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SECTION PREMIÈRE.

DES ACTIONS ET DES EXCEPTIONS.

SOMMAIRE.

SIer. Des actions. 1. Définition.-2. Action personnelle. 3. Action réelle. - 4. Action mixte, action en partage, en bornage. - 5. Action pétitoire. Le demandeur est obligé de prouver; secùs, en matière de servitude. — 6. Action possessoire. 7. Le juge de paix ne connaît que des revendications de meubles; en matière réelle immobilière, l'action possessoire est la seule qui lui soit attribuée. Les nouvelles matières qui lui sont dévolues sont plutôt personnelles que réelles. - 8. Sa compétence en premier et dernier ressort. 9. Juridiction territoriale des justices de paix. Le Code de procédure s'est écarté, à leur égard, de la règle générale. 10. Devant quel juge doivent être portées les nouvelles actions qui leur sont dévolues?

§ II. Des exceptions. natoire. - 13. Dilatoire.

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11. Définition.-12. Exception décli14. Péremptoire de deux sortes; l'exception de nullité se couvre par la défense au fond; peut être rarement proposée en justice de paix. 15. Exceptions péremptoires qui tiennent au fond, sont proposables en tout état de cause : exemples.

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S Ier.

Des actions.

1. L'ACTION, en général, est le droit de poursuivre en justice, ce qui nous est dû actio nihil aliud est quàm jus persequendi in judicio quod nobis debetur. Instit. lib. 4, tit. 6.

:

S'il s'agit d'une obligation conventionnelle ou légale, comme nous ne pouvons en poursuivre l'exécution, que contre la personne engagée ou ceux qui la représentent, alors la personne même est l'objet direct de l'action.

S'agit-il, au contraire, de réclamer une chose possédée par un autre ou un droit sur la chose d'autrui, alors, quoique la demande soit dirigée contre le détenteur, ce n'est pas lui néan

moins, c'est la chose même que nous poursuivons réellement. Enfin le possesseur de la chose peut être aussi tenu, envers nous, par quelque engagement; alors l'action a tout à la fois, pour objet, et la chose et la personne.

De là, la distinction générale des actions en personnelles, réelles ou mixtes.

2. Ainsi par l'action personnelle, nous agissons contre la personne ou contre les héritiers de la personne tenue envers nous, par l'une des quatre causes d'où peut dériver une obligation, savoir, le contrat, le quasi-contrat, le délit ou le quasidělit. Comme on le verra plus loin, le délit peut donner lieu à deux actions différentes, l'action publique, en répression, laquelle est poursuivie au nom de la société ; et l'action civile appartenant à la partie lésée: ces deux actions qui dérivent d'une obligation légale, sont, l'une et l'autre, personnelles.

3. L'action réelle est celle qui a pour objet la propriété ou la possession d'une chose corporelle ou incorporelle. Cette action s'exerce contre celui qui détient la chose qui nous appartient, ou qui nous trouble dans la possession de cette chose. Elle peut avoir pour objet un meuble ou un immeuble, et prend en conséquence, le nom d'action mobilière ou d'action immobilière. Actio, dit d'Argentré, quæ tendit ad mobile, mobilis est; ad immobile, immobilis (1).

4. L'action mixte est celle qui participe de la nature des actions personnelles et des actions réelles. Justinien, Instit. lib.4, tit. 6, § 20, cite, pour exemple, les actions en partage et en bornage, parce que, tendant à la revendication d'une chose, elles ont en même temps pour objet l'exécution des engagements qui résultent de la communion ou du voisinage. Quand l'action réelle est dirigée non contre un tiers détenteur, mais contre un possesseur obligé personnellement, et qu'on demande qu'il soit condamné à rendre un héritage avec les fruits qu'il a consommés, la demande de l'héritage rend l'action réelle, la demande des

(1) Les meubles et les immeubles sont réels ou fictifs, suivant les distinc tions du droit civil: entrer dans cette discussion, ce serait s'éloigner du but de ce Traité; il suffit de renvoyer aux art. 517 et 527 du Code civil. Quant au possessoire, en fait de meubles réels ou fictifs et d'immeubles par destination, voir dans le tom. 2, le comment. de l'art. 6, part. 1, sect. 3, § 1.

fruits la rend une action personnelle, et l'action entière, composée de ces deux parties, est une action mixte. (Voyez Argou, Inst. au droit franç., et la nouvelle collection de Denisart v action, § 2, no 6. )

Les trois genres d'actions qui viennent d'être indiqués, se subdivisent en une foule d'autres dont il serait inutile de faire l'analyse. En ce qui concerne les justices de paix, il suffit de remarquer que les actions réelles sont de deux sortes, l'action pétitoire et l'action possessoire.

5. Le pétitoire est une action par laquelle nous revendiquons la propriété d'un immeuble ou d'un droit immobilier, tel qu'une servitude.

Dans ce dernier cas, l'action pétitoire est confessoire ou négatoire. L'action confessoire est celle par laquelle on revendique une servitude sur le fonds d'autrui. Par l'action négatoire, on demande, au contraire, que le fonds qui nous appartient soit déclaré libre et exempt de servitude.

