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parlementaire. Les amis de M. Molé s'y dévouaient avec une activité qui révélait de hautes complicités. Déjà l'on préparait les listes du nouveau cabinet. M. Passy était engagé, M. Dufaure caressé, M. Vivien invité. Des avances étaient faites à M. Billault et un traité d'alliance offert à M. de Lamartine; mais ce dernier faisait ses conditions, et sa conscience, rebelle aux intrigues, devenait un embarras.

Toutefois, si M. Guizot était mal vu des valets du château, il avait pour lui le maître. Louis-Philippe tirait trop bon parti des ressources oratoires de son ministre pour le sacrifier à des criailleries subalternes. Il était surtout dominé par une pensée secrète qui ne l'abandonna jamais, celle de recommencer la lutte pour la dotation du duc de Nemours, et nul ministre ne lui paraissait plus propre que M. Guizot à vaincre par son habileté les résistances des conservateurs. Il le tenait donc en réserve pour reprendre ce débat qu'il regardait, non sans raison, comme une des épreuves les plus décisives du principe monarchique. M. Guizot put laisser avec calme s'embrouiller les fils de l'intrigue qui s'agitait à ses pieds. L'appui du roi lui permettait le dédain envers des courtisans révoltés.

Pendant que ces ténébreuses menées obscurcissaient les hautes régions du pouvoir, un procès scandaleux en cour d'assises révélait au public les honteuses dilapidations de certains administrateurs de la ville de Paris, et dévoilait un système organisé de prévarication dont une foule de citoyens avaient été victimes.

Le bureau de la grande voirie et des plans a dans ses attributions tout ce qui concerne les alignements, les ouvertures de nouvelles rues, les contraventions en matière

de construction et le paiement des indemnités dues aux propriétaires dépossédés. Quelques employés de cet important bureau avaient profité de leur position officielle, nonseulement pour détourner à leur profit les deniers de la ville, mais aussi pour mettre à contribution les parties intéressées. Une association organisée dans les bureaux protégeait ce brigandage, et la connivence du chef et des employés l'avait fait durer plusieurs années. Les uns exécutaient des travaux inutiles, les faisaient présenter par des prête-noms et en recevaient le prix après une vérificàtion accomplie par un confrère complaisant. D'autres, plus haut placés, faisaient disparaître les dossiers des contrevenants qui payaient rançon; les propriétaires dépossédés ne pouvaient faire régler leurs indemnités qu'en faisant de ruineux sacrifices. Ceux qui n'avaient pas le secret des marchés clandestins attendaient vainement qu'on leur fit justice, ou bien, assaillis par des spéculateurs qui étaient en communication avec les employés, ils vendaient à vil prix leurs créances qui étaient aussitôt payées aux trafiquants. Puis venaient les spéculations sur les terrains, les ouvertures de rues nouvelles pour lesquelles des entrepreneurs achetaient le secret des bureaux. La communication d'un plan d'alignement, d'une délibération du conseil municipal, s'était vendue 15 ou 20 mille francs. Enfin, dans cette région administrative, on profitait de l'influence qu'on exerçait sur certains conseillers municipaux pour faire abaisser ou élever le chiffre des indemnités, pour donner aux rues projetées telle direction qui devait profiter aux entrepreneurs favorisés. Or, il arriva qu'un spéculateur chassé de la préfecture voulut continuer à partager les bénéfices. Ces prétentions étant repoussées, une lutte s'en

gagea entre le complice qui possédait le secret des opérations et la bande mystérieuse qui volait l'administration et les particuliers, lorsque la justice intervint. Plusieurs employés furent arrêtés, et le public apprit avec stupéfaction que parmi eux était le chef de bureau, M. Hourdequin, jusque-là environné d'une considération générale, exerçant une haute influence sur le préfet, et gouvernant, plus qu'il n'était légitime peut-être, les délibérations du conseil municipal.

