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à profiter des désastres des alliés qu'il armait contre elle. Les chefs de la révolution avaient appliqué particulièrement à M. Pitt la haine profonde qu'ils voulaient entretenir contre les Anglais. Parmi tant de milliers de Français conduits à l'échafaud, il n'y en eut aucun sans en excepter ceux qui avaient porté le plus loin les extravagances de la démagogie, qui ne fût accusé d'être un agent de M. Pitt. Cet homme d'état avait droit,

par l'éclat de ses talens, et même par quelques vertus éminentes, à une grande renommée. Fils, élève chéri de l'un des ministres les plus habiles, les plus fiers et les plus intègres qu'ait eus l'Angleterre, il

avait dû ses talens précoces pour le gouvernement de son pays, à une éducation dirigée toute entière vers ce but. La politique le reçut au sortir de la première enfance. Il avait échappé aux passions ardentes de la jeunesse ; mais aussi il n'avait pas tenu d'elles cette franchise, cette générosité qui, dans les affaires d'état, sont souvent plus utiles que des combinaisons sèches et artificieuses. Il débuta avec des succès étonnans dans le parti de l'opposition. Les principes qu'il énonçait alors sortaient du cercle banal des déclamations anti – ministérielles. L'amour de la liberté, les sentimens de bienveillance sociale qui calment et qui unissent

les nations par des intérêts communs, étaient exprimés dans ses discours avec une telle maturité de réflexions, qu'on était tenté de les considérer chez lui comme des prin cipes invariables. Il parvint bientôt au ministère principal, et se montra infidèle à quelques-uns des amis qui avaient secondé son ambition: tort que l'on pardonne moins en Angleterre que celui de renoncer à des principes long-temps professés. Son administration, pleine d'habileté et de fermeté, répara en peu de temps les fâcheux effets de la guerre d'Amérique. Tandis que la France paraissait accablée par les efforts dispendieux qu'elle avait faits, avec un médiocre succès,pour

relever sa puissance maritime, M. Pitt suivait avec constance un système qui soutenait le crédit de l'Angleterre, et lui faisait espérer un amortissement graduel de son immense dette publique. Il avait su, par les besoins du commerce rattacher à la métropole l'Amérique septentrionale, dont l'indépendance ne fut suivie d'aucun des effets que s'en étaient promis la France et l'Espagne. Il avait commencé à rendre la Hollande tributaire, par le moyen du Stathouder; et quand il avait fallu soutenir ce prince par les armes de la Prusse, M. Pitt s'était joué des vaines menaces du gouvernement français. Il avait fait consentir ce même gou

vernement à un traité de commerce qui pouvait un jour devenir utile aux deux nations, mais dont l'Angleterre avait recueilli les fruits les plus précieux. Il avait asservi la Russie dans ses relations commerciales, et, dans le même temps, il avait arrêté l'ambition de Catherine II, qui croyait s'être ouvert le chemin de Bisance.

Telle était la position de M. Pitt, quand la révolution française éclata. Il parut d'abord applaudir à ses premiers mouvemens, soit qu'il res. pectât le généreux essor d'un peuple vers la liberté, soit qu'il se réjouît, pour les intérêts de son pays, des discordes de la nation .rivale. Lorsqu'il vit l'anarchie fai

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