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et de la méthode; 2°. que pour instruire en poëte, il fasse usage des ornemens que peut fournir le langage des Muses. Ainsi le poëme didactique est un tissu de préceptes, ou une suite de principes, revêtus de l'expression et de l'harmonie de la poésie. Les arts, les sciences, la morale, les dogmes mêmes de la religion peuvent lui servir de matière. Nous avons, soit des anciens, soit des modernes, des poëmes didactiques sur tous ces différens objets.

Le poëte didactique est un écrivain libre, L'ordre, qui a l'air de s'entretenir avec une personne, premiere règle du à laquelle il donne des leçons; ou un écrivain Poëme disupérieur, qui a invoqué quelque divinité, dactique. et qui est supposé en avoir été exaucé. Il lui est permis de se jeter dans des écarts, de s'abandonner à l'essor de son génie, de négliger l'ordre jusqu'à un certain point; mais co n'est que dans les détails, dans les petites parties de son poëme. Les grandes parties, les parties essentielles doivent sortir du même fond, se rapporter au même but, se tenir l'une à l'autre, et former un ensemble non moins utile qu'agréable pour le lecteur.

Il faut donc que le poëte dispose et conduise sa matière, de façon que les principaux objets qu'il traite soient exactement distingués entr'eux, et se trouvent chacun à sa place. Tous les ouvrages, et principalement ceux où l'on se propose d'instruire, tirent leur prix de la raison. Or, il n'est guères possible qu'il y ait de la raison, où

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il n'y a ni ordre ni méthode. Tout poëme didactique exige un ordre du moins général, une méthode qui, en offrant les différens préceptes enchaînés sans confusion, donné en même temps la facilité de les mieux saisir et de les mieux goûter. Cette première règle est d'une nécessité indispensable; et je ne saurois mieux la développer, qu'en faisant voir de quelle inanière les grands maîtres l'ont mise en pratique.

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Virgile se proposant de donner des préceptes sur tous les travaux de la campagne, commence son poëme par une exposition claire de son sujet, qu'il divise en quatre parties. Ce sont, 1. la culture des terres par rapport aux moissons; 2°. la culture des arbres et de la vigue; 3°. le soin des grands et des petits troupeanx; 4°. la manière d'élever les abeilles. Fidèle à cette division, le poëte latin ne confond jamais l'une de ces quatre parties avec une autre, et ne parle que des objets qui ont un rapport direct à la partie qu'il traite.

Dans la première, il fait voir les différentes manières en général dont on peut cultiver un champ, suivant la qualité de la terre ; trace l'origine de l'agriculture; décrit les différens instrumens du labourage, et marque les différentes saisons qui conviennent aux différens travaux de la campagne, et les pronostics du mauvais temps.

Dans la seconde, il distingue les différentes

manières dont les arbres sont produits; leurs différentes espèces, et comment on doit les cultiver ; le terroir qui convient à chacune : de ces espèces; la manière de connoître la nature d'un sol, el de cultiver la vigne et les oliviers.

Dans la troisième, il parle des animaux qui servent à l'agriculture, tels que les chevaux, les boeufs et les vaches; ensuite des troupeaux de chèvres et de moutons, et des chiens qui les gardent; enfin des maladies auxquelles ces animaux sont sujets.

Dans la quatrième, il traite du loge ment des abeilles ; de leur nourriture de leurs essaims, de leurs combats; des différentes abeilles et de leur espèce de police; des temps où elles font le miel; de leurs maladies, et de la manière de repeupler les ruches, lorsque les mouches ont péri.

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Le poëme didactique qui a pour objet la morale ou quelque science demande un ordre plus exact une méthode plus sensible, que celui où l'on traite des arts, soit libéraux, soit mécaniques; parce que dans le premier, le poëte doit raisonner, discuter et approfondir sa matière. Il faut que tout y tende à porter la plus vive lumière et la plus forte conviction dans les esprits. Les principes doivent y être exposés avec tant de netteté et de précision; les preuves si bien choisies et si bien arrangées;

les conséquences si directes et si bien déduites; enfin toutes les parties si bien rapprochées et si bien liées, que le lecteur entraîné par le poëte, ne puisse jamais perdre le fil de son raisonnement.

C'est ce qu'on admire dans le poëme de la Religion, par Racine le fils. Il conduit son plan, comme il le dit lui - même sur cette pensée de Pascal: A ceux qui ant de la répugnance pour la religion, il faut commencer par leur montrer qu'elle n'est pas contraire à la raison, ensuite qu'elle est vénérable; après, la rendre aimable, faire souhaiter qu'elle soit vraie, montrer qu'elle est vraie, et enfin qu'elle est aimable. Tous les chants répondent à ce dessein général, et sont amenés l'un par T'autre. Pour faire voir la marche que le poëte a suivie, je ne crois pouvoir mieux faire que d'emprunter les propres paroles de J. B. Rousseau, dans le jugement qu'il a porté sur cet admirable poëme.

On ne sauroit, dit-il, établir les preuves de la religion, qu'en commençant par établir celles de l'existence de Dieu. C'est ce que l'auteur a fait dans le premier chant, où tout ce que la physique peut fournir à la poésie, et la métaphysique à la raison, se trouve décrit et développé de la manière la plus noble et la plus distincte.

Ces preuves amènent naturellement la distinction des deux substances (c'est la matière du second chant), leur union

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pendant la vie, et leur séparation à la mort d'où s'ensuit la preuve de l'immortalité de l'âme. Les diverses opinions -et les contrariétés des philosophes sur ce sujet, conduisent à la nécessité d'une révélation.

Le troisième chant poursuit la proposition avancée à la fin du précédent, en faisant voir › par l'histoire du monde et des Juifs en particulier, que ce n'est que dans leurs livres que la révélation se trouve; d'où résulte par des conséquences indisputables l'authenticité et la vérité d'une religion annoncée par les prophètes, confirmée par les miracles, et avouée par Mahomet lui-même son plus grand ennemi.

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Le quatrième chant est parfaitement lié au troisième par l'exposition admirable de la naissance de la religion chrétienne, des miracles de son auteur, de l'accomplissement des prophéties, de la propagation si rapide de l'évangile, et de son établissement au milieu des persécutions et des supplices. On y voit les nations soumises, la raison humaine confondue, la folie de la croix triomphante de la sagesse du monde, et enfin Rome, le centre du paganisme, punie comme Jérusalem l'avoit été, mais relevée, pour devenir jusqu'à la fin des siècles le centre de la religion chrétienne. Après ces preuves tirées des faits, l'auteur rassure l'esprit et le cœur de l'homme; l'un

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