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hostilités. Vous jugerez donc, dans votre impartialité, Monsieur le Commodore, si les torts ont été du côté du Viceroi. S. A. a la persuasion du contraire et elle reste convaincue que les grandes puissances lui rendront justice à cet égard.

Je répondrai maintenant sur ce qui concerne la restitution de l'Escadre ottomane et l'évacuation de la Syrie. Il n'a jamais été dans les intentions de S. A. de retenir la flotte de son Souverain; et elle n'a cessé de s'exprimer dans ce sens du jour même que les circonstances ont amené l'escadre du Grand Seigneur à Alexandrie. Il y a plus, lorsque Sami Bey a été envoyé en mission auprès de la Sublime Porte, il a offert au nom de S. A. la restitution de la flotte qui était sur le point de mettre à la voile pour retourner à Constantinople au moment où les hostilités sont venues ajourner l'exécution des ordres du Vice-roi.

Quant à l'évacuation de la Syrie, S. A. avait cru être en droit d'attendre de nouveaux ordres de la Sublime Porte. Vous savez, M. le Commodore, comment il a été répondu à la demande du Vice-roi, qui dès lors a cru devoir recourir à la médiation de la France, manifestant ainsi son intention d'entrer dans des voies de conciliation et son désir de voir mettre un terme à un état de choses que S. A. a la conscience de n'avoir pas provoqué. Pour le moment, les relations directes entre le Vice-roi et le général en chef sont interrompues par suite de l'agitation qui règne dans ce pays.

C'est dans le but seul de faire cesser les désordres, et pour assurer les voies de correspondance entre l'armée et l'Égypte que le Vice-roi vient de diriger sur la frontière un corps de troupes dont la mission est le rétablissement des communications.

J'espère, Monsieur le Commodore, que vous serez satisfait des explications que le Vice-roi m'a ordonné de vous transmettre, et que vous reconnaîtrez, dans l'empressement que j'ai mis à répondre avec franchise à votre bienveillante commu

nication, une nouvelle preuve des sentimens pacifiques et concilians qui n'ont jamais cessé d'animer le Vice-roi, mon maître.

Je saisis, etc.

Correspondance politique. Egypte, XII, fos 146-147.

30. - M. Cochelet à Son Excellence Monsieur Guizot Ministre Secrétaire d'Etat des Affaires étrangères.

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SOMMAIRE: La lettre du Vice-roi au Roi permettra au nouveau gouvernement français de prendre ses résolutions: il est bien souhaitable pour notre prestige que la solution qui interviendra ne soit pas trop désavantageuse pour Mohamed-Aly. Cochelet lui a donné l'assurance que le nouveau gouvernement se tiendrait sur le terrain de la note du 8 octobre. La lettre du commodore Napier. La réponse de Mohamed-Aly. Son intention serait de laisser à la France le soin de défendre ses intérêts. Décision de l'amiral anglais que le blocus commercial n'aura pas lieu. On voit un acheminement vers les solutions pacifiques. On est sans nouvelles d'Ibrahim-pacha. Un mouvement séditieux a été réprimé dans la région d'El-Arych. Toutes mesures sont prises pour faciliter la retraite d'Ibrahim. Départ du comte Walewski: Mohamed-Aly en éprouve un vif regret. Passage du marquis de Beaufort d'Hautpoul.

y

Alexandrie, le 23 novembre 1840.

MONSIEUR LE MINISTRE,

Le bateau à vapeur français le Caméléon qui a été expédié de Toulon le 12 de ce mois, est entré hier soir dans le port d'Alexandrie et m'a apporté le duplicata de votre dépêche du 2 novembre, qui me fait connaître que la confiance du Roi vous a appelé à la direction des relations extérieures et la pensée du nouveau Cabinet sur la grande question qui occupe tous les esprits.

La lettre de Méhémet-Ali adressée au Roi, qui était jointe à ma dernière dépêche, permettra au Gouvernement de S. M. de régler comme il l'entend, dans l'intérêt du maintien

de la paix, les affaires de l'Orient. Il est à désirer seulement qu'une transaction pacifique trop désavantageuse à MéhémetAli n'eût pas lieu afin qu'elle ne nous fasse pas perdre la considération et l'influence dont nous jouissions en Égypte. De mon côté, Monsieur le Ministre, j'engagerai le Vice-roi, comme je l'ai toujours fait depuis plus de trois ans, à être conciliant et modéré. En apprenant le changement de Ministère, je n'ai pas négligé, afin d'éviter des interprétations fâcheuses, de dire au Vice-roi que je supposais que le nouveau Cabinet se maintiendrait sur le terrain du mémorandum du 3 et de la note du 8 octobre. Méhémet-Ali a paru satisfait de cette assurance qui l'empêchera probablement d'adopter des résolutions précipitées et irritantes.

