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Le Passant et la Tourterelle.

LE PASSANT.

Que fais-tu dans ce bois, plaintive tourterelle ?

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Et l'homme, dont l'étude eut d'abord les amours,
De son premier penchant se ressouvient toujours.
Soyez bénis cent fois, lieux où notre jeune âge,
Tendre et docile encore, en fit l'apprentissage ;
Où, dans un calme heureux, d'aimables compagnons,
L'un par l'autre excités en donnent des leçons;
Où l'âme en sa fraîcheur en sent partout l'empire,
Où c'est l'étude enfin qu'avec l'air on respire!
Je me rappelle encor, non sans ravissement,
La classe, son travail, son silence charmant ;
Je tressaille, en songeant aux paisibles soirées
Sous les regards du maître au devoir consacrées,
Quand, devant le pupître en silence inclinés,
Nous n'entendions parfois, de nous-mêmes étonnés,
Que, d'instant en instant, quelques pages froissées,
Ou l'insensible bruit des plumes empressées,
Qui, toutes à l'envi courant sur le papier,
De leur léger murmure enchantaient l'écolier.

O jeunesse! plaisirs! jours passés comme un songe!

Du moins, ces temps heureux, l'étude les prolonge.
Elle laisse à nos cœurs cette première paix,
Que les autres plaisirs ne prolongent jamais.
Celui qui dans l'étude a mis sa jouissance,
Garde sa pureté, ses mœurs, son innocence;

Le miroir de sa vie est riant à ses yeux;
Les jours ne sont pour lui que des momens heureux,
Sans ennui, sans langueur, sans tristesse importune.
Il n'adressera point ses vœux à la fortune;
Hélas! que pourrait-il lui demander encor?
Il porte dans son cœur sa gloire et son trésor.
Pauvre, libre, content, sans soins et sans envie,
Dans un lieu de son choix il jouit de sa vie ;
Et quand le terme vient, il passe sans effort
Du calme de l'étude au calme de la mort.

P. LE BRUN.

Le dernier Jour de l'Année.

Déjà la rapide journée

Fait place aux heures du sommeil,
Et du dernier fils de l'année

S'est enfui le dernier soleil.

Près du foyer, seule, inactive,
Livrée aux souvenirs puissans,
Ma pensée erre, fugitive,

Des jours passés aux jours présens.
Un pas encore, encore une heure,
Et l'année aura sans retour
Atteint sa dernière demeure;
L'aiguille aura fini son tour.
Pourquoi, de mon regard avide,
La poursuivre ainsi tristement,
Quand je ne puis d'un seul moment
Retarder sa marche rapide?
Du temps qui vient de s'écouler,
Si quelques jours pouvaient renaître,
Il n'en est pas un seul, peut-être,
Que ma voix daignât rappeler;
Mais des ans la fuite m'étonne;
Leurs adieux oppressent mon cœur ;
Je dis; C'est encore une fleur
Que l'âge enlève à ma couronne,
Et livre au torrent destructeur;
C'est une ombre ajoutée à l'ombre
Qui déjà s'étend sur mes jours;
Un printemps retranché du nombre
De ceux dont je verrai le cours !

Ecoutons!... Le timbre sonore
Lentement frémit douze fois ;
Il se tait... Je l'écoute encore,
Et l'année expire à sa voix.
C'en est fait; en vain je l'appelle,
Adieu!... Salut, sa sœur nouvelle,
Salut! quels dons chargent ta main?
Quel bien nous apporte ton aile ?

Quels beaux jours dorment dans ton sein?
Que dis-je! à mon âme tremblante
Ne révèle point tes secrets:
D'espoir, de jeunesse, d'attraits
Aujourd'hui tu parais brillante;
Et ta course insensible et lente
Peut-être amène les regrets!
Ainsi chaque soleil se lève
Témoin de nos vœux insensés;
Ainsi toujours son cours s'achève
En entraînant comme un vain rêve,
Nos vœux déçus et dispersés.
Mais l'espérance fantastique,
Répandant sa clarté magique
Dans la nuit du sombre avenir,
Nous guide d'année, en année,
Jusqu'à l'aurore fortunée

Du jour qui ne doit pas finir.

MADAME TASTU.

Elégie sur la Mort de ma Fille.

