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commerce, quelle que pût être la valeur de la demande. Car, encore une fois, il n'en est pas des justices de paix qui ont la plénitude de juridiction, comme des juges de commerce, qui, n'étant que des tribunaux d'exception, ne peuvent connaître que des affaires qui leur sont spécialement dévolues.

§ II.

Des actions mobilières.

21. L'action mobilière est celle qui a un meuble pour objet : actio ad mobile, censetur mobilis.

Les biens sont meubles par leur nature ou par la détermination de la loi (527).

Des biens meubles par leur nature, les uns se meuvent par eux-mêmes, tels que les animaux, c'est ce qu'on appelle meubles vifs; les autres sont des choses inanimées qui ne peuvent changer de place que par une force étrangère ( 528 ).

Les meubles, par la détermination de la loi, sont les obligations et actions ayant pour objet des sommes exigibles, des rentes sur l'état ou sur des particuliers, viagères ou perpétuelles, encore bien que ces rentes aient été constituées pour le prix d'un immeuble; car il n'existe plus aujourd'hui de rentes foncières proprement dites (529 et 530). De là il résulte que les actions personnelles, qui viennent d'être traitées dans le paragraphe précédent, peuvent être considérées comme des actions mobilières.

Cependant l'article distingue les actions purement personnelles des actions mobilières. Effectivement, si toute action personnelle est nécessairement mobilière, toute action mobilière n'est pas nécessairement personnelle. L'action mobilière proprement dite n'a d'autre objet que la revendication d'un meuble, d'une chose corporelle: si donc cette action est exercée contre un tiers qui ne soit tenu envers le demandeur d'aucune obligation personnelle, alors ce n'est point la personne, c'est uniquement la chose qui est l'objet de la demande. L'action, au contraire, est tout à la fois personnelle et mobilière, si le défendeur auquel on réclame la chose, est tenu envers le demandeur, par suite d'un contrat ou quasi-contrat, d'un délit ou quasi-délit.

21 bis. Les actions relatives aux fruits d'un immeuble sontelles mobilières ou immobilières?

Suivant les articles 520 et 521 du Code civil, les fruits pendants par racines font partie de l'immeuble; ils ne sont considérés comme meubles que lorsqu'ils en sont détachés; il en est de même des coupes de bois, elles ne deviennent meubles qu'au fur et à mesure que les arbres sont abattus. Ces expressions néanmoins ne doivent pas être prises à la lettre; car l'action relative à une vente de fruits ou à une coupe de bois est mobilière, quoique les fruits soient encore pendants, et les arbres non abattus, lors de la vente: ainsi décidé par plusieurs arrêts de cassation (1).

Pour ce qui concerne la juridiction du juge de paix, il serait donc compétent pour statuer sur le prix d'une vente de fruits à récolter, si la demande ne surpassait pas 200 fr. Quant à l'action en délivrance formée par l'acquéreur, elle excéderait les limites de la compétence de cette justice, attendu l'indétermination de la valeur des fruits à récolter, à moins que le demandeur n'accordât au vendeur l'option d'exécuter la vente ou de payer à titre de dommages, une somme qui n'excéderait pas 200 fr.

C'est ici le cas de faire observer qu'une loi du 6 messidor an 3 a renouvelé la disposition d'anciennes ordonnances, qui défendaient la vente des grains en vert. Une autre loi du 23 du même mois en excepte les ventes qui ont lieu par suite de tutelle, curatelle, changement de fermier, saisie de fruits, baux judiciaires, et autres de cette nature. La même loi excepte aussi les ventes de tous autres fruits de production que les grains. Ces lois particulières ont survécu à la publication du Code, l'article 1598 n'y a point dérogé.

21 ter. Les articles 522, 523, 524 et 525 du Code civil considèrent, comme immeubles par destination, des animaux et plusieurs objets mobiliers servant à l'exploitation d'un fonds ou qui y sont attachés à perpétuelle demeure. De là, naît la question

(1) Voy. notamment ceux à la date des 15 février 1812, 8 septembre et 5 octobre 1813, 21 juin 1820 et 21 avril 1823; et mon Code forestier, tom. 1, pag. 187, et tom. 2, pag. 165. — Un autre arrêt du 9 août 1825 (D., pag 3 de 1826) a aussi décidé que la vente des matériaux d'une maison à démolir était purement mobilière.

de savoir, si l'action relative à ces objets est mobilière ou immobilière? Tant qu'ils sont attachés à l'immeuble auquel ils étaient destinés, ils en font partie, et contractent sa nature; mais dès l'instant que l'immeuble par destination est détaché du fonds, il rentre dans la classe des meubles; l'action à laquelle il s'applique est donc alors purement mobilière, et le juge de paix peut en connaître, dans l'ordre de sa compétence, lors même que la chose aurait été détournée de son affectation par le fait illicite d'un tiers et non par la disposition du propriétaire.

En traitant des actions possessoires, on examinera la question de savoir, si le meuble qui ne devient immeuble que par destination, peut être l'objet d'une demande en complainte (1).

22. Les meubles par la détermination de la loi, telles que les rentes et créances, ne peuvent passer d'une main dans une autre, sans un acte de transport consenti par le propriétaire de la créance; le cessionnaire n'est saisi, à l'égard des tiers, que par la signification du transport qu'il est obligé de faire au débiteur; la connaissance que le tiers aurait euc de la cession, par toute autre voie, ne saurait remplacer cette signification; jusques-là le débiteur peut valablement se libérer envers le précédent propriétaire, et la saisie-arrêt d'un créancier de celui-ci devrait produire son effet (2).

