Ces lentes victimes du temps, Ces fantômes, ces pénitents, Me semblent libres et contents Sous le poids des fers et de l'âge. Mais vous, que nos déserts épais, Nos tombeaux, notre nuit profonde, N'entourent point de leurs cyprès,. Vous, heureux habitants du monde, Qui vivez, qui voyez ses traits, Pouvez-vous la quitter jamais ? Contraint de dévorer mes peines Parmi le silence et l'effroi De ces retraites souterraines, Toujours seul, toujours avec moi, Exclus de l'asile ordinaire Que la nature ouvre au malheur, De pouvoir répandre mon cœur De mon éternelle douleur. Rien n'offre en ce monde sauvage Ni soulagement ni pitié; Et, pour en achever l'image, Se fait voir dans tous les objets. De mes crayons, de mon ciseau Elle est le guide et le modele; Chaque jour lui promet mon zele. Si je cultive, dès l'aurore, Ces jasmins, ces myrtes, ces fleurs, C'est pour offrir l'encens de Flore Et les plus brillantes couleurs A l'immortelle que j'adore. Quand cette vigne dont mes mains Guident la seve vagabonde Répond au soin qui la féconde Et du sagittaire et des vents, A la déesse du printemps. Ces dons de l'amour et des arts, Dieux! ils seront touchés par elle ! Que des pleurs, des baisers de flamme, Fassent passer toute mon ame Dans ces dons qu'elle doit toucher ! VERS A LA VILLE D'ARRAS, Où l'auteur avoit accompagné M. DE CHAUVELIN, intendant de Picardie. RESPECTAB BLE séjour de ces vertus antiques, Parmi les temples des talents; Si quelques succès dus à la seule indulgence De ceux de tes enfants qu'unit l'amour des arts, Et contemple avec moi, dans ces mêmes succès, L'un de tes citoyens * aux lieux de ma naissance * Le P. Lagneau. |