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de l'action seront bien liées, se presseront mutuellement, se succéderont avec rapidité, et qu'on observera ce précepte si sage qui veut

Que l'action marchant où la raison la guide,
Ne se perde jamais dans une scène vide (1).

ment, ou

catastro

Le dénouement est un événement par- Dénoucticulier qui met fin à l'action, et qui en est le complément. Il doit finir, autant phe. qu'il est possible, avec la dernière scène, et instruire le spectateur du sort de tous les personnages. Il faut qu'il soit préparé, mais qu'il ne puisse pas être prévu. Le dénouement sera préparé, si le poële dispose l'action, de manière que ce qui précède le dénouement, le produise naturellement et sans effort. Aristote dit qu'il y a une grande différence entre des incidens qui naissent les uns des autres, et des incidens qui viennent simplement les uns après les autres. (Nous voyons en effet dans la tragédie du Cid, que les Maures font une descente à Séville, après la mort du comte, mais non pas à cause de la mort du comte.) Ces paroles renferment tout l'art d'amener le dénouement. Ce n'est pas assez qu'il vienne après les incidens. Il faut qu'il naisse des incidens mêmes, et qu'il en résulte comme l'effet de sa cause.

Le dénouement ne doit pas être prévu par le spectateur, parce que l'intérêt

(1) Boileau, Art Poét., chap. III.

ne

se soutient qu'autant que l'âme est suspendue entre la crainte et l'espérance. Or, si le dénouement est prévu, il est clair qu'il n'y a plus de crainte ni d'espérance, et par conséquent plus d'intérêt. Le dénouement doit être le passage d'un état incertain à un état déterminé. Un vaisseau est battu par la tempête; voilà l'image du noend de l'action. Il périt, ou il arrive au port; voilà l'image du dé

nonement.

Mais, dira-t-on, le spectateur peut-il ne pas prévoir le dénouement dans un sujet connu ? Je conviens que cela est impossible. Mais il n'est pas moins vrai que le poëte peut et doit conduire son action de manière que le dénouement en soit caché; c'est-à-dire, que rien ne l'annonce ouvertement; que l'impression de ce que voit le spectateur, écarte le souvenir de ce qu'il sait, et ne lui permette pas d'y réfléchir. Telle est la force de l'illusion qui fait que nous voyons vingt fois avec le même plaisir une bonne pièce de théatre.

Pour que le dénouement ne soit pas prévu, il faut qu'il puisse arriver de plusieurs manières, et que toutes ces manières soient dans la vraisemblance. Auguste peut pardonner aux conjurés, ou ne pas leur pardonner: Joas peut monter sur le trône, ou devenir la victime des fureurs d'Athalie. L'un et l'autre événement sont possibles, et scroient vraisemblables: voilà ce qui soutient l'in

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certitude du spectateur : voilà ce qui soutient l'intérêt. Si au contraire le dénouement étoit nécessité, c'est à dire, que dès le commencement, ou vers le milieu de l'action, il y eût des incidens qui annonçassent que ce dénouement ne peut arriver autrement qu'il n'arrivera, il est évident que le spectateur ne pourroit prévoir que celui-là: il verroit dèslors le terme de l'action; son incertitude cesseroit, et l'intérêt seroit anéanti. Il s'ensuit donc que les incidens doivent être, non la cause nécessaire, mais seulement la cause vraisemblable du dénouement. Il n'y a que le dernier, celui qui l'amène immédiatement, il n'y a que celui-là qui puisse le produire nécessai

rement.

Ces différentes manières, mais toutes' vraisemblables dont le dénouement, peut arriver, en font la plus grande beauté. Voyez celui de la tragédie de Rodogune. Antiochus est prêt à boire la coupe cmpoisonnée. Il est vraisemblable qu'il va périr. Mais tandis que le spectateur frémit, il se fait une prompte révolution qui naît du fond de l'action même; et Cléopâtre avale le roison qu'elle avoit préparé pour son fils. Cet empoisonnement de Cléopâtre est aussi vraisemblable que l'auroit été celui d'Antiochus; et voilà ce qui fait admirer ce dénouement auquel on ne trouve rien de comparable, soit dans les tragiques anciens, soit dans les modernes. Le dénouement Tome III.

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au contraire de Britannicus a nui au succès de cette belle tragédie. On prévoit le crime de Néron, et l'on n'y voit aucun obstacle on prévoit le malheur de Britannicus, et l'on n'y voit aucune res

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Le dénouement se fait de deux manières, par reconnoissance, ou par péripétie, mot qui signifie révolution ou changement. Lorsque le noend venant de l'ignorance de celui qui agit, se résout par la connoissance de ce qui étoit inconnu, le dénouement se fait par reconnoissance. C'est Iphigénie qui reconnoît son frère Oreste, et qui le sauve. Lorsque le nœud venant de la foiblesse de celui qui agit, se résout en détruisant la force contraire, le dénouement se fait par péripétie ou révolution. C'est le grandprêtre Joad qui, avec ses lévites, trouve le moyen de faire périr Athalie, et de placer Joas sur le trône d'Israël. Il y a toujours révolution, soit que le personnage qui fait l'entreprise réussisse soit qu'il échoue, parce qu'il éprouve dans son état un changement heureux ou malheureux heureux, tel que celui d'Andromaque qui sauve son fils; malheureux, tel que celui d'Hippolyte qui meurt victime de la calomnie. La révolution est double lorsqu'un personnage succombe et qu'un autre triomphe, comme dans Athalie et dans Héraclius. Dans la première, Athalie; et dans la seconde Phocas périssent dans la première, Joas; et

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dans la seconde, Héraclius montent sur le trônc.

sement des trois der

Je crois en avoir dit assez pour ne laisser Eclaircisrien ignorer de ce qu'il est important de savoir sur la préparation de l'action, l'ex- niers position du sujet, le noeud et le dénouement. des exemIl ne me reste plus qu'à l'éclaircir et à l'appuyer par des exemples.

Dans la tragédie de Phèdre par Racine, la première scène contient des discours relatifs au sujet. Hippolyte, fils de Thésée roi d'Athènes, y laisse entrevoir son amour pour Aricie, princesse du sang royal d'Athènes; et Théramène y annonce Phèdre, épouse de Thésée, comme atteinte d'un mol qu'elle s'obstine à taire. Voilà l'action préparée. Phèdre elle-même découvre à sa confidente Ta passion qu'elle a pour Hippolyte. Voilà le sujet exposé.

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Il se répand, un bruit que Thésée, depuis long-temps absent, est mort. Enone, confidente de Phèdre, persuade alors à cette princesse que ses sentimens pour Hyppolyte n'ont plus rien de criminel, et lui insinue qu'elle peut les lui déclarer sans se rendre coupable. Voilà le noeud commencé. Il s'agit de savoir quelles suites aura la passion de Phèdre pour Hippolyte.

Celui-ci croyant son père mort, rend à Aricie le sceptre d'Athènes auquel elle a des droits légitimes; et les réponses de cette jeune princesse l'engagent insensiblement à lui faire l'aveu de ses sentimens pour elle.

points, par

ples pris

de Racine et de Cor

neille.

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