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tourneur suivait l'impulsion de Carnot; et si on en croit encore les mémoires de ce dernier, Rewbell et Laréveillère - Lepaux approuvaient alors ses mesures contre les anarchistes, mais en se dérobant le plus qu'ils pouvaient aux fatigues et aux dangers de cette surveillance.

Il se fit bientôt entre les directeurs un partage tacite, mais inégal, des diverses branches de l'autorité. Les relations extérieures se trai

taient avec le concours, et quelquefois entre les dissentimens de Carnot et de Rewbell. L'administration et les finances n'étaient le soin exclusif d'aucun des directeurs. Le ministre des finances proposait des projets. Rewbell et Barras concluaient des marchés. Laréveillère-Lépaux avait paru se réserver les parties les plus libérales de l'autorité, Barras les plus

splendides. Le premier s'occupait des sciences, des mœurs et de la religion: des sciences, en provoquant des établissemens qui devaient servir de digue à la barbarie qui, pendant deux ans, avait couvert la France; des mœurs et de la religion, en suivant le déplorable système de la théophilantropie, en créant des sectaires qui furent persécuteurs sans être fanatiques. Il y avait quelque décence, mais peu de pompe autour de ces directeurs. On ne disait point la cour du directoire; on disait quelquefois la cour de Barras.

Ainsi, l'autorité suprême se composait de dictatures partielles, dont les limites, mal tracées, pouvaient incessamment appeler des chocs et des combats. Les finances scraient tombées dans un désordre moins épouvantable, si elles avaient été

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l'objet de l'une de ces dictatures. Les cinq directeurs, leurs divers ministres, les comités des deux conseils, ces conseils eux-mêmes, une foule de traitans trompeurs et trompés, tout administra, tout dérégla les finances: jamais leur administration n'eut tant de publicité et ne fut si confuse.

Il est vrai que la convention n'avait pas laissé, à cet égard, une tâche facile au gouvernement qui lui succédait. Lorsqu'elle abattit les échafauds, elle fit un poble et trop tardif sacrifice des trois ressources principales de ses finances; c'est-à-dire, des réquisitions, du maximum et des confiscations les assignats survécurent peu à ces trois fléaux.

On avait déjà fait plusieurs échelles de leur dépréciation dans les transactions du service public; mais leur disD. E. 1.

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crédit allait bien au-delà dans les transactions des particuliers. Le moment approchait où le directoire: en renonçant à cette monnaie si facile et si fatale, se privait moins d'une ressource, qu'il ne s'affranchissait d'une dépense. L'horreur attachée à cette violation de foi se perdait dans les souvenirs de la tyrannie de Robespierre, et dans la persuasion que la plus violente terreur pouvait seule retarder la chûte des assignats.

Le directoire commit une faute; ce fut de se préparer peu à cet évéuement, contre lequel la prévoyance des particuliers s'était depuis longtemps exercée. Il en commit une seconde; ce fut d'essayer de substituer un nouveau papier-monnaie aux assignats. Ils entraînèrent dans leur chûte rapide, et les rescriptions, et

les mandats territoriaux, auxquels on transporta leur gage et leur cours forcé. On n'eut pas même le temps de créer ces mandats dont le directoire avait fait décréter une émission de deux milliars et demi. Les rescriptions qui leur étaient assimilées perdaient 9 pour 100 le jour même où elles parurent. Le gouvernement subit la peine de toutes les fraudes dont il donna le signal. Il avait autorisé les particuliers à s'acquitter de leurs dettes avec la valeur nominale de ces rescriptions qui, au bout de quelques mois, ne représentaient plus rien. Les brigands les plus exercés à tout genre de rapines n'auraient pu apporter plus de désolation dans les familles, que l'aspect d'un débiteur impudent qui, armé d'une loi, venait ruiner ceux dont il avait reçu

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