A l'égard des meubles morts et vifs c'est différent; ils peuvent bien être l'objet d'une vente, mais souvent ils se donnent ou se livrent de la main à la main; la seule possession de ces objets doit donc être considérée comme un titre.

Le droit romain exigeait la possession de trois ans avec titre et bonne foi, pour acquérir la propriété d'un meuble (3). Aussi la voie de complainte, sous le nom d'interdictum utrubi, étaitelle acccordée, en cas de trouble dans la possession d'une chose mobilière. Mais le droit français n'avait point admis, à l'égard des meubles, une action possessoire distincte de la propriété ; la possession, ne fût-elle que d'un jour, valait titre.

(1) Voy. tom. 2, Comment. sur l'art. 6, sect. III, § I, no 2.

(2) Art. 1689 et suiv. du Code civil. Arrêt du 17 mars 1840, D., pag. 159. (3) L. unic., code de Usurpatione transformandâ. – Instit., lib. 2, tit. 6. - Dunod, des Prescriptions, pag. 7, 150 et 196.

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La prescription, dit Bourjon, n'est ici d'aucune considération; elle ne peut être d'aucun usage, quant aux meubles, puisque, par rapport à de tels biens, la simple possession produit tout l'effet d'un titre parfait. La chose furtive peut › être revendiquée, partout où on la trouve, c'est la seule exception qu'on puisse apporter à la règle qu'en matière de Et dans ses obsermeubles, la possession vaut titre. » vations, l'auteur répète que, suivant la jurisprudence du Châtelet, la possession d'un meuble, ne fût-elle que d'un jour, vaut titre de propriété, à moins que le meuble ne soit furtif, ou qu'il n'y ait action personnelle en restitution, contre celui qui tient le meuble du propriétaire (1).

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Tel est l'usage que les auteurs du Code ont érigé en loi (2). 23. En fait de meubles, la possession vaut titre. Néan> moins celui qui a perdu, ou auquel il a été volé une chose, peut la revendiquer pendant trois ans, à compter du jour de » la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la > trouve; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la »tient. - Si le possesseur actuel de la chose volée ou perduc, » l'a achetée dans une foire ou dans un marché, ou dans une ‣ vente publique, ou d'un marchand vendant des choses pareilles, » le propriétaire originaire ne peut se la faire rendre qu'en › remboursant, au possesseur, le prix qu'elle lui a coûté » (art. 2279 et 2280).

Ces dispositions sont claires et précises: en fait de meubles, possession vaut titre, telle est la règle générale. C'est donc avec raison que M. Troplong s'est élevé contre le sentiment de M. Toullier, lequel soutient que la possession de trois ans, requise par le droit romain, est encore nécessaire pour acquérir la propriété d'un meuble. La loi n'exigeant aucun laps de temps, il faut dire, avec Bourjon, que la possession, ne fût-elle que d'un jour, vaut titre de propriété, sauf l'exception que porte le § 2 de l'art. 2279, pour le cas de perte ou de vol.

Observons que le mot meuble, qui se trouve dans l'art. 2279 ne doit pas être restreint à la signification qui lui a été donnée

(1) Droit commun de la France, tom. 1, pag. 911.

(2) Voy. le discours de M. Bigot-Préameneu, orateur du gouvernement.

dans l'art. 533; la règle qu'en fait de meubles, possession vaut titre, est applicable à tous les meubles réels. Mais cette règle ne s'applique qu'aux meubles de leur nature; à l'égard des objets qui ne sont meubles que par la détermination de la loi, tels que les créances, les rentes, les actions et droits mobiliers, la propriété ne pouvant en être transmise, comme on vient de le dire, qu'au moyen d'un acte de transport signifié au débiteur, l'article 2279 ne saurait leur être applicable (1).

24. La possession d'un meuble réel forme-t-elle une de ces présomptions juris et de jure, qui, comme on l'a vu, pag. 127, excluent toute preuve contraire?

Sans entrer dans la longue discussion à laquelle se sont livrés les auteurs qui ne sont pas d'accord sur ce point (2), bornonsnous à la distinction qu'indiquent le bon sens et les principes les plus familiers du droit. Ou le demandeur agit par action personnelle contre un détenteur qui serait tenu par l'une des causes d'où dérivent les obligations; ou bien le propriétaire du meuble agit en revendication contre un tiers, qui n'a contracté aucune obligation envers lui.

Dans le premier cas, l'art. 2279 est inapplicable. En effet, l'intention du législateur n'a été ni pu être de priver le maître d'un meuble, mort ou vif, de l'action personnelle qui, comme on vient de le voir dans le paragraphe précédent, peut résulter non-seulement d'un contrat, mais d'un délit. Si donc le propriétaire prouve, que c'est de lui que le détenteur tient le meuble, à titre de dépôt, de prêt, de location, d'usufruit ou de toute autre manière, alors la demande ne peut manquer d'être accueillie. Il en sera de même, si le propriétaire du meuble prouve que c'est le détenteur qui le lui a enlevé. Car, pour opérer l'effet d'un titre, la possession dont parle l'art. 2279, ne doit être ni furtive, comme le dit Bourjon, ni équivoque, ni précaire.

Le cohéritier qui détient les meubles dépendants d'une succession opposerait aussi, en vain, la maxime, en fait de meubles,

(1) Arrêts des 4 mai 1836 et 11 mars 1839, D., pag. 237 de 1836 et 117 de 1839.

(2) Voy. M. Toullier, tom. 14, pag. 115 et suiv.; M. Delvincourt, tom. 2, pag. 644; M. Duranton, tom. 4, n° 433, et surtout M. Troplong, des Prescriptions, tom, 2, pag. 650 et suiv.

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