Au moment où le Caméléon entrait dans le port, il était suivi par un parlementaire venant de l'escadre anglaise, apportant une lettre du commodore Napier adressée à Méhémet-Ali. Cette lettre invite le Vice-roi à échanger contre un nombre égal d'officiers égyptiens, les Cheikhs et Emirs du Liban qui ont été envoyés au Sennaar. Elle le presse aussi d'accepter l'hérédité de l'Égypte. Après la réception du parlementaire qui était un officier supérieur de l'escadre, Méhémet-Ali a été de nouveau fortement circonvenu par tous ses affidés pour accepter définitivement les propositions de l'Angleterre. Il paraît que son intention est de répondre qu'il a laissé à la France le soin de décider de son sort et qu'il attend ses déterminations. Quant aux Emirs, il fera connaître qu'il les avait déjà rappelés et que son désir était de les renvoyer dans le Liban avant la demande qui lui en est faite.

J'ai informé votre Département, par ma dépêche du 24 octobre que le blocus commercial d'Alexandrie qui devait avoir lieu le 16 octobre avait été prorogé jusqu'au 21 novembre. Avant-hier le Consul général de Hollande, chargé de la gestion des affaires britanniques a reçu la lettre cijointe du commandant de l'escadre anglaise devant Alexandrie

qui lui annonce que le blocus commercial, par les vaisseaux de S. M. britannique n'aura plus lieu. Cette nouvelle a produit une grande sensation dans le commerce qui y a vu un acheminement pacifique de la question turco-égyptienne. MéhémetAli lui a fait immédiatement une vente de 120 mille ardebs ou quintaux métriques de céréales.

On est toujours sans nouvelles d'Ibrahim Pacha depuis sa lettre du 28 octobre qui était jointe à ma dépêche du 5 de ce mois. On en a eu seulement de Mahmoud Bey, ancien gouverneur de Saint Jean d'Acre, qui est arrivé à Gaza avec les deux mille hommes qui s'étaient sauvés de la forteresse. Il paraît que son intention était de chercher à rejoindre Ibrahim Pacha. Il y avait eu à El-Arich, sur la frontière de l'Égypte et de la Syrie, un soulèvement parmi les Arabes auxquels on avait distribué des proclamations imprimées. L'École de cavalerie de Gizeh près du Caire était partie avec 1.500 cavaliers arabes irréguliers et le 15e régiment d'infanterie régulière arrivé de l'Hedjaz, pour comprimer ce mouvement qui n'aura probablement aucune suite. On suppose au contraire que ces troupes se réuniront à celles de Gaza pour essayer un mouvement en avant, afin de rétablir les communications entre l'Égypte et la Syrie, et faciliter ainsi la retraite d'Ibrahim-Pacha avec toute son armée.

M. le comte Walewski qui avait été envoyé en mission en Egypte par votre prédécesseur et qui a donné à plusieurs reprises des preuves d'habileté, de tact et de finesse dans les diverses négociations qu'il a entreprises, s'embarque demain sur le paquebot anglais l'Oriental qui se rend directement à Falmouth. En apprenant le changement de Ministère, il s'était empressé de faire avec moi toutes les représentations convenables et nécessaires à Méhémet-Ali pour le persuader des bonnes intentions du nouveau Cabinet à son égard. En lui annonçant hier son départ, motivé seulement sur ce qu'il n'a reçu aucune lettre qui lui prescrit de rester, il a dit au Vice-roi qu'il espérait encore plaider sa cause à son pas

sage en Angleterre, où il avait des amis parmi les membres du Ministère. Méhémet-Ali éprouve un vif regret du départ de M. Walewski.

Je confie cette dépêche au bateau à vapeur anglais. le Caméléon ayant des réparations à faire à sa chaudière ne sera pas prêt avant quelques jours. Il avait à son bord M. le Marquis de Beaufort d'Hautpoul, capitaine d'Etat Major, envoyé en mission, qui n'avait aucune lettre pour moi. Je suis avec respect, Monsieur le Ministre, etc.

COCHELET.

Du 24 novembre.

P. S.

Méhémet-Ali me fait remettre peu d'instans avant le départ de l'Oriental, une traduction en italien de la lettre adressée par le Commodore Napier et la réponse qui y a été faite. Je n'ai que le tems de les faire copier et de vous les transmettre sans observations.

Correspondance politique. Egypte, XII, fos 148-150.

31. De Monsieur Walewski à Monsieur Guizot
Ministre des Affaires étrangères, etc.

SOMMAIRE: Le Vice-roi veut voir dans le rappel de Walewski un changement dans la politique française: « Je vois bien, dit-il, que la France m'abandonne: je reprends donc ma liberté, et je finirai mes affaires comme je l'entendrai ». Walewski en le quittant lui conseille d'attendre les décisions que prendra le nouveau ministère au reçu de sa lettre au Roi.

Alexandrie, le 23 novembre.

MONSIEUR LE MINISTRE,

Le Caméléon, bateau à vapeur de l'État, arrivé hier ici ne m'a rien apporté de votre part: cette circonstance a dû me décider à hâter mon départ. Je m'embarque demain

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