Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

Compétence des tribunaux de police.

6. Les articles 367 et suivants du Code pénal déclarent coupable de calomnie, « celui qui, soit dans des lieux ou réunions publics, soit dans un acte authentique et public, soit dans un écrit imprimé ou non, qui aura été affiché, vendu ou dis⚫ tribué, aura imputé à un individu quelconque, des faits, qui, ⚫ s'ils existaient, exposeraient celui contre lequel ils sont arti» culés à des poursuites criminelles ou correctionnelles, ou ⚫ même l'exposeraient seulement au mépris ou à la baine des citoyens. Et, cet article infligeant des peines correctionnelles plus ou moins graves, les tribunaux de simple police sont incompétents, pour connaitre du délit de calomnie ou de diffamation, lorsque le fait avancé par l'offenseur a été rendu public, de l'une des manières indiquées par la loi.

D

D

Il en est de même du cas prévu par l'art. 375, celui d'injures ou expressions outrageantes qui ne renfermeraient l'imputation d'aucun fait précis, mais celle d'un vice déterminé, si elles ont été proférées dans des lieux ou réunions publics, ou insérées dans des écrits imprimés ou non, qui auraient été répandus et distribués. L'article appliquant ici une amende de 16 fr. à 500 fr., cette peine excède encore les limites de la compétence du tribunal de police.

[ocr errors]

Mais l'art. 376 ajoute: Toutes autres injures ou expressions ⚫ outrageantes qui n'auront pas eu ce double caractère de gravité et de publicité, ne donneront lieu qu'a des peines de simple police.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

De cette disposition, il résulte clairement que c'est au tribunal de police à connaître des injures, quelque graves qu'elles soient, qu'il y ait diffamation ou seulement invectives, lorsqu'elles n'ont pas été proférées publiquement; qu'ainsi le tribunal correctionnel n'est compétent que dans le cas où, à la publicité, se joint l'imputation, soit d'un fait précis, soit d'un vice déterminé.

7. Les lois postérieures ont-elles apporté quelque changement à cette compétence des tribunaux de police ? C'est là une question sur laquelle l'opinion des auteurs n'est pas fixée d'une manière bien précise.

L'objet de la loi du 17 mai 1819 fut de réprimer la diffamation

[ocr errors]

et l'injure publique, de prévenir, surtout, les écarts de la presse. L'art. 1er commence par établir en principe que quiconque, soit par des discours, des cris ou menaces, proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés, des dessins, des gravures, des peintures qu emblèmes ⚫ vendus ou distribués, mis en vente, ou exposés dans des lieux

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

ou réunions publics, soit par des placards et affiches exposés aux regards du public, aura provoqué l'auteur ou les auteurs ⚫ de toute action qualifiée crime ou délit, à la commettre, sera réputé complice et puni comme tel. »

D

Suivent les crimes et outrages envers le gouvernement, qui auraient été commis par l'une des voies de publication indiquées en tête de la loi.

Puis vient l'art. 16, qui punit d'un emprisonnement de huit jours à dix-huit mois et d'une amende de 50 fr. à 3,000 fr. (emprisonnement et amende qui peuvent être infligés cumulativement ou séparément), la diffamation envers tout dépositaire ou agent de l'autorité publique, pour des faits relatifs à ses fonctions (1). »

La même peine est infligée par l'art. 17, en cas de diffamation envers les ambassadeurs et autres agents diplomatiques.

[ocr errors]

Et suivant l'art. 18, la diffamation envers les particuliers > sera punie d'un emprisonnement de cinq jours à un an, et ⚫ d'une amende de 25 fr. à 2,000 fr., ou de l'une de ces deux peines seulement, selon les circonstances. >>

[ocr errors]
[ocr errors]

Quant aux injures qui, ne renfermant pas l'imputation d'un fait précis, n'ont point le caractère de diffamation, l'article 19 porte: L'injurc contre les personnes désignées par les art. 16 • et 17 de la présente loi, sera punie d'un emprisonnement de cinq jours à un an, et d'une amende de 25 fr. à 2,000 fr., ou de l'une de ces deux peines seulement, suivant les circon

D

stances.

(1) La loi du 25 mars 1822 ajoute encore à cette disposition: : l'art. 6 de cette loi punit d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans et d'une amende de 100 francs à 4,000 francs, l'outrage fait publiquement d'une manière quelconque, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, à un ou plusieurs membres des deux chambres, à fonctionnaire public, à un ministre de l'une des religions légalement reconnues en France, etc., etc.

[ocr errors]

L'injure contre les particuliers sera punie d'une amende de 16 fr. à 500 fr..

Mais l'art. 20 ajoute: « Néanmoins l'injure qui ne renfermerait pas l'imputation d'un vice déterminé ou qui ne serait pas publique, continuera d'être punie des peines de simple › police.

On pourrait dire que, de ces termes, résulte une dérogation à l'art. 376 du Code pénal, lequel attribuait aux tribunaux de police la répression de l'injure qui ne réunit pas le double caractère de gravité et de publicité, tandis que la conjonction alternative ou, qui se trouve dans l'art. 20 de la loi de 1819, indiquerait que, pour rendre compétent le tribunal de police, il faut que l'injure ne soit ni grave, ni publique; que, si elle a seulement l'un de ces caractères, si, sans être publique, elle renferme l'imputation, soit d'un fait, soit d'un vice déterminé, ou qu'à défaut de cette imputation, elle soit publique, alors c'est au tribunal correctionnel, et non à celui de simple police qu'appartient la répression.

8. Mais loin de déroger à l'art. 376 du Code pénal, la loi de 1819 n'a fait qu'en confirmer la disposition, cela nous paraît évident.

