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plus de rivage qui ne fût dominé ou menacé par les flottes anglaises.

C'était sous le poids d'impôts multipliés et accablans que le commerce de cette nation s'élevait à une telle splendeur. Chaque année, M. Pitt ajoutait à la dette nationale un emprunt de vingt ou de trente millions de livres sterling. Il établissait un impôt pour gage de cet emprunt, qui était rempli aussitôt que proposé. Les douanes étaient la ressource la plus vaste et Ja plus assurée des besoins de l'état. La caisse d'amortissement, dont l'établissement est regardé comme la plus belle opération de M. Pitt, continuait, au milieu de la guerre, ses opérations avec assez de succès

pour soutenir en Angleterre la confiance hardie sur laquelle se fonde le crédit public. Cependant, depuis la guerre, la dette publique fut presque doublée. Jamais une nation de commerçans ne montra à-la-fois plus d'avidité, plus d'union, plus de constance. Tandis que l'Europe était ébranlée par différens genres de fanatisme qui se combattaient, un seul peuple devait tout son patriotisme à de sages et froids calculs. Sa prospérité était appuyée sur un système de finances dont les succès semblent confondre la raison. Il faut encore un certain nombre d'années pour que l'expérience aide à prononcer sur un système dont les avantages

et les inconvéniens semblent jusqu'à présent se balancer.

Les Anglais se ressentaient des souffrances d'une guerre qui répandait tant de fléaux sur le Continent plusieurs de leurs manufactures éprouvaient une langueur qui était la suite nécessaire de l'épuisement de plusieurs nations auparavant opulentes. Ils employaient des sommes considérables à acheter des grains dont ils éprouvaient souvent la disette. Ce fait semblait annoncer un déclin dans leur agriculture, qui, avant la guerre, nour. rissait les trois royaumes, et pouvait suffire encore à quelque exportation. La taxe des pauvres s'accroissait dans la même proportion

que la dette nationale; et quoique l'on pût continuer ce remède dangereux, il dévoilait l'extrême souffrance des ouvriers et des petits propriétaires. J'ai rassemblé ces différentes considérations, parce qu'elles servent à expliquer une crise où se trouva l'Angleterre, et dont j'aurai à parler dans le cours de cette histoire.

Le gouvernement anglais avait déjà perdu deux alliés puissans, le roi de Prusse et le roi d'Espagne ; l'un et l'autre avaient signé un traité de paix avec la république française.

Je vais employer le reste de cette introduction à retracer les événemens politiques et militaires qui

détachèrent de la ligue ces deux puissances.

Le roi de Prusse, Frédéric-GuilJaume, eut un de ces caractères inquiets, ardens, qui sont séduits, mais qui ne sont point dominés par la gloire. S'il s'écartait des routes ordinaires de la politique, c'était pour être imprévoyant et présomptueux sous une vaine couleur d'héroïsme; s'il rentrait dans la politique, il embrassait sans scrupule et sans pudeur toutes les ressources qu'elle lui offrait. Soldat valeureux dans un jour d'action, les forces de son caractère, non plus que celles de son esprit, ne suffisaient point à une campagne. Il avait dissipé les trésors du grand Frédéric, soit

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