Images de page
PDF
ePub

INTRODUCTION

Le 14 juin dernier, M. le Ministre de l'instruction publique a soumis à l'approbation de l'Empereur un rapport où il propose d'étudier les moyens de créer des colléges spéciaux en faveur des jeunes gens qui se destinent aux professions agricoles, manufacturières, commerciales et artistiques.

Ce rapport a produit dans l'opinion publique une vive émotion, qui prouve combien la réalisation d'un tel projet répond aux besoins si souvent constatés des classes moyennes, appelées à jouer un rôle si important dans nos sociétés modernes.

Aussi, lorsque, deux mois plus tard, à la distribution des prix du Concours général, M. Rouland venait, courageux et convaincu, dans la vieille Sorbonne, développer ses vues d'amélioration en

présence d'une société d'élite et des plus hauts fonctionnaires de l'Université et de l'État, des applaudissements unanimes et prolongés accueillirent ces chaleureuses paroles : « Allons donc en avant, Messieurs, et que l'Empereur et le pays nous soient en aide, car nous voulons ce qui est bien, et les bonnes causes se gagnent toujours! >>

L'Empereur a compris toute l'importance qui s'attache à cette réforme essentielle au triple point de vue des intérêts politiques, moraux et matériels, et il s'est empressé d'autoriser son Ministre à faire étudier par une Commission toutes les questions qui se rattachent à la réorganisation de l'enseignement commercial et industriel dans les établissements d'instruction publique.

Quant au pays, dont le rôle se borne à exprimer ses besoins et à subir les expériences si souvent tentées pour y satisfaire, il viendra d'autant plus en aide aux excellentes intentions du Ministre, qu'il sera plus éclairé sur cette question spéciale qui touche à ses plus chers intérêts.

Déjà la presse périodique a commencé son éducation en approuvant le principe de la réforme projetée, et en signalant les incontestables avantages qu'elle doit produire; quelques écrivains plus

compétents, qui ont à ce sujet des connaissances plus spéciales, et qui ont consulté les faits, ont pénétré plus profondément dans l'étude de cette question difficile; mais aucun homme pratique, aucun Instituteur n'a cherché jusqu'ici à éclairer l'opinion publique sur les diverses données du problème qu'il s'agit de résoudre, et à lui présenter les résultats d'une longue expérience.

[ocr errors]

--

J'entreprends cette tâche délicate où ma compétence ne sera récusée par personne. Depuis bientôt trente ans, j'étudie cette question sous toutes ses faces, soit comme Rapporteur de la Commission nommée dans le sein du Comité central pour poser les bases de la première École professionnelle de la Ville de Paris, soit comme Instituteur, lorsque je fus désigné plus tard pour orga niser pédagogiquement ce premier essai d' Externat dont la réussite préoccupait si vivement l'autorité, et dont le succès fut proclamé par tous, soit enfin comme Fondateur du Pensionnat professionnel d'Ivry, où j'ai continué librement mes expériences, qui m'ont permis d'introduire dans mon programme d'études d'importantes améliorations.

Pendant tout ce laps de temps, je me suis trouvé personnellement mêlé à toutes les études, à toutes

q.

les enquêtes, à toutes les tentatives qui se sont faites pour fonder l'éducation professionnelle; déjà même en 1845, répondant à l'appel de l'Académie royale du Gard, j'avais cherché à indiquer les moyens de généraliser en France cet utile enseignement, dont j'avais établi la formule pratique, que les hommes les plus compétents avaient tous acceptée comme un type conforme aux vues du législateur de 1833.

Les événements ne me permirent pas à cette époque de publier mon travail, qui fut couronné par la Société savante qui l'avait provoqué. Mais aujourd'hui que je retrouve dans le Rapport de M. le Ministre la confirmation de toutes mes idées d'alors, j'exhume ce manuscrit, et je l'imprime sans y rien changer, parce que mes études théoriques et mes expériences pratiques m'ont donné la profonde conviction que le type des écoles primaires supérieures que j'ai créé à Paris et à Ivry est le seul qui, à quelques détails près, puisse donner satisfaction aux besoins généraux des populations qui veulent diriger leurs fils vers les carrières si nombreuses et si variées de l'Agriculture, du Commerce, de l'Industrie et des Arts.

Ce qui m'a surtout décidé à entreprendre cette

publication, c'est que, dans une visite récente faite à mon École d'Ivry, au nom de M. le Ministre de l'instruction publique, par MM. Rendu, inspecteur général de l'Université, et Dubief, inspecteur de l'Académie de Paris, et secrétaire particulier de M. le Ministre, ces messieurs ont bien voulu me consulter sur les idées mères qui avaient présidé à ma double fondation, et que je n'ai pu développer que très-incomplétement plusieurs points importants dans les deux longues conférences que nous avons eues à ce sujet, et dans les notes qu'ils ont bien voulu me demander.

Pour compléter ces études et pour éclairer autant que possible toutes les parties de ce vaste sujet, j'y ai joint un exposé historique de tout ce qui a été tenté pour réformer notre système d'instruction secondaire depuis 1845, époque à laquelle a été rédigé ce Mémoire, jusqu'au remarquable travail de M. Rouland. Pour tracer ce tableau rapide, j'ai recueilli à la hâte mes souvenirs et quelques notes; et quoique j'aie manqué de temps et de documents, cette esquisse permettra cependant de suivre les phases bien diverses qu'a parcourues cette interminable question, et d'apprécier les obstacles qu'elle a toujours rencontrés.

« PrécédentContinuer »