Hélas! il est donc vrai, je suis seule ici-bas!
Dans tout ce que j'aimais j'ai subi le trépas;
Amie, épouse, fille et mère infortunée,
Par tous les sentimens à souffrir condamnée!
A peine je quittais les lieux de mon berceau,
Que déjà de mes pleurs j'arrosais un tombeau.
Ma faible adolescence à l'abandon livrée,
Redemandait au ciel une mère adorée :

Je lui devais un cœur qu'elle aimait à former,
Tous mes vœux, mes plaisirs, le bonheur de l'aimer.
Sa raison toujours pure, et surtout sa tendresse,
Jusqu'au sein de la mort éclairaient ma jeunesse :

Ses trop longues douleurs m'ont appris à souffrir,
Et ses derniers momens m'ont appris à mourir.
Ah! malgré tous ces maux, du moins ma tendre mère
N'a perdu ses enfans qu'en perdant la lumière;
J'étais entre ses bras, elle a vu ma douleur,
Et son dernier soupir est encor dans mon cœur.
Je n'ai, depuis ce jour, rencontré dans la vie
Que la douleur, toujours de la douleur suivie!
Ah! qu'il fut vain pour moi le rêve du bonheur !
Que le réveil fut prompt! Dans l'ennui, la langueur
Lasse de déplorer une longue misère,

J'aurais trouvé la mort; mais, hélas ! j'étais mère !
Par le courroux du sort quand j'avais tout perdu,
En me donnant ma fille, il m'avait tout rendu.
Je crus, dans les transports d'une si douce ivresse,
Pour la première fois connaître la tendresse ;
Et l'amour maternel s'enrichit dans mon cœur
D'un amour malheureux éteint par la douleur.
La vie à chaque instant me devenait plus chère,
En songeant qu'à ma fille elle était nécessaire...
Et ce dernier objet de mes plus tendres vœux,
La mort vient le frapper sur mon sein malheureux.
Dans mes bras, sans pitié, saisissant sa victime,
L'inhumaine me laisse et referme l'abîme...
Je n'aperçois plus rien, rien qu'un désert affreux!
Il n'est plus pour mon cœur, il n'est plus pour mes yeux
D'aurore, de printemps, de fleurs, ni de verdure;
Je ne vois qu'un tombeau dans toute la nature.
Avec ma fille, hélas ! tendresse, espoir, bonheur,
Tout a fini pour moi, tout est mort pour mon cœur!
MADAME DE BABOIS.

La Feuille.

De ta tige détachée,

Pauvre feuille desséchée,

Où vas-tu ?-Je n'en sais rien:

L'orage a brisé le chêne

Qui seul était mon soutien.
De son inconstante haleine,
Le zéphyr ou l'aquilon
Depuis ce jour me promène

De la forêt à la plaine,
De la montagne au vallon.
Je vais où le vent me mène,
Sans me plaindre ou m'effrayer;
Je vais où va toute chose,
Où va la feuille de rose

Et la feuille de laurier.

ARNAULT.

Bonaparte.

Sur un écueil battu par la vague plaintive,
Le nautonnier de loin voit blanchir sur la rive
Un tombeau près du bord par les flots déposé.
Le temps n'a pas encor bruni l'étroite pierre,
Et sous le vert tissu de la ronce et du lierre
On distingue...un sceptre brisé !

Ici gît...point de nom!...demandez à la terre
Ce nom? il est inscrit en sanglant caractère,
Des bords du Tanaïs au sommet du Cédar;
Sur le bronze et le marbre, et sur le sein des braves,
Et jusque dans le cœur de ces troupeaux d'esclaves
Qu'il foulait tremblants sous son char.

Il est là!...sous trois pas un enfant le mesure!
Son ombre ne rend pas même un léger murmure.
Le pied d'un ennemi foule en paix son cercueil.
Sur ce front foudroyant le moucheron bourdonne,
Et son ombre n'entend que le bruit monotone
D'une vague contre un écueil.

Ne crains pas cependant, ombre encore inquiète,
Que je vienne outrager ta majesté muette.
Non. La lyre aux tombeaux n'a jamais insulté.
La mort fut de tout temps l'asile de la gloire.
Rien ne doit jusqu'ici poursuivre une mémoire:
Rien...excepté la vérité !

Ta tombe et ton berceau sont couverts d'un nuage;
Mais, pareil à l'éclair, tu sortis d'un orage:
Tu foudroyas le monde avant d'avoir un nom :
Tel ce Nil dont Memphis boit les vagues fécondes
Avant d'être nommé fait bouillonner ses ondes
Aux solitudes de Memnon.

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