Les débats furent pleins de scandales et d'affligeantes révélations, et cependant on ne put percer tous les mystè res de ces ténébreuses machinations. Beaucoup de complices échappèrent aux poursuites. M. Hourdequin, plus coupable parce que ses fonctions destinées à protéger les citoyens, lui avaient servi à les dépouiller, fut condamné avec deux employés des bureaux. Cette tardive satisfaction accordée à la conscience publique, n'en laissait pas moins derrière elle un sentiment profond de méfiance envers l'administration. Le pouvoir tout entier en était ébranlé, et l'opposition profitait des ressentiments publics, pour attaquer avec énergie le gouvernement, qui manquait au moins de surveillance, si ce n'était de moralité.

CHAPITRE XII.

Nouvelle discussion sur le droit de visite.

Condamnation des traités

MM. Dufaure et Passy se séparent du ministère. Question de réforme parlementaire. Nouvelle loi sur les sucres.

de 1831 et 33.

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Enquête parlementaire.

Espagne Ministère Lopez.

Indignation des cortès.

Corruptions électo

Sa prompte démission.

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Prorogation et dissolution des cham

bres. Soulèvement des provinces. Bombardement de Séville.

Chute d'Espartero.

- Isabelle est déclarée majeure. Ministère Olozaga. Ses luttes contre les royalistes. Incidents de sa chute.

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Anglais se vengent des désastres de l'Afghanistan. Paix avec la Chine. · Troubles dans les districts manufacturiers. Les chartistes. O'Connell et l'association du rappel. Procès et condamnation d'O'Connell... Les Rebeccaïtes du pays de Galles. des céréales.

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On n'en avait pas encore fini avec le droit de visite. Le traité du 20 décembre 1841 n'existait plus pour la France, mais ceux de 1831 et 1833 demeuraient toujours comme une consécration du principe; et lord Aberdeen, si complaisant jusqu'alors, avait repoussé toute ouverture tendant à les effacer du code international. Dans une conférence avec M. de Saint-Aulaire, il lui avait déclaré que si le gouvernement français procédait violemment à l'abrogation de

ces traités, il serait du devoir des ministres de S. M. de rappeler de Paris l'ambassadeur d'Angleterre. La menace était assez sérieuse pour contraindre M. Guizot à céder à son tour. Mais, d'un autre côté, l'opinion publique en France ne se prononçait pas avec moins d'opiniâtreté, et déjà victorieuse en ce qui concernait le traité de 1844, elle voulait compléter son triomphe en attaquant le principe même du droit de visite imprudemment admis dans les conventions antérieures. Pour l'opposition, les sympathies générales en faisaient une excellente occasion de lutte; pour les rivaux ministériels, c'était un nouveau sujet d'espérances. L'ambition et le patriotisme se trouvaient d'accord. La session qui commença le 9 janvier 1843 ouvrait une nouvelle carrière aux attaques. Le droit de visite fut, en effet, la question qui domina toutes les autres dans la discussion de l'adresse. M. Guizot, seul contre tous, fit preuve d'une énergie désespérée et d'une remarquable puissance de talent. Mais tout fut inutile. Il fallut se courber devant l'arrêt de la nation. La chambre des pairs cependant lui avait offert la satisfaction d'une première victoire. On y avait proposé par amendement d'introduire dans l'adresse les paroles suivantes : « Les bonnes relations avec l'Angleterre seraient plus assurées encore, si un nouvel examen des traités de 1831 et 33 parvient à faire disparaître les inconvénients que leur exécution a paru révéler. » M. Guizot combattit l'amendement et soutint qu'on ne pouvait l'accepter, sans pousser inévitablement la France à une faiblesse ou à une folie. Les pairs furent dociles à sa voix. Mais au Palais-Bourbon, la commission même de l'adresse, composée de conservateurs, proposa le paragraphe suivant : « Nous appelons de tous nos vœux le moment où notre

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