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pereur Louis avoit hérité de la Provence. Pour ces acceffions des Domaines, Louis Roi de Germanie & Charles le Chauve Roi de France l'exclurent de ce partage, auquel il paroiffoit avoir des juftes prétentions. Tout étant difpofé, les deux Rois fe rendirent au lieu des conférences l'an 870. C'étoit une langue de terre qui s'avançoit dans la Meufe entre Herstal & Merfen, un peu au deffous de Liége. Ce qui reftoit à partager du Royaume de Lorraine, étoit borné d'un côté par le Rhin, le mont Jura & le Rhône : d'autre part, les limites étoient la Saone, la Meufe jufqu'à Maizières ; enfuite l'Efcaut, depuis fa fource jufqu'à fa fortie dans l'Océan. On coupa ce Royaume du nord au midi avec le plus d'égalité qu'on pût. La longueur de la Meufe depuis fon embouchure jufqu'à Liége commençoit ce partage: à Liége on prit l'Ourte jufqu'à fa fource dans les Ardennes: delà on traça une ligne qui paffoit entre Arlon & Epternach jufqu'à Mets. On fe fervit en cet endroit de la Mofelle jufqu'à Toul, & depuis Toul on coupa le pays de l'Ornois en deux, jufqu'à la naiffance de la Saone dans les montagues des Vofges. De là on continua cette divifion par le mont Jura & par le milieu des terres, où eft aujourdhui la Franche-Comté, jusqu'à Lyon. On donna à Louis Roi de Germanie tout ce qui étoit à l'orient de ces riviéres & de ces lignes, & à Charles le Chauve tout ce qui étoit à l'occident. Comme ce Traité eft une pièce importante à la Géographie du moyen-âge, je la mettrai à la fin de cet ouvrage.

fût

La tranquillité que ce partage rendit à la Belgique ne pas de longue durée. Charles le Chauve, après la mort de fon frere Louis Roi de Germanie, voulut avoir la partie du Royaume de Lorraine, qui avoit été cédée à ce Prince. Il leva une armée, & fe rendit près de Cologne. (d) Louis Roi de Germanie, du même

[d] Annal. Met. Ad Ann. 876.

nom que fon pere auqeul il fuccédoit, paffa le Rhin & vint camper à Megen proche d'Andernach. La bataille y fût fanglante; en peu de temps toute l'armée françoife fût en déroute, & Charles obligé à prendre la fuite. Cette victoire conferva au Roi de Germanie la partie du Royaume de Lorraine que les François vouloient lui enlever. Les chofes demeurerent fur le même pied après la mort de Charles le Chauve arrivée en 877. Louis le Begue fon fils & fucceffeur & Louis Roi de Germanie eurent l'année fuivante une entrevue à Foron, maison Royale entre Maeftricht & Aix-laChapelle, où ils conclurent un traité, dont le principal article étoit, que le partage fait en 870. fubfifteroit en fon entier, que Louis le Begue auroit la partie du Royaume de Lorraine qui avoit été cédée à Charles fon pere, & que l'autre demeureroit à Louis Roi de Germanie. [e] ficut inter patrem meum Karolum & patrem veftrum Hludouvicum, regnum Hlotharii divifum fuit, volumus ut ita confiftat. Les deux Rois fe promirent de plus mutuellement, que l'un d'eux venant à mourir, celui qui furvivroit, prendroit fous fat protection les enfans de l'autre, & feroit garant de leurs Etats. Louis le Begue mourut l'année fuivante. Ses deux fils Louis & Carloman encore jeunes lui fuccéderent. Ce n'étoit que troubles & confufion dans le Royaume. Le Roi de Germanie devoit protéger les deux Princes: mais, une faction l'ayant invité à s'emparer du thrône de France, il fe trouva fur les frontières avec une puiffante armée. Les deux Rois françois allerent à fa rencontre: on n'en vint pas aux mains. Les Seigneurs françois fidèles à leurs Rois, propoferent une conférence, dont le résultat fût que le Roi de Germanie fe contenteroit de la portion de

(e) Baluz. Cap. Reg. Fran. Tom. 2. Pag. 277.

la Lorraine, dont Charles le Chauve & Louis le Begue avoient joui.