Sur quoi il est bon d'observer, en passant, qu'en règle générale, c'est au demandeur à établir son action, à prouver sa demande; le défendeur n'est assujetti à aucune preuve. Mais il en est autrement, en matière de servitude. Celui qui prétend en avoir une sur le fonds d'autrui est tenu d'en justifier dans tous les cas qu'il réclame la servitude en qualité de demandeur par action confessoire, ou qu'il soit seulement défendeur à l'action négatoire, c'est toujours à lui à prouver; tous les fonds étant réputés libres, cette présomption légale de liberté est, pour le propriétaire, un titre incontestable, jusqu'à preuve contraire (1).

:

6. L'action possessoire est celle par laquelle on agit, pour être maintenu dans la possession d'un fonds, ou d'une servitude, pour être rétabli dans cette possession, en cas de trouble. Cette action s'appelle complainte. La réintégrande et la dénonciation de nouvel œuvre rentrent aussi dans la classe des actions possessoires. Ce n'est point le cas d'entrer ici dans les dévelop

(1) Questions de droit, additions, v° servitude, § 6; Toullier, tom. 3, no 714. - Voir aussi mon Traité sur les droits d'usage, servitudes réelles, tom. 1er, no 222, pag. 305; et tom. 2 de ce Traité, comment. de l'art. 6, part. 1, sect. 4, $6.

pements qu'exige cette matière importante; elle sera traitée dans la seconde partie de cet ouvrage.

7. Il suffit de dire que l'action possessoire n'a lieu que pour les immeubles et les droits immobiliers. En matière réelle et immobilière, le possessoire est la seule action dont la connaissance soit dévolue aux juges de paix : tout ce qui concerne la propriété d'un fonds ou d'un droit immobilier est exclu de leur compétence L'art. 6, no 2, de la loi du 25 mai 1838, leur attribue, il est vrai, les actions en bornage, qui, comme on vient de le dire, sont tout à la fois personnelles et réelles. Mais la demande en bornage n'étant dévolue aux juges de paix que dans le cas où, soit la propriété, soit les titres qui l'établissent ne sont pas contestés, il en résulte que le bornage, de la compétence des juges de paix, se réduit à une action plutôt personnelle que réelle. Il en est de même des demandes relatives aux plantations d'arbres ou de haies, hors la distance prescrite par la loi, de celles concernant les constructions et travaux énoncés dans l'art. 674 du Code civil, dont la connaissance est également attribuée aux juges de paix; comme aussi des actions pour dommages faits aux champs, fruits et récoltes, de celles relatives à l'élagage des arbres ou haies, au curage des canaux et fossés : le juge de paix ne pouvant connaître de ces différents objets que dans le cas où les droits de propriété et de servitude ne sont pas contestés, les actions dont il s'agit tiennent plus de la personnalité que de la réalité.

Toutes les autres dispositions de la loi nouvelle ne concernent que des actions purement personnelles ou mobilières.

8. A l'égard de ces actions, la connaissance en est généralement attribuée aux juges de paix, lorsque la demande est déterminée et que le montant n'excède pas la somme ou valeur de 200 francs. Leur compétence embrasse aussi plusieurs actions personnelles d'une valeur plus considérable; il en est même dont le juge de paix doit connaître en premier ressort, à quelque somme que la demande puisse s'élever; mais dans toutes les affaires, la compétence, en dernier ressort, du juge de paix se borne aux demandes qui n'excèdent pas la somme de 100 francs.

9. La juridiction territoriale du juge semblerait devoir être déterminée d'après la nature des différentes actions: c'est ainsi

que l'a réglé, pour les tribunaux ordinaires, l'article 59 du Code de procédure, lequel veut qu'en matière personnelle le défendeur soit cité devant le tribunal de son domicile; en matière réelle, devant celui de la situation des biens; et en matière mixte, devant le juge de la situation ou celui du domicile du défendeur. Mais cette règle générale n'est point applicable aux actions dont la connaissance est attribuée aux juges de paix.

En matière purement personnelle ou mobilière, l'art. 2 applique la règle actor sequitur forum rei: c'est devant le juge de paix du domicile du défendeur que l'action doit être portée, et dans le cas de plusieurs défendeurs, devant le juge du domicile de l'un d'eux, au choix du demandeur.

Mais l'action pour dommages aux champs, fruits et récoltes est aussi une action personnelle, provenant d'un délit ou quasidélit, et par conséquent d'une obligation légale. Cependant l'art. 3 dudit Code veut que cette action soit portée devant le juge de la situation de l'objet litigieux.

Il en est de même des diverses actions qui ont pour objet les réparations locatives, les indemnités prétendues par le fermier et les dégradations alléguées par le propriétaire, actions qui, provenant d'une obligation contractuelle, sont essentiellement personnelles.

Si, dans ces différents cas, le législateur a cru devoir déroger à la règle générale, c'est, sans doute, parce que le résultat de la demande dépend de la visite des lieux, d'une appréciation qui, devant être faite sommairement, est plus à la portée du juge de la situation.

10. C'est devant ce juge que, par le même motif, devront être portées la plupart des actions nouvelles qui, venant d'être attribuées aux juges de paix, ne pouvaient être prévues par le Code de procédure.

Ainsi, c'est au juge de paix de la situation que doivent être soumises les demandes en bornage, celles relatives à l'élagage des arbres ou haies, au curage des canaux et fossés, aux plantations hors de la distance prescrite par la loi, aux constructions et travaux qu'exigent les règles du voisinage, actions attribuées aux juges de paix par les art. 5 et 6 de la loi nouvelle.

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