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une suite raisonnée de préceptes. C'est-ce que fait Rosset dans le chant de son poëme où il traite des arbres. A propos du mûrier, il décrit les travaux des vers à soie, qui se nourrissent des feuilles de cet arbre précieux," -et entre à ce sujet dans les détails les plus étendus. Cette description est trop bien faite et trop curieuse, pour que je n'en cite pas quelque morceau. En voici un qui est charmant,

Lassés d'un vain loisir, et libres de leurs maux,
Les vers veulent alors commencer leurs travaux,
Aidez de tous vos soins un espoir qui vous flatte,
Dans leurs corps transparens l'or de la soie éclate.
Vous les voyez monter; offrez-leur des rameaux;
Qu'ils puissent y suspendre et filer leurs tombeaux.
Sous les anneaux mouvans qu'à vos yeux ils pré-
sentent,

Dans leur sein deux vaisseaux à longs replis ser

pentent.

La soie en se formant brute et liquide encor,
Dans ses riches canaux coule ses ondes d'or.
La liqueur s'épaissit dans sa route dernière,
Se transforme en un fil et sort par la filière.
Quand la chenille enfin voit ce temps arrivé,
Elle prodigue un suc jusqu'alors réservé.
En longs cercles d'abord, des fils qu'elle ménage,
Elle forme un duvet, appui de son ouvrage :
Bientôt elle décrit des mouvemens plus courts
Et ses fils plus serrés, unis par mille tours,
D'un tissu merveilleux composant la structure,
D'un œuf d'or ou d'argent présentent la figure,

Venez les admirer: ce ver dans sa prison

Ne commence qu'à peine à former sa cloison;
Celui-ci, que déjà cache un épais nuage,
Laisse encor de ses fils entrevoir l'assemblage:
D'autres se reufermant dans les mêmes réseaux
Unis pendant leur vie, unissent leurs tombeaux.
Mais dans ces jours, hélas ! si du bruit du tonnerre
Le ciel dans son courroux épouvante la terre,
Ils frissonnent d'horreur, tombent, et pour jamais
Laissent en expirant leurs tissus imparfails.

dactiques.

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L'agriculture, le plus ancien comme le Poëtes diplus nécessaire des arts, est celui qui a été chanté le premier. Il le fut par Hésiode, bien long-temps avant le siècle d'Alexandre, dans un poëme intitulé les Travaux et les Jours. Cet ouvrage semé d'un grand nombre de traits de morale, contient des préceptes d'agriculture, mais trop superficiels. Quoiqu'il y ait des peintures agréables, on y désireroit néanmoins encore plus d'agrément, plus d'art, plus d'épisodes, et surtout plus de poésie. Le marquis de Pompignan en a traduit, ou imité en vers le premier livre. Je ne croirai pas inutile d'en citer ici un morceau qui fera autant connoître le mérite du traducteur, que le caractère et les opinions morales du plus ancien poëte profane qui nous soit parvenu. Ce Persés, à qui il adresse ses leçons, étoit son frère.

Persés, veux-tu jouir d'un plus tranquille sort?
Sois tonjours le plus juste et non pas le plus fort.

La force est pour la brute, et la loi pour les hommes.
La loi fut accordée à tous tant que nous sommes.
C'est par ses noeuds sacrés que le ciel nous unit:
Le ciel nous récompense, et le ciel nous punit.
Quiconque en ses discours , par un public hom-

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Rend à la vérité le plus pur témoignage
Obtient de Jupiter d'éclatantes faveurs ;
Et ses derniers neveux partagent ses honneurs.
Un opprobre éternel suit tout mortel parjure?
Son nom pour ses enfans est une affreuse injure;
Leur unique héritage est le courroux des Dieux.
Trop aveugle Persés, ouvre tes foibles yeux :

A leurs regards troublés deux chemins se présentent.. L'un n'est par-tout rempli que d'objets qui nous tentent;

Il est large, facile, et parsemé de fleurs :
C'est celui des plaisirs, du vice, et des erreurs.
L'autre est pierreux, étroit, bordé de précipices;
Il mène à la vertu, mais non par les délices :
Les Dieux au-devant d'elle ont placé des travaux,
Des périls, des dégoûts, des peines et des maux.
Le mortel qui franchit cette rude barrière,
Trouve enfin le bonheur au bout de la carrière.

Ce poëme a été fort bien traduit en prose par l'abbé Bergier, ainsi que la théogonie ou génération des dieux du même poëte, le seul que la Grèce ait produit en ce genre.

Virgile dans ses Géorgiques est bien supé rieur à Hésiode. Il est aussi riche et aussi

inépuisable que la nature même. Ses préceptes sont presque toujours renfermés dans des descriptions, ses tableaux non moins variés que brillans, son style toujours noble, rapide et harmonieux, ses épisodes toujours agréables et bien amenés. Il déploie tous les trésors du langage poétique avec un art qui paroît inimitable. De toutes les traductions en prose qui en ont été faites, celle de l'abbé des Fontaines est la plus estimée. On ne lit plus la traduction en vers des Géorgiques et de l'Eneide par Ségrais. Celle des Géorgiques par l'abbé Delille n'égale point l'original. Mais elle en est bien digne par la richesse des expressions, la vivacité des peintures, la beauté de la poésie: c'est une très - belle copie d'un fort beau tableau. On ne peut refuser à la traduction en vers du même poëme par le marquis de Pompignan, l'élégance de la versification, l'énergie du coloris, et encoré moins le mérite de l'exactitude la plus scrupuleuse à rendre le sens de l'original.

Lucrèce né dans le même siècle que Virgile, embrassa une matière plus élevée, et prétendit dans un poëme qu'il intitula, de la Nature des Choses, établir le système et la doctrine absurde d'Epicure. On y reconnoît depuis long-temps une mauvaise physique Mais on y admirera toujours une poésie riche, brillante, forte et vraiment pittoresque. La meilleure traduction que nous en ayons, est celle de la Grange,

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Horace; contemporain de ces deux derniers poetes, entreprit de tracer les règles de la poésie. Mais son ouvrage n'est proprement qu'une épître, dans laquelle, dédaignant de s'asservir à aucune méthode, il se contente de donner à ses préceptes de la chaleur et de l'agrément. Il inspire par-tout le goût du simple, du bean et du naturel. Le P. Sanadon est celui qui l'a le mieux traduit.

Tels sont les vrais poëmes didactiques qui nous restent de l'antiquité. On peut y joindre les Fastes d'Ovide, quoiqu'ils ne soient autre chose que le calendrier des Ro mains. C'est un de ses meilleurs ouvrages. Le P. Kervillars, jésuite, l'a fort bien traduit. Voici les poëmes didactiques que nous ont donnés les modernes: ils sont en assez grandnombre..

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Vida, né en Italic, dans le seizième siècle, traita en vers latins le même sujet qu'Horace Son poëme est plein d'excellentes réflexions et un des plus beaux qui aient été faits en cette langue, depuis le siècle d'Auguste L'abbé Batteux l'a traduit en français.

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L'art poétique de Boileau efface ceux d'Horace et de Vida. Tous les objets renfermés dans un plan général, y sont divisés en quatre chants, dont chacunea un plane particulier. Le mérite de l'ordres est encore! relevé par la beauté des détails. Que del difficultés vaincues! quelle versification b Ces deux choses jointes à l'utilité de l'ou

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