souverain, et employant contre le suprême pouvoir de l'Etat les ressources militaires, navales et financières d'une partie importante de l'Empire même, si enfin il est, pour me servir des termes mêmes de la dépêche, << un Pacha insoumis envers son maître et dépendant

de toutes les influences étrangères », il est évident que la continuation de l'existence d'un sujet qui se trouve dans un état d'insubordination et d'inimitié envers son souverain doit être une source de faiblesse et non de force pour ce souverain, doit le mettre moins à même de se défendre contre tout danger intérieur et extérieur et doit par conséquent, d'après les principes de la dépêche de M. Thiers, compromettre la balance du pouvoir.

Mais l'opinion du Gouvernement turc, qui peut être regardé comme un juge compétent en cette matière, a été depuis quelque temps que la continuation de l'existence de Méhémet Ali dans sa condition actuelle de puissance militaire, et avec ses intentions hostiles envers le Sultan, est incompatible avec la paix intérieure et l'intégrité de l'Empire Ottoman, et destructive de l'indépendance du Sultan, en ce qui concerne ses relations avec les Puissances étrangères; et, sans contredit, l'expérience de ces dernières années n'a que trop bien prouvé que cette opinion n'est pas dénuée de fondement. L'étendue des limites dans lesquelles il peut être nécessaire de renfeimer l'autorité déléguée de Méhémet-Ali, afin de rendre probable qu'il sera à l'avenir un sujet obéissant, au lieu d'un sujet désobéissant et qu'il pourra ainsi devenir une source de force et non de faiblesse pour l'Empire Ottoman, est un point sur lequel les opinions peuvent différer, et je n'ai pas à discuter cette question en ce moment. Mais le Gouvernement de Sa Majesté pense que, quelles que puissent être à cet égard les opinions des Puissances étrangères, ces opinions ne peuvent servir qu'à régler les conseils que ces Puissance peuvent donner au Sultan, ou à déterminer l'étendue des secours qu'elles peuvent être disposées à lui prêter, mais il n'appartient qu'au Sultan, en sa qualité de souverain de l'Empire ottoman, de décider lequel de ses sujets sera nommé par lui pour gouverner telle ou telle partie de ses possessions, et les Puissances étrangères n'ont aucun droit de contrôler le Sultan, dans l'exercice discrétionnaire d'un des attributs inhérents et essentiels

de sa souveraineté indépendante. La question de principe sur laquelle je viens d'appeler votre attention ne pourra probablement avoir aucune influence pratique sur les événements qui s'accomplissent en ce moment; mais le Gouvernement de Sa Majesté n'a pas voulu que son silence sur cette question exposât ses opinions à être mal comprises.

Votre Excellence donnera une copie de cette dépêche au ministre des affaires étrangères.

Je suis, etc.

Correspondance politique, Égypte, XI, fos 205-206.

Vie. PALMERSTON.

3. M. Vattier de Bourville, consul de France au Caire à Son Excellence Monsieur le Ministre et Secrétaire d'Etat, au département des Affaires étrangères, à Paris.

SOMMAIRE: Envoi de renseignements sur les écoles musulmanes du Caire. Tableau joint.

Caire, 3 novembre 1840.

MONSIEUR LE MINISTRE,

Par mon rapport du 13 octobre (n. 13) j'ai eu l'honneur d'informer Votre Excellence que S. A. le Vice-roi m'annonça, la veille de son dernier départ du Caire, comme une chose remarquable, la prochaine incorporation qui allait être faite du corps des Ulémas dans les rangs de la garde nationale. Des dispositions ont été prises aussi pour armer, au besoin, les élèves des différentes écoles qui peuvent être en état de porter les armes.

Je pense qu'à cette occasion, Votre Excellence peut désirer d'avoir des renseignements statistiques sur les écoles Musulmanes du Caire, et je m'empresse de lui en adresser, ci-joint, un tableau.

Je suis avec respect, Monsieur le Ministre, etc.

VATTIER DE BOURVILLE

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