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Nous avons rappelé dans le chapitre précédent quelles sont les connaissances qui constituent, en France, le minimum de l'enseignement qu'on doit donner dans les écoles primaires supérieures, dans ces établissements qui préparent à toutes les carrières sans conduire à aucune (Cousin); — qui n'élèvent pas un homme pour une profession, mais pour toutes les professions auxquelles il peut se trouver apte (Salvandy); qui n'ont point la prétention d'enseigner ce que l'expérience seule du métier peut apprendre aux jeunes gens (Saint-MarcGirardin); qui enfin sont destinés à donner les connaissances qui sont utiles ou nécessaires à tout homme bien élevé, indépendamment de son état (Nébénius); or, pour atteindre ces divers buts, il faut que chaque

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élève participe à tous les enseignements qui sont rendus obligatoires par l'art. 1o de la loi du 28 juin 1853.

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En excitant chaque jour les facultés de tous les enfants par tous ces objets d'étude différents, on s'est proposé non-seulement de transmettre à l'élève sur chacune d'elles des connaissances aussi étendues que son aptitude peut le comporter, mais encore de développer l'ensemble de ses facultés et d'accroître l'énergie de son intelligence par le concours et l'action réciproques de ces diverses études. En outre, ce système a l'avantage de faire ressortir tout d'abord le goût naturel de l'enfant pour telle ou telle science en particulier, ensuite de faire apprécier les forces générales de son intelligence, connaissance qu'il n'est pas moins nécessaire à un instituteur d'acquérir qu'il n'est indispensable au médecin de connaître la nature du tempérament dont il doit diriger le développement. Ceci posé, examinons quel doit être le caractère de l'enseignement dans les écoles professionnelles. Si l'instruction secondaire commence là où finit la possibilité d'étendre à tous un enseignement uniforme, le caractère pédagogique des nouvelles écoles sera le même que celui qui distingue les écoles élémentaires des nouvelles écoles secondaires. Dans les écoles élémentaires, on ne peut enseigner que des éléments qui puissent être compris d'intuition ou que la pratique ou la mémoire seules suffisent à inculquer dans la tête des enfants, car l'enseignement primaire est essentiellement pratique. Dans les écoles supérieures, la réflexion, l'intelligence, le raisonnement, l'esprit d'analogie et de déduction, sont

constamment mis en jeu. Dans les premières on retient les enfants dans l'école le plus longtemps possible, on, les fait travailler, opérer sous les yeux du maître; hors de là, ils n'ont plus rien à faire qu'à s'amuser. Dans les secondes, au contraire, on donne aux élèves un certain sujet à traiter ou à méditer; ils reçoivent une leçon ordinairement plus courte que dans l'école élémentaire, mais ils doivent revoir à tête reposée ce qui a fait l'objet de la leçon et présenter au professeur la preuve ordinairement écrite de leur travail. On voit que la forme particulière de l'enseignement supérieur ou professionnel ressemble complétement à celle qu'emploie l'enseignement classique. Cependant il doit exister sur le fond des différences notables que nous pourrions signaler si nous traitions de chacune des matières d'enseignement en particulier, mais qui peuvent se résumer en disant qu'au contraire de ce qui se passe dans les colléges l'enseignement doit être surtout appliqué plutôt que spéculatif.

Mais, avant de parler de la tendance générale qui doit être imprimée à l'enseignement, rappelons quel doit en être le point de départ, rappelons que nul élève ne peut être admis à suivre en tout ou en partie les cours de ces établissements, s'il ne possède suffisamment toutes les connaissances qui constituent l'enseignement primaire élémentaire, c'est-à-dire qu'il doit savoir lire, écrire sous la dictée, en faisant peu de fautes d'orthographe, connaître la pratique des quatre règles au moins, avoir quelques notions du système métrique, et même, suivant les circonstances, avoir fait sa première

communion, ce qui, pour la majorité de la population, est le signe évident qu'il possède les connaissances élémentaires de l'instruction morale et religieuse. Ces diverses conditions ne peuvent être accomplies avant l'âge de douze ans. Aussi n'est-ce guère qu'à cet âge que commence l'enseignement supérieur; alors seulement l'intelligence des élèves est en état de recevoir utilement les leçons des professeurs sur les diverses parties de l'enseignement.

Quelque faibles que soient ces conditions d'admission, il est malheureusement prouvé que, même dans les grandes villes, les écoles privées où doit se recruter la plus grande partie des élèves qui désirent recevoir l'enseignement supérieur ne peuvent fournir aux nouvelles écoles que très-peu de sujets qui soient suffisamment préparés. Cela tient à ce que dans les écoles élémentaires on étend trop le cercle de l'enseignement pour quelques enfants qui sont doués d'heureuses dispositions, et à ce que, dans un intérêt d'amour-propre et de vanité, on cherche à faire briller ces derniers au détriment de la masse; les instituteurs primaires oublient trop que les écoles populaires sont pour la masse, et que c'est à l'instruction de la grande majorité et non au développement de quelques talents précoces qu'ils doivent consacrer leurs soins; ils oublient trop qu'ils doivent, au contraire, resserrer soigneusement leur enseignement dans le cercle des connaissances indispensables, et qu'il vaut mieux ici, comme dans tous les degrés des écoles, que les enfants apprennent bien ce, qu'on leur enseigne que de leur donner beaucoup de demi-connaissances.

Si, au lieu d'embrasser un trop grand nombre d'enseignements qui ne sont pas du domaine de l'instruction primaire, si, au lieu de n'enseigner chaque chose qu'à moitié, les instituteurs privés donnaient à leurs élèves des notions claires et précises sur les matières les plus essentielles, s'ils avaient le soin de ne négliger et de n'omettre aucune des facultés qui sont rendues obligatoires par la loi du 28 juin, l'enseignement supérieur, solidement assis sur des connaissances élémentaires approfondies quoique peu étendues, n'exigerait guère que trois années d'études; mais dans l'état actuel de ce degré d'enseignement, avec un point de départ si peu avancé, l'expérience a prouvé qu'il était indispensable de fixer à quatre années le cours complet des études secondaires professionnelles.

Quand nous disons que le cours d'études doit durer quatre ans, nous n'entendons pas que ce temps suffirait toujours pour qu'il fût complet, que nul enfant n'aurait le droit de rester une ou plusieurs années de plus à l'école, en redoublant les années faibles; la limite de quatre années signifie seulement qu'il doit être fait quatre parts des matières qui doivent être enseignées dans les écoles primaires supérieures, et que chacune de ces parts doit faire l'objet d'un cours dont la durée sera d'une année scolaire.

Indépendamment des conditions (relatives au personnel et à la disposition des localités) qui doivent guider le directeur d'une école supérieure dans la rédaction difficile d'un tableau de l'emploi du temps, il est une con

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