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et éclairés des fonctionnaires de l'Université, et la nécessité de lutter avec avantage contre l'enseignement libre, amèneront tout naturellement, dans ces établissements, les réformes qui sont instamment réclamées par tous les partisans des études fortes et sérieuses.

Mais nous porterons toute notre attention sur l'éducation professionnelle des classes moyennes, car non-seulement il y a tout un système d'enseignement spécial à fonder pour leur donner le complément de l'instruction dont elles auront puisé les éléments dans les colléges français, mais il reste encore à étudier l'organisation et la tendance des études communes que ces nouveaux établissements doivent donner à ceux qui les fréquentent; car, si l'on excepte les écoles primaires supérieures de quelques grandes localités, ces écoles préparatoires des professions industrielles n'existent encore que dans la loi qui ordonne leur création.

En agissant ainsi, nous croyons d'ailleurs nous renfermer dans les intentions de l'Académie royale du Gard, qui, en opposant, dans les questions qu'elle a formulées, l'enseignement littéraire et scientifique à l'enseignement professionnel, n'a employé cette dernière dénomination que dans le sens le plus restreint qu'on lui donne aujourd'hui pour désigner l'enseignement nécessaire aux professions pour lesquelles on n'exige pas l'étude des langues anciennes.

Nous ne terminerons pas cependant ce chapitre sans examiner sommairement si le système d'enseignement que nous venons d'esquisser remplit la triple condition

de former des maîtres, des chefs d'atelier et des ouvriers. Nous croyons qu'il ne peut y avoir rien d'absolu à cet égard, et nous en donnerons la preuve plus tard lorsque nous entrerons dans les questions de détail; selon nous, en fondant les établissements d'instruction publique, en adaptant des programmes d'enseignement aux besoins de ces diverses écoles, on n'a eu d'autre perspective que la profession que doivent embrasser les élèves qui les fréquentent, sans se préoccuper du grade qu'ils pourront y remplir. Cependant la force des choses amènera tout naturellement cette classification, autant toutefois que cela peut se faire sous l'empire d'une constitution qui reconnaît des droits égaux à tous les Français, et d'une législation qui n'exige aucun examen, aucun brevet d'aptitude de ceux qui se destinent aux carrières industrielles.

Mais si l'on réfléchit qu'on ne peut acquérir un enseignement plus élevé qu'en raison des sacrifices plus étendus de temps et d'argent qu'on peut faire, on sera amené à penser que nous verrons inévitablement s'organiser une hiérarchie industrielle basée sur la double considération d'instruction et de fortune; de telle sorte que cette armée pacifique n'aura pour soldats que ceux qui n'auront que des bras et une instruction primaire, pour sous-officiers que les élèves intelligents des écoles secondaires qui ont peu de ressources ou de crédit, et que les officiers du corps industriel seront en général fournis par les écoles spéciales, où l'on ne peut arriver que lorsqu'on a de la fortune et une intelligence plus

cultivée. Mais ne nous dissimulons pas que, dans la carrière industrielle comme dans la carrière militaire, chacun pourra acquérir de l'avancement selon sa conduite, son aptitude, son savoir et ses ressources.

CHAPITRE II

RECHERCHES HISTORIQUES SUR L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.

AVANT 1815.

Dans l'exposé qui précède, nous avons posé en principe qu'il y avait deux espèces d'écoles secondaires les colléges français (écoles primaires supérieures), qui sont les écoles générales préparatoires des professions industrielles, et les colléges latins, qui sont les écoles générales préparatoires des professions libérales. Cependant cette vérité pourrait être révoquée en doute par les personnes qui voudraient juger une institution uniquement d'après le nom qui sert à la désigner. L'expression école primaire supérieure, qui est consacrée par la loi, détermine une idée si vague et si contraire aux vues qui ont présidé à leur création, qu'il n'est pas inutile de rechercher dans le passé quels sont les besoins qui se sont successivement manifestés, et de suivre pas à

pas l'expression de ces besoins jusqu'au moment où leur urgence est devenue si évidente, qu'il a fallu les reconnaître et créer tout un nouvel ordre d'établissements d'instruction publique pour leur donner satisfaction. Cette recherche aura, en outre, l'avantage de préciser quelle doit être la tendance qu'il faut imprimer à ces établissements pour qu'ils répondent aux vues de ceux qui ont concouru à en poser les fondements.

L'instruction publique n'est arrivée, en France, au point actuel d'organisation que par des secousses violentes qui ont permis de combler successivement les lacunes que le temps seul pouvait signaler. Nos lois se ressentent de ces taches d'origine; toutes elles portent le cachet des époques où elles ont été faites; mais si, dans leurs détails, elles ne présentent pas ces vues d'ensemble qu'on aurait été en droit d'exiger d'une création systématique, quoiqu'elles ne coïncident pas exactement dans toutes leurs parties, elles forment cependant un corps de dispositions qui sont, aujourd'hui, assez en rapport avec l'état et les besoins réels de notre nation.

Les premières écoles ont pris naissance dans les cloîtres et dans les églises cathédrales; leur but, qui répondait au seul besoin de l'époque, était de former un clergé instruit. Les matières d'enseignement étaient peu étendues : quand on savait lire et écrire en latin et chanter des psaumes, on était réputé clerc. Les livres copiés par les moines étaient d'une rareté excessive, que vinrent encore augmenter les guerres et les pillages du moyen âge.

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