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NOTE.

TRANQUILLE, cher Tityre, à l'ombre de ce hêtre,

Le pere de Virgile, sous le nom de Tityre, chante les louanges et les bienfaits d'Octavien César, qui, dans le partage des campagnes de Mantoue, lui conservoit une paisible possession de sa métairie d'Andès. Sous le nom de Mélibée, un berger du Mantouan, banni de sa patrie, déplore ses disgraces.

ÉGLOGUE IL

IRIS.

L'ASTRE brûlant du jour sur nos paisibles rives
Répandoit du midi les ardeurs les plus vives,
Quand Coridon, errant dans l'horreur des forêts,
Aux déserts attendris confia ses regrets.
Il adoroit Iris ; d'une plaine étrangere

Il vouloit dans son champ attirer la bergere :
Iris étoit promise aux feux d'un autre amant,
Et plaignoit Coridon sans calmer son tourment,
Cet amoureux berger fuyoit les jeux champêtres ;
Solitaire, il venoit se cacher sous des hêtres ;
C'est là qu'ayant conduit ses troupeaux languissants
Il soupiroit un jour ces douloureux accents:
Hâtez-vous, sombres jours d'une odieuse vie;
Puisque toute espérance à mes vœux est ravie,
Puisqu'un autre berger emporte vos amours,
Pourquoi, cruelle Iris, voudrois-je encor des jours?
Du moins plaignez les maux que ma langueur me cause:
Il est l'heure du jour où tout ici repose;

Le moissonneur, tranquille à l'abri du soleil,
Répare sa vigueur dans le sein du sommeil;

Auprès de leurs troupeaux, dans un bocage sombre,
Silvie et son berger goûtent le frais de l'ombre:
Privé de ces loisirs, et bravant la chaleur,
Je promene en ces bois ma plaintive douleur.
A mes gémissements l'écho paroît sensible;
Tout me plaint: votre cœur reste seul inflexible.

Que n'ai-je pour Philis brûlé des mêmes feux!
A la fille d'Arcas que n'ai-je offert mes vœux!

Leurs graces, il est vrai, n'égalent point vos charmes,
Mais leur cœur moins ingrat m'eût coûté moins de larmes.
Ah! ne comptez point tant sur vos belles couleurs!

Un jour les peut flétrir, un jour flétrit les fleurs :
La beauté n'est qu'un lis ; l'aurore l'a vu naître,
L'aurore à son retour ne le peut reconnoître.
Pourquoi me fuyez-vous ? j'ai de nombreux troupeaux
Dans les champs qu'Aréthuse enrichit de ses eaux ;
En lait délicieux mes brebis sont fécondes,
Lors même que l'hiver glace et l'air et les ondes ;
D'Amphion dans mes chants je ranime les airs;
J'obtiens souvent le prix des champêtres concerts;
Et si le ruisseau pur qui coule en ce bocage
N'abuse point mes yeux d'une flatteuse image,
Si la mer nous peint bien dans le miroir des eaux
Quand l'haleine des vents n'ébranle point les flots,
Souvent j'ai consulté ce cristal immobile,

Mon air ne cede rien aux graces de Mirtyle,

Ne craignez point, Iris, d'habiter nos forêts; Les plaisirs y naîtront de vos tendres attraits: Les sinceres amours, peu connus dans les villes, Sous nos tranquilles toits ont choisi des asiles. Souvent, joignant nos voix aux chansons des oiseaux, Nous irons éveiller les folâtres échos:

Nos chants égaleront la douce mélodie

Des chants dont le dieu Pan sait charmer l'Arcadie;
Pan trouva le premier cet art ingénieux

De former sur la flûte un son harmonieux;
Pan regne sur nos bois, il aime nos prairies,
C'est le dieu des bergers et de leurs bergeries.
Vous aurez sous vos lois un docile troupeau,
Vous le verrez bondir au son du chalumeau.
Cette bouche charmante et des graces chérie
Touchera nos pipeaux sans en être flétrie :

Je vous garde un hautbois qui semble fait pour vous;
La douceur de ses sons rend les oiseaux jaloux :
Tircis, près d'expirer sur ce triste rivage,

D'une longue amitié m'offrit ce dernier gage.
Je joindrai, pour vous plaire, à ce don de Tircis,
Une belle houlette et des agneaux choisis :
Je vous destine encor deux chevreaux qu'avec peine
Je sauvai l'autre jour du sein d'une fontaine ;

Laure en sera jalouse, elle aimoit ces chevreaux :
Mais pour d'autres qu'Iris de tels dons sont trop beaux.

Tout s'embellit pour vous, tout pare nos campagnés;
Flore sur votre route assemble ses compagnes ;
D'une moisson de fleurs les chemins sont semés;
De l'encens du printemps les airs sont parfumés:
Une nymphe des eaux, plus vive que l'abeille,
Vole dans les jardins, et remplit sa corbeille;
Sa main sait assortir les dons qu'elle a cueillis,
Et marier la rose au jeune et tendre lis.
Des fruits de mon verger vous aurez les prémices,
De la jeune Amarille ils feroient les délices :
Ces fruits sont colorés d'un éclat vif et doux;
Ils seront plus charmants quand ils seront à vous.
J'ai des myrtes fleuris; leur verdure éternelle
Est le symbole heureux d'une chaîne fidele :
Je vous cultive aussi des lauriers toujours verds,
J'en consacre souvent au dieu des tendres vers.

Mais que dis-je? insensé! formé par la tristesse,
Quel nuage obscurcit les jours de ma jeunesse ?
J'étois libre autrefois, et mon paisible cœur
N'avoit jamais connu cette sombre langueur;
Content de mon troupeau, je vivois sans envie,
Et mon bonheur étoit aussi pur que ma vie :
L'Amour, ce dieu cruel, a troublé mes beaux jours;
Ainsi l'Aquilon trouble un ruisseau dans son cours.

Ingrate! estimez mieux nos demeures champêtres; Souvent des dieux bergers ont chanté sous nos hêtres ;

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