Images de page
PDF
ePub

par l'excellente et sublime morale dont il est rempli.

Pour ne point passer ici sous silence le Lutrin de Boileau, je répéterai ce que j'ai déjà dit; que ce poëme est parfait dans son genre.

La Henriade de Voltaire a éprouvé le même sort que ses tragédies: éloges d'une part, et critiques de l'antre, également outrés. Les uns n'ont pas craint de mettre cet ouvrage au-dessus de l'Iliade et de l'Enéide; les autres ont osé lui disputer la qualité de poëme épique. Des censeurs plus modérés et plus raisonnables ont trouvé qu'en général il y a plus d'esprit que de génie, plus de coloris que d'invention, plus d'histoire que de poésie; que les portraits quoique très-brillans, se ressemblent presque tous, l'auteur ayant puisé ses couleurs dans l'antithèse; que le sentiment y est étouffé par les des criptions; enfin que le plan est défectueux. Mais ils y ont admiré de très-beaux morceaux, dignes du pinceau d'un grand maître, tels que la mort de Coligny, la bataille de Coutras, le tableau de Rome, le départ de Jacques Clément, l'attaque des faubourgs de Paris, la bataille d'Ivri, l'esquisse du siècle de Louis XIV, et la plus grande partie de ce septième chant.

Le Vert Vert de Gresset est un badinage charmant qu'il seroit bien difficile d'imiter. On ne peut pas y desirer plus de richesse dans la fiction, plus d'agrément dans les détails, plus de fraîcheur dans le coloris,

plus de délicatesse et de légèreté dans le style.

Imbert occupe une place distinguée parmi les bons poëtes en ce dernier genre. Son Jugement de Paris la lui a méritée. C'est un poëme plein d'agrémens, malgré quelques longueurs et quelques incorrections.

Je dois observer ici que parmi tous les poëmes que je viens de confondre ensemble dans cette courte notice, parce que j'ai suivi à-peu-près l'ordre des temps où ils ont paru; les seuls vraiment épiques, d'après la définition même de cette espèce de poëme, sont l'Iliade, l'Odyssée, l'Enéide, l'Italie délivrée des Goths, la Lusiade, la Jérusalem délivrée, le Paradis perdu ( si l'on n'en juge pas par le fond même du sujet ), et la Henriade.

On a pu voir dans l'exposé que j'ai fait des règles des divers ouvrages en vers, qu'il n'est presqu'aucun genre de poésie, qui ne se propose pour but le plaisir et en même temps l'instruction du lecteur. Le poëte peut sans doute se borner au choix d'un sujet propre seulement à plaire. Mais celui qui veut enlever tous les suffrages, doit en choisir un où l'utile soit joint à l'agréable: c'estlà le plus noble et le plus digne usage qu'il puisse faire d'un art si brillant, si beau, si sublime et si pur. Malheur au poëte qui ne l'aime et ne le cultive, que pour s'avilir luimême jusqu'à d'injustes et basses personnalités, en vomissant le fiel de la haine ou de la vengeance, et bien souvent le poison de la

LETTRES. 373 calomnie! Malheur sur tout au poëte, qui, par l'abus le plus criminel, veut le dégrader et le corrompre, en s'efforçant d'élever des autels au libertinage ou à l'impiété ! Audacieux infracteur des plus sages institutions politiques, violateur sacrilége de toutes les loix religieuses, par conséquent ennemi téméraire de la tranquillité publique, ennemi perfide du bonheur de ses semblables, il s'expose à n'être frappé du glaive de la justice humaine, que pour tomber dans les mains redoutables de la justice divine. En vain se flatteroit-il, quoiqu'en proie aux remords dévorans de la conscience, de cette conscience dont la voix terrible se fait si souvent entendre au coeur du méchant; en vain se flatteroit-il d'acquérir quelque espèce de gloire. Jamais, non jamais, l'éclat le plus imposant du génie, toutes ses richesses, toute. son étendue, toute son élévation, sa supériorité, même la plus marquée, ne mériteront au poëte licencieux ou impie le titre de grand homme, et moins encore celui d'homme estimable. Que dis-je ! ce vil et abject versificateur ne peut qu'imprimer sur son nom une tache éternelle : en devenant l'opprobre de son siècle, il voue sa mémoire à l'exécration de tous les siècles à venir.

Je ne saurois mieux terminer ces courtes réflexions, qu'en mettant sous les yeux des jeunes gens ces derniers vers d'une épître de Desmahis, où ce poëte se peint lui-même avec une vérité que ses moeurs ni ses écrits

n'ont jamais démentie; vers qui devroient être gravés dans l'âme de tous les écrivains.

Nons naissons tous, sujets d'une double puissance.
Chaque peuple a son culte, et chaque état ses lois.
Malgré l'audace impie, et l'aveugle licence,
Respectons les autels, obéissons aux rois,
Toujours vertueux par systême,

Coupable trop souvent, mais par fragilité;
Du moins, lorsque 'd'Aaron (a) j'entends la voix
suprême,

Fidèle Israëlite, et m'oubliant moi-même,
De ma folle raison j'abaisse la fierté,
Et laisse captiver devant un diadême
Mon impuissante liberté.

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume,

Fin des Principes Généraux des BellesLettres.

[merged small][merged small][ocr errors]

'JE ne saurois trop m'empresser, mon cher ancien élève, de répondre à votre der mande si juste et si digne d'éloges. Les bornes d'une lettre ne me permettront pas de le faire dans toute l'étendue que vous pourriez desirer. Aussi ne vous apprendrai je point ici tout ce qu'il vous importe de savoir sur la morale. Mais du moins en dirai-je peut-être assez, pour vous faciliter les moyens de l'apprendre vous-même. C'est là l'objet que je vais tâcher de remplir.

La Morale en général est la science qui De la Motraite des mœurs, c'est-à-dire, des actions rale en gé de l'homme, considérées par rapport à leur fin. Ces actions sont bonnes lorsqu'elles sont conformes anx loix, soit naturelles, soit humaines, soit divines. Elles sont mauvaises, lorsqu'elles sont contraires à ces loix. L'objet de la morale est de nous engager à ne faire que des actions bonnes; par conséquent de nous apprendre à bien vivre, à vivre honnêtement, et à parvenir ainsi au vrai bonheur, après lequel tous les hommes soupirent. Est-il une science aussi noble aussi atile, aussi précieuse?

E

Pour nous instruire, avec une certaine

« PrécédentContinuer »