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sans philosophie! O politiques sans politique! O législateurs sans principes! Enfin, ce qui est plus triste encore, ô nations chrétiennes sans christianisme! Peu d'années après avoir envoyé sa constitution, le législateur finissait par le suicide, et la nation dans l'anarchie.

L'homme a été créé à l'image de Dieu, mais cette image n'est pas fixe, si je puis parler ainsi, elle n'est pas immuable; par le jeu de notre libre arbitre, elle est essentiellement changeante et mobile. Chacune de nos actions, chacune de nos pensées même, l'accroît ou la diminue, l'embellit ou la dégrade. C'est notre amour qui, selon sa qualité, produit, soit en bien, soit en mal, dans cette image si délicate et si sensible cet effet prodigieux. «Mon amour, c'est tout ce que je suis, tout ce que je vaux, dit saint Augustin. Aimes-tu la terre ? tu es terre; aimes-tu Dieu ? oseraije le dire? tu es Dieu. » Amor meus pondus meum; terram amas? terra es. Deum amas? quid dicam? Deus es. Ah! qu'une âme se dégrade bien vite! Grande leçon pour ceux qui aiment la pureté et la beauté de leur âme ! Mais aussi, que, par la grâce et la bonté de Dieu, la même âme peut se relever vite! Grande espérance pour les âmes qui regrettent leur pureté et leur beauté perdues! Le moyen est sûr et prompt. Deum amas? Deus es. Oh! qu'il est donc facile d'être Dieu, puisque rien n'est plus libre, plus aisé que l'amour de Dieu! Qu'il est facile de conserver cette magnifique ressemblance que chacun de nous a reçue, comme don de joyeux avénement à la vie, et même de l'accroître !

« Si nous avons, dit encore le Père Ventura, un tableau d'un grand prix, un tableau d'un grand maître, avec quel soin le conservons-nous? que de précautions ne prenons

nous pas, de peur que le contact de l'air ne le gâte, que la poussière ne l'altère, que l'humidité ne le détériore! Nous avons en nous le grand, le magnifique tableau de l'auguste Trinité, que Dieu même a daigné graver en nous de sa main divine; avec quel soin ne devons-nous donc pas garantir cette peinture si noble, et en même temps si délicate, de l'air funeste de la science profane, de la poussière du monde, des souillures de la chair, du désordre de toutes les passions qui pourraient en effacer les traits, en altérer les couleurs, en rendre méconnaissable le divin original?» (Ibid.)

Les antiquaires recherchent avec passion les images d'un Alexandre, d'un César, d'un Auguste. Ils ne sont pas difficiles sur le fond. Une médaille usée, une monnaie déformée, un camée mutilé, un reste quelconque, pourvu qu'il conserve un trait, une ligne de ces grandes figures, leur suffisent, et ce reste figure dans leur musée comme un monument dont ils sont fiers, et que chacun est avide de contempler. Voulez-vous contempler l'image d'un personnage bien plus ancien et bien plus grand, l'image de l'Ancien des jours, et du roi des rois ? Contemplez un homme, un père, un roi, un pontife, un docteur. Le monde entier est un vaste musée tout rempli des portraits de Dieu; partout c'est la même image, parce que partout c'est le même maître et le même peintre qui a laissé en chacun de nous son empreinte.

Nous sommes donc tous également des images de Dieu, mais toutes ces images ne sont pas également bien conservées. Que d'hommes ne pensent pas et n'aiment pas comme Dieu! Que de pères n'instruisent pas leurs enfants comme Dieu! Que de rois ne gouvernent pas comme lui! Que de pontifes ne sancti

fient pas comme lui! Mais que le monde serait beau, et la société magnifique, si pères et enfants, rois et sujets, pontifes et fidèles conservaient avec soin l'image de Dieu qui est en eux, et y ajoutaient même sans cesse de nouveaux traits?

CHAPITRE IX.

L'ange étant une image de Dieu plus vive et plus grande que l'homme, est aussi plus sociable que lui.

D'après ce qui précède, l'homme et l'ange sont tous les deux des images de Dieu, et c'est par là que l'un et l'autre sont sociables; mais ces deux images sont-elles égales? Il importe de le savoir, parce que de la solution de cette question dépend la connaissance de la sociabilité relative de l'ange et de l'homme. Nous établissons ici en quelque sorte, et d'avance, la hiérarchie des êtres sociables. Dieu, à une hauteur infinie, en occupe éternellement le sommet. Audessous de lui, l'ange et l'homme, également ses images, également esprits, c'est-à-dire intelligence, volonté, amour, mais non à un égal degré, car Dieu a mis de la variété et de la hiérarchie partout. Artiste fécond et créateur inépuisable, il ne se répète jamais dans ses œuvres; les anges eux-mêmes ne sont pas égaux entre eux; il en est de même des âmes,

au moins en ce qui dépend de l'usage qu'elles font, après leur création, de leur libre arbitre; car, pour ce qui est de leur origine, c'est encore une question, si elles sont créées égales ou inégales.

Ce qui est certain, c'est que, soit inégalité de création, soit inégalité de développement, surtout dans les facultés morales, plus susceptibles par nature de perfectionnement ou de dégradation que les facultés intellectuelles, il y a parmi les âmes d'immenses différences. Selon la belle expression du poète, il est des âmes plus divines les unes que les autres, cui mens divinior. « Pour être chrétien, disaft aussi Fénelon, il faut être né grand, ou le devenir. » Il admettait donc à la fois les deux inégalités d'origine et de développement.

De même Platon n'estimait pas que les âmes fussent égales, même à leur origine. « Vous êtes tous frères, dit-il, mais Dieu qui vous a formés n'a pas fait entrer les mêmes matériaux dans la composition des uns et des autres. Il a mis de l'or dans les uns, de l'argent dans les autres, du fer dans un plus grand nombre, de l'alliage dans la plupart. Ceux-ci sont à la vérité susceptibles d'être purifiés et de passer dans la classe des premiers; mais jusque-là ils sont inégaux. » (Républiq., 1. 11.)

Pour moi, je crois plutôt que l'alliage est dans tous, mais que la proportion peut bien n'en être pas la même. Dans tous les cas, nous pouvons tous, selon l'expression de Platon, être purifiés, et devenir à la fin tout or. Mais un trop grand nombre, au contraire, loin de se purifier, perdent l'or ou l'argent qui est en eux pour devenir tout fer ou tout plomb.

Quoi qu'il en soit, si parmi les hommes eux-mêmes il règne une telle inégalité, combien cette même inégalité n'est-elle

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