EN vertu de cette ceffion, les Rois de Germanie fûrent maîtres de la Lorraine entière. Charles le Gros fils de Louis de Germanie, Arnou fon neveu, Zuentibolde & Louis, deux fils d'Arnou, en furent Rois fucceffivement. On faifoit néanmoins en France de tems en tems des démarches inutiles & de foibles efforts pour reprendre la partie de la Lorraine, qu'on avoit cédée par la néceffité des tems. l'Empereur Louis IV. mourut en 912. fans laiffer d'enfans: c'eft le dernier Prince de la race de Charlemagne, qui ait regné en Germanie. Les Seigneurs du Royaume de Lorraine, affectionnés au fang de cet Empereur, fe donnerent à Charles le Simple fils pofthume de Louis le Begue, & le reconnurent pour Roi de Lorraine. Cette acceffion de domaine ne le rendit pas plus puiffant. Les gouvernemens étant devenu héréditaires, les Gouverneurs s'emparoient des revenus du Prince, & caufoient fouvent des révolutions. Charles avoit de grandes obligations à un Seigneur nommé Rainier puiffant dans la Hasbanie, le Hainau & d'autres contrées de la Belgique. Pour reconnoître fes services, il lui donna le gouvernement de la Lorraine. Ce Seigneur, le premier dans la lifte des Ducs bénéficiaires de cet Etat, mourut peu de tems après. Charles le Simple donna ce gouvernement à Giselbert fils de Rainier : il fuivoit la coûtume, & vouloit récompenfer dans le fils les bons fervices du pere. Ce Gifelbert, fût un ingrat & un brouillon, qui follicita Henri l'Oifeleur Roi de Germanie à reprendre la Lorraine : [f] mais fes follicitations n'eurent point d'effet. Nous avons un accord paffé entre Charles le Simple & l'Empereur

(f) Conrad. Urflp.

Henri I. on l'appelle le pacte de Bonn. [g] Les deux Princes fe rendirent en 921. dans un bateau qu'on avoit placé au millieu du Rhin, & fe jurerent une amitié éternelle. Charles y prend le titre de Roi de la France occidentale & Henri celui de Roi de la France :orientale. Le traité ne fait aucune mention du Royaume de Lorraine. Cependant les Chroniques de Saxe, d'Alberic & d'Iperius difent unanimement que Charles remit à Henri le Royaume de Lorraine. (h) Selon des écrivains modernes, ce ne fût que fous Raoul, que les Lorrains furent foumis à Henri Roi de Germanie & à fon fucceffeur Othon I. Quoiqu'il en foit, nous voyons que les Rois de France ne cefferent de faire valoir par les armes leurs prétentions fur la Lorraine. C'est pour ce fujet, que Louis d'Outre-mer y entra l'an 959. mais le parti, qu'il y avoit, fût battu par Othon, & lui forcé à fe retirer. Othon donna le gouvernement général de la Lorraine à Brunon fon frere Archevêque de Cologne, qui en prit le titre d'Archidue. (b)

COMME Ce Royaume étoit vafte, Brunon, du confentement de l'Empereur, le partagea en deux Pro vinces l'une qui eft au midi, fut appellée la hauteLorraine; on l'appelloit auffi le Duché de Mofellane, parce que la Mofelle paffe au milieu. Ce gouvernement, qui renfermoit l'Alface & la Lorraine moderne, fût donné à Fréderic I. Comte de Bar beau-frere de Hugues Capet: c'eft la tige des Comtes & Ducs de Bar. L'autre partie, dite la baffe-Lorraine, comprenoit l'Archevêché de Cologne, les Evêchés de Liége & de Cambrai, les Duchés de Brabant, Limbourg. Juliers, Gueldre & Luxembourg; de plus les Comtés

[g] Mir. Dipl. T. 1. P. 37. [h] Hift. Fr. T. 9. [b]Sigebert anno 959.

de

de Namur, Hainau & généralement tous les pays renfermés entre le Rhin, l'Efcaut & la Meufe vers leur embouchure.

BRUNON fe réferva ce gouvernement: il travailla à y rétablir l'ordre & la fubordination. On lui attribue la fécularisation de quantité de monaftères, tant d'hommes que de filles, ruinés par les Normans. Les Evêchés & les villes de Trèves, Mets, Toul & Verdun furent comme féparées de la Lorraine & données aux Evêques de ces Villes, mais fous la dépendance immédiate de l'Empire. Cette divifion fût faite, dit-on, pour empêcher que déformais les Rois de France ne repriffent la Lorraine. Le Roi Lothaire cependant fit paroître quelques deffeins de la réunir à fa Couronne. L'Empereur Othon Il. en fût allarmé: il avoit de mauvaifes affaires en Italie. Pour fe délivrer de celles-. ci, il fit offrir à Charles de France frere du Roi Lothaire, le Duché de la baffe-Lorraine, à condition de lui en faire hommage. Charles, qui fe voyoit fans Etats, accepta cet offre mais en l'acceptant, il fe brouilla avec le Roi fon frere, & fe rendit odieux à toute la France, qui pour ce fujet l'exclut dans la fuite du thrône, où fa naiffance l'appelloit après la mort de fon frere Lothaire. Suivant fon premier deffein, le Roi de France entra brufquement en Lorraine, & fit fuir Othon: mais celui-ci l'année fuivante s'avança en France, & fit le dégat jufqu'aux portes de Paris. Cette guerre ne dura pas les deux Rois s'aboucherent à Reims l'an 980. & convinrent par un traité, que la Lorraine demeureroit à l'Empereur; mais à condition, dit Nangis, qu'il ne ia pofféderoit qu'en bénéfice de la Couronne de France. Deditque Othoni in beneficium Lotharingiæ ducatum. [1] Sigebert de Gembloux dit

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