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. . Je sais qu'il est honteux

Aux filles d'expliquer si librement leurs vœux.
Mais en l'état où sont mes destinées,

......

De telles libertés doivent m'ètre données;
Et je puis sans rougir faire un aveu si doux
A celui que déjà je regarde en époux.

Le bon Sganarelle interprète ce discours en sa faveur. Valère l'entend comme il doit l'entendre, et dit à Isabelle :

Hé bien, madame, hé bien, c'est s'expliquer assez.
Je vois par ce discours de quoi vous me pressez;
Et je saurai dans peu vous ôter la présen‹ e
De celui qui vous fait si grande violence.

Le tuteur ne peut s'empêcher de plaindre Valère. Pauvre garçon, dit-il, sa douleur est extrême. Il porte même sa pitié jusqu'à l'embrasser au moment où il se retire. Sganarelle est si sensible aux prétendus témoignages d'amitié que lui donne Isabelle qu'il veut hâter son mariage, et le fixe au jour suivant.

Acte III. Isabelle pour qui ce mariage fatal est plus à craindre que le trépas même, sort de sa chambre aussitôt qu'il fait nuit. Son tuteur qui la rencontre, lui témoigne sa surprise de la voir si tard dans la rue. Isabelle qui n'est pas long-temps à trouver une excuse, lui dit que sa sœur l'a obligée de sortir de sa chambre où elle est actuellement, parce qu'elle aime éperduement Valère depuis plus d'un an : ils s'étoient même donné

parole pour s'épouser. Léonor ayant appris que cet amant rebuté d'Isabelle, est sur le point de partir, et voulant rompre ce départ, l'a priée de souffrir qu'elle entretînt ce soir Valère sous le nom d'Isabelle, par la petite rue où la chambre de celle-ci répond, et lui donnât quelques espérances, pour l'engager à rester. Elle m'a tant priée, poursuit Isabelle ,

A tant versé de pleurs, tant poussé de soupirs,
Tart dit qu'au désespoir je porterois son âme,
Si je lui refusois ce qu'exige sa flamme,

Qu'à céder malgré moi mon cœur s'est vu réduit;
Et pour justifier cette intrigue de nuit,

Où me faisoit du sang relâcher la tendresse,
J'allois faire avec moi venir coucher Lucrèce,
Dont vous me vantez tant les vertus chaque jour.

Sganarelle loin d'approuver cela, veut aller chasser Léonor. Isabelle le prie de ne point lui faire un si cruel affront, et de permettre qu'elle aille elle-même la faire sortir. Són tuteur y consent. Isabelle le prie surtout de se bien cacher et de ne rien dire à Léonor quand elle sortira: elle rentre dans la maison, et parlant à haute voix, elle fait semblant de renvoyer sa sœur, et sort dans le mème instant. Sganarelle la prenant pour Léonor, va fermer à clef la porte, de peur que cette Léonor ne revienne: il la suit d'un peu loin, et voit qu'elle va au logis de Valère; lorsque celui-ci sort brusquement

dans le dessein de tenter quelque entreprise. Isabelle lui dit aussitôt de ne point faire de bruit, et se nomme. Sganarelle entendant le nom d'Isabelle, dit ;

Vous en avez menti, chienne, ce n'est pas elle.
De l'honneur que tu fais, elle suit trop les loix,
Et tu prends faussement et son nom et sa voix.

Isabelle dit à Valère qu'à moins de le voir par le mariage..... Valère l'interrompt, lui protestant que c'est là son unique desir, et que dès le lendemain, il ira recevoir sa main où elle voudra. Pauvre sot qui s'abuse, dit à part Sganarelle.

son,

Les deux amans étant entrés dans la maile tuteur veut les faire surprendre, et va frapper à la porte d'un commissaire qui arrive avec un notaire. Il les fait entrer au logis de Valère, et va lui-même chercher Ariste. Il lui demande d'un ton railleur où est sa Léonor. Celui-ci répond qu'il croit qu'elle est au bal chez son amie. Sganarelle après quelques plaisanteries amères, lui dit que le bal de sa pupille est chez monsieur Valère, où il l'a vue lui-même entrer, et que l'honneur l'a aussitôt engagé à faire venir un commissaire et un notaire pour les marier. Ariste qui n'a jamais gêné en rien sa pupille, ne peut croire qu'elle se soit jetée dans cette intrigue à son insgu. Le commissaire revenant avec le notaire, dit que la force ne doit pas ici être employée, si les

deux tuteurs consentent au mariage des deux amans , parce qu'ils sont eux-mêmes portés à s'épouser, et que Valère a déjà sígné le contrat. Celui-ci se met à la fenêtre, pour confirmer la proposition du commissaire. Il ne s'est point encore détrompé d'Isabelle, dit Sganarelle bas à part; profitons de l'erreur. Il presse Ariste de signer. Celui-ci ne comprenant rien à ce mystère; parce que Valère parle d'Isabelle, et Sgana relle de Léonor, signe cependant, ainsi que son frère. Aussitôt arrive Léonor avec sa suivante. Ariste lui fait de doux et tendres reproches sur son prétendu procédé. Léonor étonnée lui répond :

Je ne sais pas sur quoi vous tenez ce discours:
Mais croyez que je suis la même que toujours,
Que rien ne peut pour vous altérer mon estime,
Que toute autre amitié me paroîtroit un crime,
Et que, si vous voulez satisfaire mes vœux,
Un saint noeud dès demain nous unira tous deux.

Sganarelle n'est pas peu surpris d'entendre cette réponse. Il l'est encore bien davantage lorsqu'il voit paroître Valère et Isabelle qui demande pardon à sa sœur d'avoir emprunté faire réussir son stratagěme, pour > Le tuteur confondu, ne sort de l'accablement dans lequel il étoit plongé, que pour lancer les plus fortes malédictions contre les femmes, et se retire comme un furieux.

son nom

L'analyse d'une pièce de théâtre ne peut

Différens

pas donner une parfaite idée de la manière dont elle est conduite. Il faut lire la pièce même, pour bien voir et bien sentir l'art avec lequel le poëte a lié et filé les scènes, a ménagé et présenté les situations, a excité et gradué l'intérêt. Cependant on a pu voir, dans l'analyse de celle-ci, que le premier acte ne renferme en grande partie que des discours qui font connoître les personnages, et qu'il n'y a pas beaucoup d'action c'est ce qu'il ne faut pas non plus. Il suffit que les caractères y soient bien annoncés, et les machines préparées. Mais on a vu dans le second et le troisième acte, que les caractères s'y développent successivement pour se montrer à la fin dans tout leur jour; que l'action y est vive, pressée, qu'elle marche avec la plus grande rapidité, sans qu'elle soit jamais interrompue, sans qu'elle s'éloigne un seul instant de son terme; que les situations s'y succèdent aussi très-rapidement, et que l'une. y amène toujours l'autre, jusqu'à l'entier dénouement, de la manière la plus vraisemblable et la plus naturelle. C'est à de pareils modèles que doit s'attacher le poëte comique. Il faut qu'il les feuillette, qu'il les lise nuit et jour, comme le disoit Horace aux Romains, en parlant des excellens ouvrages de théâtre que les Grecs ont laissés.

La comédie se divise selon les sujets genres de qu'elle traite. Si le poëte peint les vices Lomique. et les ridicules des grands, c'est le haut

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