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stitue l'enseignement primaire, subir diverses modifications, non-seulement d'après la position sociale et la situation de fortune des familles, mais encore d'après la capacité, la destination, la profession future des élèves auxquels elle s'adresse; c'est à l'éducation envisagée sous ce dernier point de vue qu'on a donné, de nos jours, le nom d'éducation professionnelle.

L'éducation professionnelle, dans l'acception la plus étendue de ce dernier mot, est donc la direction qui doit être donnée à chacun des individus qui composent une génération naissante, à l'effet de leur enseigner toutes les connaissances théoriques et pratiques qui leur sont nécessaires pour remplir le plus utilement possible, dans leur intérêt et dans celui de la société, la profession à laquelle ils peuvent être appelés selon les circonstances de capacité et de fortune dans lesquelles ils se trouvent placés.

Pour donner parfaitement cette éducation professionnelle, il faudrait établir, comme on l'a fait pour l'état ecclésiastique, des écoles spéciales qui fussent appropriées à chacune des professions si diverses que comporte l'état de notre société moderne; mais on comprend quelle serait la difficulté de créer un aussi grand nombre d'enseignements; aussi, pour approcher le plus possible du but, a-t-on dû rechercher quelles sont, dans les diverses professions, les connaissances générales qui sont communes à chacune d'elles, et l'on est parvenu de la Sorte à grouper, dans des établissements de divers degrés, un enseignement général et préparatoire qui se

spécialise davantage à mesure qu'il s'élève. Telle est la tendance, tel est le but de tous les établissements d'instruction publique.

Dès qu'ils ont acquis dans ces écoles ces notions communes à toutes les professions en vue desquelles ont été institués ces divers établissements, les élèves sont en état de choisir, en toute connaissance de cause, celle des carrières vers lesquelles ils se sentent le plus entraînés par leur goût, leur vocation, leur aptitude plus spéciale, leurs connaissances plus ou moins étendues. C'est ici que commence l'apprentissage qui, pour certaines carrières, est du domaine de l'instruction publique, mais qui, pour d'autres, doit se faire dans des établissements d'une nouvelle espèce: c'est là ce qui constitue l'enseignement spécial.

Cet enseignement s'acquiert, soit dans des écoles spéciales où des professeurs donnent à leurs élèves un enseignement à la fois dogmatique et pratique, parfaitement approprié aux besoins de la profession qu'ils ont embrassée, soit dans les fermes, fabriques, comptoirs, ateliers, bureaux, etc., etc., où des chefs ou patrons, agriculteurs, manufacturiers, négociants, artistes, administrateurs donnent aux jeunes gens un véritable enseignement spécial qui les forme à l'exercice intelligent de l'état qu'ils sont appelés à remplir dans la société.

Toute éducation professionnelle comprend donc nécessairement, pour être complète, deux éléments bien distincts: 1o un enseignement général et préparatoire, commun à un certain nombre de professions, et 2o un

enseignement spécial qui est horné à l'acquisition ou à l'accroissement des connaissances particulières qui sont nécessaires pour exercer une profession déterminée.

Si nous recherchons maintenant quelle doit être en théorie l'organisation des études communes, pour qu'elles répondent aux besoins de toutes les classes de citoyens, nous dirons avec M. Rossi: «< sans crainte d'être taxé de penchant pour le privilége et les classifications arbitraires, il convient de distinguer avec soin trois ordres d'études communes, ainsi qu'on distingue trois espèces de professions : les professions mécaniques, les professions industrielles et les professions savantes ou esthétiques.

« Cultivateur ou cordonnier, ouvrier tailleur ou cocher, peu importe, les études préparatoires doivent être les -mêmes; chacun fera ensuite l'apprentissage du métier auquel il se destine.

« De même, régisseur ou commerçant, manufacturier ou constructeur, peu importe encore; il est des études communes pour cette classe, et d'un ordre plus élevé que celles de la première, bien qu'ensuite chacun doive se livrer à l'étude particulière de la branche qu'il désire cultiver.

« La distinction est encore plus sensible pour les professions savantes; il est, pour cette classe, des études communes auxquelles, nous le pensons, il est inutile d'appeler ceux qui ne se destinent qu'aux professions mécaniques ou industrielles; ces études forment, par leur ensemble, le point central d'où partent, chacun

avançant vers son but au moyen d'études spéciales, le littérateur, l'historien, le savant, le médecin, le publiciste, le légiste, le théologien et ainsi de suite.

<< La distinction des trois espèces de professions n'a rien d'arbitraire, elle est puisée dans la nature même des choses; il est permis, sans doute, à chacun de choisir sa carrière, et même d'en changer en se conformant aux lois, mais ce serait une vaine dépense de temps et d'argent que de ne pas proportionner les travaux préparatoires au but que chaque profession se propose 1. »

Si, au lieu de classer la population française au point de vue professionnel, comme le font les économistes, nous examinons encore quelle doit être l'organisation théorique de l'enseignement pour qu'il soit en harmonie avec les principes de droit public qui sont inscrits dans la charte constitutionnelle, nous voyons qu'à côté des principes d'égalité qui sont proclamés pour tous, il existe cependant des classes diverses, et que, quoique les barrières qui séparent ces classes soient moins élevées qu'autrefois, quoique le mérite et le génie puissent les atteindre toutes, cependant elles existent et elles doivent exister; et quoiqu'elles ne puissent guère être déterminées d'une manière rigoureuse, parce qu'elles ne sont pas établies à perpétuité, toutefois on peut facilement les reconnaître et les diviser en trois catégories principales.

La première classe se compose d'individus qui sont

1 Rossi, Cours d'économie politique.

destinés à diriger les autres, soit comme participant à l'action de la puissance exécutive, soit comme membres des assemblées politiques, soit comme revêtus du pouvoir judiciaire; dans cette classe, on rencontre encore les pasteurs des différents cultes, les chefs de la force armée, les principaux dépositaires des connaissances humaines, enfin les hommes qui donnent l'impulsion aux arts, au commerce et à l'industrie.

Parmi ces hommes, les uns sont nommés par le chef de l'État, les autres sont choisis par leurs concitoyens, d'autres enfin obéissent à une vocation personnelle; mais ce qui leur est commun à tous, dans la forme actuelle de la société française, c'est d'agir librement dans les limites que la loi leur a imposées et sous le contrôle de l'opinion publique; il en résulte donc pour tous ceux que nous venons de désigner, quel que soit l'ordre auquel ils appartiennent, la nécessité commune d'élever leur instruction au niveau de leur position sociale; il doit donc y avoir un enseignement professionnel fortement organisé, égal à l'importance des premiers rangs politiques de la société actuelle.

La seconde classe est la classe moyenne, celle dont l'importance s'est le plus accrue depuis la révolution française. On le sait maintenant par les résultats, cette révolution ne s'est point accomplie au profit des classes inférieures qu'on a vues un instant surgir au sommet de la société; en général, cette classe a été reportée, par suite des oscillations politiques, à peu près à la même place d'où elle était partie. Ce qui a grandi, c'est le

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