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une conscience même, s'il faut parler clair, de contredire trop fortement, même de la manière permise, la volonté d'un souverain. Après qu'on leur a dit la vérité, comme on le doit, il ne faut plus que les laisser faire et les aider.

Nous comparons tous les jours un prince à un particulier quel sophisme! il y a des inconvénients qui tiennent à la position des souverains, et qui par conséquent doivent être tenus pour nuls. Il faut donc comparer une famille régnante à une famille particulière qui régnerait et qui serait en conséquence soumise aux mêmes inconvénients. Or, dans cette supposition, il n'y a pas le moindre doute sur la supériorité de la première, ou pour mieux dire, sur l'incapacité de la seconde; car la famille non royale ne régnera jamais (1).

XVI

La souveraineté légitime peut être imitée pendant quelque temps elle est susceptible aussi de plus ou de moins et ceux qui ont beaucoup réfléchi sur ce grand sujet ne seront point embarrassés de reconnaître dans ce genre les caractères du plus ou du moins ou du néant. Si l'on ne sait rien de l'origine d'une souveraineté; si elle a commencé, pour ainsi dire, d'ellemême, sans violence d'un côté, comme sans acceptation ni délibération de l'autre; si, de plus, le roi est européen et catholique, il est, comme dit Homère, trèsroi (Baciλeútatos). Plus il s'éloigne de ce modèle, et

(1) Du Pape, col. 442 et 443.

moins il est roi. Il faut particulièrement très-peu coinpter sur les races produites au milieu des tempêtes, élevées par la force ou par la politique, et qui se montrent surtout environnées, flanquées, défendues, consacrées par de belles lois fondamentales, écrites sur de beau papier vélin, et qui ont prévu tous les cas. - Ces races ne peuvent durer. Il y aurait bien d'autres choses à dire, si l'on voulait ou si l'on pouvait tout dire (1).

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XVII

Le gouvernement du Pape est le seul dans l'univers qui n'ait jamais eu de modèle, comme il ne doit jamais avoir d'imitation. C'est une monarchie élective dont le titulaire, toujours vieux et toujours célibataire, est élu par un petit nombre d'électeurs élus par ses prédécesseurs, tous célibataires comme lui, et choisis sans aucun égard nécessaire à la naissance, aux richesses, ni même à la patrie.

Si l'on examine attentivement cette forme de gouvernement, on trouvera qu'elle exclut les inconvénients de la monarchie élective, sans perdre les avantages de la monarchie héréditaire (2).

XVIII

Quoique dans la révolution française la secte janséniste semble n'avoir servi qu'en second, comme le valet de l'exécuteur, elle est peut-être, dans le principe, plus cou

(1) Du Pape, col. 443, note 1.

(2) Ibid., col. 453, note 1.

pable que les ignobles ouvriers qui achevèrent l'œuvre; car ce fut le jansénisme qui porta les premiers coups à la pierre angulaire de l'édifice, par ses criminelles innovations (1). Et dans ces sortes de cas où l'erreur doit avoir de si fatales conséquences, celui qui argumente est plus coupable que celui qui assassine.

Qu'on relise les discours prononcés dans la séance de la Convention nationale, où l'on discuta la question de savoir si le roi pouvait être jugé, séance qui fut, pour le royal martyr, l'escalier de l'échafaud; on y verra de quelle manière le jansénisme opina.

Rien ne peut attendrir ni convertir cette secte (2).

(1) Voir la note M du chapitre I de l'Esprit de M. de Maistre sur les caractères du jansénisme, tel que l'ont jugé MM. Louis Blanc, Cousin et Lavallée.

C'est un idéologue, un constituant, un JANSENISTE. Cette dernière épithète est le maximum des injures. (M. de Pradt, Histoire de l'ambassade de Varsovie. Paris, 1815, in-8, p. 4.) Ces trois injures sont très-remarquables dans la bouche de Napoléon ler.

«< Qui ne sait que cette constitution civile du clergé qui, en jetant parmi nous un brandon de discorde, prépara votre destruction totale (celle du clergé), fut l'ouvrage du jansénisme? » (Lettre de Thomas de Soer, éditeur des OEuvres complètes de Voltaire, à MM. les vicaires généraux du chapitre métropolitain de Paris; in-8, 1817, p. 9.) · Acceptons cet aveu, quoique nullement nécessaire. Le chef-d'œuvre « du délire et de l'indécence peut, comme on voit, être utile à quelque «< chose.» (Note de M. de Maistre.)

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(2) De l'Église gallicane, édit. Migne, col. 544 et 545. - M. Martial Marcet de la Roche-Arnaud, parlant de la pétition qu'il adressa en 1828 à la Chambre des députés contre les Jésuites, et dont le comte de Sade fit le rapport, dit, dans son Mémoire à consulter sur le rétablissement des jésuites en France, page 39: « J'allai prier M. Benjamin Constant de monter à la tribune pour soutenir cette pétition. « Mon cher ami, me dit ce député célèbre, j'en suis bien fâché; mais « il ne m'appartient point, dans cette circonstance, de le faire : je suis « protestant. Mais adressez-vous au député que les Jésuites ont si bien

« accueilli à Saint-Acheul (M. Dupin aîné), quand il est allé les y « voir : c'est un janséniste, et ces gens-là sont sans cœur. » « En effet, ajoute M. de La Roche-Arnaud, ce janséniste fit lui seul à la tribune contre les Jésuites plus que n'aurait pu faire une chambre remplie de protestants.

NOTES

DU CHAPITRE II.

Note A, page 217.

Il est curieux de rapprocher de l'opinion de M. de Maistre, sur la guerre, celle de Labruyère relative au même sujet c'est un intéressant parallèle, remarquable par la dissemblance du point de vue de ces deux esprits si éminents. C'est le pour et le contre sur un des plus grands problèmes philosophiques qu'il soit possible d'agiter.

Voici ce que dit Labruyère :

« La guerre a pour elle l'antiquité; elle a été dans tous les siècles: on l'a toujours vue remplir le monde de veuves et d'orphelins, épuiser les familles d'héritiers, et faire périr les frères à une même bataille..... De tout temps les hommes, pour quelque morceau de terre de plus ou de moins, sont convenus entre eux de se dépouiller, se brûler, se tuer, s'égorger les uns les autres; et, pour le faire plus ingénieusement et avec plus de sûreté, ils ont inventé de belles règles qu'on appelle l'art militaire : ils ont attaché à la pratique de ces règles la gloire, ou la plus solide réputation; et ils ont depuis enchéri de siècle en siècle sur la manière de se détruire réciproquement. De l'injustice des premiers hommes, comme de son unique source, est venue la guerre, ainsi que la nécessité où ils se sont

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