Images de page
PDF
ePub
[graphic][subsumed][merged small][subsumed]

:

[graphic]

PLUSIEURS VOIX. L'ordre du jour !

M. LE PRÉSIDENT. La chambre sait qu'il faut qu'un orateur soit descendu de la tribune avant que l'on puisse exprimer une opinion contraire. J'adjure tous les membres de m'aider à faire cesser un tel spectacle. Les réclamations auront leur cours lorsque l'orateur sera descendu de la tribune.

UN MEMBRE. Il n'est pas permis de se vanter d'avoir été à Gand.
A GAUCHE. Nous ne le permettrons pas !

M. GUIZOT: Je suis d'autant plus étonné de ces clameurs, que ce que j'ai l'honneur de dire à la chambre, la chambre l'a déjà entendu...

A GAUCHE. Non, non! nous avons toujours protesté.

M. GUIZOT. Et voilà les progrès que vous avez fait faire à la liberté depuis ce jour-là !

M. LEDRU-ROLLIN. Il n'y a pas la liberté de trahir!

M. GUIZOT. Ce qu'on a pu dire autrefois, on ne peut plus le dire aujourd'hui : la liberté recule.

A GAUCHE. Non! non!

UNE VOIX. Mais arrière la trahison !

M. ERNEST de GIRARDIN. Vous ne vous vanterez pas....

M. GUIZOT. Les accusations auxquelles j'ai pu répondre au milieu d'une chambre attentive et tranquille, il est impossible aujourd'hui d'y répondre avec mesure? En vérité vos progrès m'étonnent...

A GAUCHE. Et les vôtres nous indignent. (Longue interruption.)

M. GUIZOT se tournant vers le président : M. le Président on veut épuiser mes forces. (A la chambre.) Soyez persuadés que vous n'épuiserez pas mon courage. Je suis allé à Gand....... (Interruption nouvelle.) Si enfin Louis XVIII devait rentrer en France...

UNE VOIX. Après Waterloo !

M. GuizOT. Croyez-vous que la France fût indifférente à ce qu'il rentrât sous le drapeau de la Charte ou sous le drapeau de la révolution?

A GAUCHE. Et l'étranger !

M. de La Rochejacquelein interpelle vivement l'orateur au milieu du bruit.

M. GUIZOT. Oui, je viendrai à bout de dire ici toute ma pensée, ou il sera bien constaté que la violence d'une partie de cette assemblée...... VOIX AU CENTRE. Dites donc l'insurrection !

M. ODILON BARROT. Eh bien! laissons-le donc étaler sa honte; et ayons le courage de l'entendre jusqu'au bout.

La cruelle protection de M. Odilon-Barrot modéra les interruptions, sans les arrêter entièrement. M. Guizot put enfin exposer sa justification à l'aide des mêmes arguments qu'il avait employés en 1841. Il raconta ensuite les services qu'il avait rendus à l'opposition pendant dix années, et se glorifia d'avoir toujours été fidèle à la monarchie constitutionnelle en combattant à la fois l'anarchie et l'ancien régime.

<< Et maintenant, dit-il en terminant, ce que j'ai constamment combattu depuis cette époque, je le combats encore, et je ne céderai pas aujourd'hui. Toutes vos colères, toutes vos clameurs ne me détourneront pas. Je persévérerai à soutenir contre tous les genres d'opposition, qu'elle vienne d'ici (montrant la droite) ou de là (montrant la gauche), les intérêts et les principes de la monarchie constitutionnelle, et le gouvernement qui a été véritablement conquis et fondé en juillet.

<< Quant aux injures, aux calomnies, aux colères extérieures ou intérieures, on peut les multiplier, on peut les entasser tant qu'on voudra, on ne les élèvera jamais au-dessus de mon dédain.>>

Ces dernières paroles empreintes d'audace et d'éloquence rendirent quelque courage aux centres stupéfaits. M. Guizot avait puisé dans une position désespérée une indomptable opiniâtreté. L'impossibilité de reculer fit sa force, et après avoir provoqué la chambre, il lui fallait succomber ou continuer ses provocations jusqu'à lasser les colères.

Il eut cependant à entendre de sévères paroles de la bouche de M. Odilon-Barrot qui le remplaça à la tribune.

«La moralité publique, s'écria l'orateur, a besoin d'une consécration solennelle, disait tout à l'heure.... non pas M. le ministre des affaires étrangères, car il s'est dépouillé lui-même de cette qualité.... Mais il disait vrai. Jamais la moralité publique n'a eu plus besoin d'être raffermie, car jamais elle n'avait reçu une plus profonde atteinte.

« PrécédentContinuer »