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part Fénelon, il faut être né grand ou le devenir.»> C'est ce qui explique pourquoi tant de gens qui connaissent cependant le christianisme, ne sont pas chrétiens. Eh bien! pour comprendre aussi la politique chrétienne, et surtout pour la pratiquer, il faut être né grand ou le devenir.

Aussi, je n'ai pas à demander grâce pour cette politique, elle n'en a pas besoin ; ce n'est pas elle, en effet, qui a son chemin à faire dans ce monde, ce sont les hommes, et ils ne peuvent le faire que par elle. Comme le dit saint Bernard: « Sans vérité on ne peut connaître, sans vie on ne peut vivre, sans voie on ne peut marcher. » Sine veritate non cognoscitur, sine vitâ non vivitur, sine via non itur. » Or, cette politique est à la fois la voie, la vérité et la vie. « Et vous aussi, voulez-vous me quitter, disait un jour JésusChrist à ses apôtres qu'il voyait chancelants. « Et à qui irions-nous? répondit saint Pierre au nom de tous, c'est vous qui avez les paroles de la vie éternelle. » Ces paroles, la politique chrétienne les possède aussi, car cette politique, c'est Jésus-Christ gouvernant tout dans le monde, les âmes, les familles, les peuples, et les conduisant tous à leur bonheur éternel, et c'est pour cela qu'elle est chrétienne.

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Seule donc, entre toutes les politiques, la politique chrétienne a les paroles de la vie éternelle, et c'est à elle que tous les hommes doivent les demander; c'est aussi ce qu'ont fait tous les justes depuis le commencement du monde, et ce qu'ils feront jusqu'à la fin. L'isolement n'est donc pas à craindre pour celui qui viendra après eux, car outre, les deux cents millions de catholiques contemporains qui, comme chrétiens, professent nécessairement la politique chrétienne, il sera avec les patriarches qui les premiers l'ont connue et pratiquée sur la terre, avec les prophètes qui l'ont maintenue malgré la corruption générale et les

ténèbres de l'idolâtrie, avec les apôtres qui l'ont prêchée à tout l'univers, avec l'Église qui la prêche encore après eux, et qui la prêchera jusqu'à la fin du monde; il sera avec les saints dont cette politique fait le bonheur dans le ciel, avec les anges qui, comme les aînés de la création, l'ont inaugurée dans le monde, l'ont défendue contre les anges rebelles et révolutionnaires, avec le Christ qui l'a apportée du ciel et qui lui a donné son nom, avec Dieu enfin qui en est la source première et la récompense éternelle.

D'UNE

POLITIQUE CHRÉTIENNE

LIVRE I

DE LA SOCIÉTÉ

CHAPITRE I

Idée générale de la Société

«Il serait honteux, je ne dis pas à un prince, mais en général à tout honnête homme d'ignorer le genre humain et les changements mémorables que le temps a faits dans le monde. » (Discours sur l'Histoire universelle).

Ces

graves paroles que Bossuet adressait à son royal élève, le Dauphin, atteignent, sans exception, tout le monde; « il serait honteux à tout honnête homme d'ignorer le genre humain et l'histoire de ses changements. » Mais serait-il moins bonteux d'ignorer la société et la politique qui

est la science de cette société? car qu'est-ce que la société, sinon encore le genre humain, mais le genre humain rangé avec ordre, organisé, distribué par familles, par tribus, par nations, par églises, gouverné par les pères, les rois, les pontifes, réglé, civilisé par les lois et dirigé vers sa fin, bien suprême du genre humain. Connaître la société, c'est donc connaître aussi le genre humain. Cette connaissance si nécessaire, Bossuet l'a cherchée par l'histoire dans son admirable Discours sur l'histoire universelle; ici je la cherche par la politique. Le sujet est donc le même, et la fin également. Après tout si l'histoire est le tableau de la société et des changements mémorables que le temps y a introduits, la politique est la science de cette même société. Seulement la connaissance que donne la politique. est bien plus directe et bien plus profonde, car l'histoire nous montre surtout dans la société ce qui change, la politique nous montre au contraire ce qui reste la première raconte des faits, la seconde expose des doctrines. L'avantage de celle-ci est donc manifeste, non sans doute au point de vue de l'intérêt qui sera toujours plus grand dans les récits, dans les histoires, mais au point de vue de l'instruction qui ne peut exister sans idées, sans principes, en un mot sans un ensemble suivi de connais

sinces.

Un principe, en effet, une idée en apprennent bien plus que mille faits. Car outre que ceux-ci sont nécessairement mêlés, c'est-à-dire qu'il y en a de bons et de mauvais, de conformes à la raison et au devoir, et de contraires à cette raison et à ce devoir, ils sont de plus le résultat des idées et des opinions. Les faits ont été des pensées avant de devenir des faits et des événements. « L'homme pense sa parole, »

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