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fortifiée par les témoignages des hommes d'Etat de l'Angleterre, par les documents des chancelleries, par le verdict du jury, et surtout par la défense équivoque des ministres.

Quel que fût, au surplus, le véritable mot de l'énigme, le trône en fut profondément ébranlé. Les partis politiques jouèrent avec habileté leur rôle; le ministère accomplit le sien misérablement.

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CHAPITRE IV. ·

Demande de fonds secrets.

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Réforme parlementaire, rejet. Loi sur.

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les ventes judiciaires d'immeubles, sur les ventes des marchandises vendues à l'encan.- Propriété littéraire. Discussion confuse, rejet du projet.

La session législative ne fut pas dans son ensemble bien différente de celles qui l'avaient précédée, dramatique et animée dans les questions personnelles, pâle et languissante lorsque s'agitaient les intérêts généraux du pays.

Il semblait que la lutte de récriminations entre les ministères du 1er mars et du 29 octobre, dût être épuisée par la discussion de l'adresse. Elle se réveilla sur le thème toujours renouvelé des fonds secrets.

On ne saurait assez s'étonner de la pauvreté des arguments ministériels dans ces manoeuvres parlementaires périodiquement répétées, et ce n'est pas un médiocre embarras pour l'historien que de retracer tous les ans la même comédie sur la même scène. A l'ouverture de la session la harangue royale vante l'habileté du gouvernement, proclame

le retour définitif de la sécurité publique ; et un mois après, les ministres viennent demander un secours pécuniaire contre les tentatives du désordre, et fixent à un million les garanties nécessaires pour maintenir la paix intérieure. En présentant la demande de fonds secrets, M. Duchâtel ne fit autre chose que copier ses prédécesseurs. « De coupables associations, dit-il, s'agitent dans l'ombre, et menacent, non plus seulement le gouvernement, mais la société. On s'attache à répandre dans les classes laborieuses les plus funestes doctrines; on s'organise mystérieusement pour attaquer l'ordre social dans sa base essentielle, la propriété. » Ces phrases stéréotypées, à l'usage de tous les ministères, n'étaient-elles pas la condamnation la plus formelle d'un système qui signalait périodiquement sa propre impuissance, en signalant constamment les mêmes dangers? Tous les ans, les chambres sacrifiaient un million pour palliatif au mal, et tous les ans le mal se représentait plus menaçant. N'était-ce pas un argument contre les gouvernants eux-mêmes et contre le principe d'une aveugle compression qui approfondissait les plaies au lieu de les guérir?

Le rapporteur, M. Jouffroy, plus sincère et mieux éclairé que le ministre, fit remonter la stabilité du mal au gouvernement lui-même. « La responsabilité et le repos manquent au gouvernement, dit-il; il n'y a en France de lendemain bien déterminé pour personne; le présent y chancelle toujours, l'avenir y demeure une éternelle énigme..... On se plaint de voir la lie de la société soulevée en battre avec audace les fondements: cette audace est l'ouvrage de la chambre; elle est la conséquence directe de l'instabilité des majorités. Et d'où vient cette instabilité? de

ce qu'un jour, croyant les grandes questions décidées, chacun s'est mis à regarder dans ses principes, en a découvert les nuances, et s'est passionné pour ces nuances comme il s'était auparavant passionné pour les principes

mêmes. >>

M. Jouffroy eût été plus vrai s'il eût accusé de cette instabilité les ambitions personnelles, les rivalités jalouses, les intrigues des ministres en expectative contre les ministres en possession, et tous les vices du régime constitutionnel, qui livraient le pays en pâture à un petit nombre de privilégiés.

Loin de s'attacher à ce côté fondamental de la question, le rapporteur, et la commission avec lui, refusait toute satisfaction aux partisans de la réforme, se prononçant pour le strict maintien du statu quo en tout ce qui concernait la loi électorale et la législation de la presse. La fatale opiniâtreté qui doit conduire la monarchie à sa perte, pèse sur tous ceux qui s'en font les protecteurs; un profond aveuglement les détourne de la seule voie de salut.

Les conservateurs avaient même si peu conscience de la gravité de cette question, qu'ils n'accueillaient qu'avec impatience et dérision les orateurs qui la ramenaient.

M. de Courcelles attaqua vivement la commission et son rapporteur, qui n'avaient trouvé d'autre système que l'immobilité.

« L'immobilité! y pensez-vous? Quoi! vous venez de déclarer que notre gouvernement, par son instabilité, ne peut acquérir aucune force intérieure ou extérieure! qu'il n'y a en France de lendemain bien déterminé pour personne, que le présent y chancelle, et que l'avenir est une éternelle énigme! Nous sommes en si grand péril, et il n'y

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