D'abord, le but de cette loi, toute politique, a été, on le répète, de réprimer la diffamation et l'outrage commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication. Il n'entrait pas, dans les vues du législateur, de déroger au Code pénal, en ce qui concerne les injures proférées contre des particuliers, et d'apporter, à cet égard, aucun changement à la compétence des tribunaux de police. Ces termes, l'injure qui ne renfermerait pas, etc., CONTINUERA d'être punie des peines de simple police, excluent toute idée de dérogation.

La loi du 26 mai 1819 vient à l'appui de ce raisonnement. Il est question, dans cette loi, de régler les poursuites des délits de publications injurieuses prévus par la loi du 17 du même mois: et l'art. 13 attribue aux Cours d'assises la connaissance de tous ces délits, à l'exception de ceux désignés dans l'article suivant; et voici ce que porte l'art. 14: « Les délits de diffamation verbale ou d'injure verbale contre toute personne, et ceux de diffamation ou d'injure par une voie de publication quelconque

[ocr errors]
[ocr errors]

contre des particuliers, seront jugés par les tribunaux de police correctionnelle, sauf les cas ATTRIBUÉS aux tribunaux de simple police. »

Cette loi reconnaît donc, qu'en ce qui concerne les particuliers, un seul des caractères de gravité ou de publicité ne suffit pas pour investir le tribunal correctionnel des poursuites en répression; que des injures publiques, (lors même que la voie de la presse leur aurait donné la plus grande publicité), peuvent être de la compétence du tribunal de simple police; donc il n'a point été dérogé à l'art. 376 du Code, qui attribue à ce tribunal la connaissance de toute injure, qui ne réunit pas le double caractère de gravité et de publicité.

Ainsi, quelque grave que puisse être une injure, qu'il y ait diffamation réelle, imputation d'un fait précis, ou d'un vice déterminé, le tribunal de police est compétent, dès l'instant que l'injure n'a pas été proférée soit dans un lieu ou dans une réunion publique, soit dans un écrit imprimé ou répandu; et, lors même que l'injure a reçu cette publicité, le tribunal de police est également compétent, si, sans renfermer l'imputation soit d'un fait précis, soit d'un vice déterminé, l'injure ne consiste que dans des expressions outrageantes, des invectives, ou termes de mépris.

9. C'est ce qui résulte de la jurisprudence.

ob

On pourrait opposer, comme ayant jugé le contraire, l'arrêt du 24 avril 1828, que rapporte Dalloz, pag. 224. — Il s'agissait d'un jugement du tribunal de police qui avait condamné le sieur Lancizolle à faire, à l'audience, réparation d'honneur au sieur Martin, qui avait été publiquement injurié, sans provocation. Le procureur-général, ayant attaqué ce jugement d'office, serva, dans son réquisitoire, que, bien que le tribunal de police n'eût pas spécifié les injures, la circonstance seule de la publicité indiquait un délit prévu par l'art. 19 de la loi du 17 mai 1819, et punissable d'une amende de 16 fr. à 500 fr., d'où il concluait que le tribunal de simple police était incompétent. Et en lui supposant juridiction, ajoutait-il, il aurait excédé ses pouvoirs, en condamnant le prévenu à faire réparation d'honneur, ce qui est arbitraire, ce qui est une aggravation de peine, une pareille condamnation n'étant point autorisée par la loi. Et la Cour a

cassé par les motifs exprimés au réquisitoire. Mais l'amende honorable auquel avait été condamné le prévenu étant un excès de pouvoir, le jugement ne pouvait échapper à la cassation. De ce que la Cour a adopté le réquisitoire, dans lequel était échappé, au procureur-général, une proposition contraire à notre système, on ne saurait en induire qu'il a été jugé, d'une manière positive, que l'injure simple sort des limites de la compétence du tribunal de police, dès l'instant qu'elle a été proférée publiquement.

La question s'est présentée devant la Cour de Bordeaux qui l'a jugée in terminis, dans l'espèce suivante :

Un officier de la garde nationale avait dit à un de ses subordonnés, très publiquement (c'était dans une réunion à la suite de la bénédiction du drapeau): Vous êtes un mauvais citoyen, un homme suspect; et cette Cour a décidé, qu'une semblable injure n'était pas de la compétence du tribunal correctionnel, parce qu'elle ne renfermait pas le double caractère de gravité et de publicité qu'exigeait le Code pénal, auquel n'avaient point dérogé les lois postérieures (1).

Par arrêt du 10 juillet 1834, la Cour de cassation a interprété de même les lois de 1819, combinées avec l'art. 376 du Code pénal.

La dame Lhabitant fut traduite, à la requêté de Deslandes, devant le tribunal correctionnel de la Seine, pour avoir dit en public, qu'il avait été condamné aux galères et à la marque pour vol de vases sacrés ( c'était bien là l'imputation d'un fait précis, la diffamation la plus grave qui pût être). Mais le tribunal, reconnaissant que ces propos n'avaient pas été tenus dans un lieu public, condamne la dame Lhabitant, comme tribunal de simple police, à 5 fr. d'amende, et à 4,000 fr. de dommagesintérêts. Ce jugement fut confirmé par la Cour de Paris, et, le pourvoi contre l'arrêt a été rejeté : « attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 376 du Code pénal, 13, 14, » 18 et 20 de la loi du 17 mai 1819, que la diffamation envers ⚫ les particuliers, qui n'est pas publique, est assimilée à l'in>> jure; attendu, qu'aux termes de l'art. 14 de la loi du 26 mai 1819, la diffamation et l'injure, qui ne sont pas publiques,

D

(1) Arrêt du 13 janvier 1832, D., part. 2, pag. 117 et suiv. de 1833.

« PrécédentContinuer »