SCÈNE II. -- EURYALE, ARBATE, MORON'. MORON, derrière le théâtre. Au secours! sauvez-moi de la bète cruelle. Je pense ouïr sa voix. EURYALE. MORON, derriere le théatre. A moi! de grace, à moi! EURYALE. C'est lui-même. Où court-il avec un tel effroi ? MORON, entrant sans voir personne. Où pourrai-je éviter ce sanglier redoutable? (Rencontrant Euryale, que dans sa frayeur il prend pour le sanglier qu'il évite.) Ah! je suis mori. EURYALE. Qu'as-tu? MORON. Je vous croyois la bête Dont à me diffamer2 j'ai vu la gueule prête, Qu'est-ce? EURYALE. MORON. Oh! que la princesse est d'une étrange humeur, Et qu'à suivre la chasse et ses extravagances Il nous faut essuyer de soltes complaisances! 'Ce rôle de fou, le meilleur de la pièce, a douné lieu de la part de Voltaire à la remarque suivante: « Ces misérables (les fous de cour) étaient encore fort à la node. C'était un reste de barbarie, qui a duré plus longtemps en Allemagne qu'ailleurs. Le besoin des amusements, l'impuissance de s'en procurer d'agréables et d'honnêtes dans les temps d'ignorance et de mauvais goût, avail fait imaginer ce triste plaisir, qui dégrade l'esprit humain. Le fou qui était alors auprès de Louis XIV avait appartent au prince de Condé il s'appelait l'Angeli. Le comte de Grammont disait que, de tous les fous qui avaient suivi monsieur le Prince, il n'y avait que l'Angeli qui eût fait fortune. Ce bouffon ne manquait pas d'esprit. C'est lui qui dit qu'il n'allait pas au sermon parce qu'il n'aimait pas le brailler et qu'il n'entendait pas le raisonner. » →→ Les fous de cour qui, depuis la Princesse d'Élide, n'avaient plus reparu sur la scène française, y ont été introduits de nouveau par la muse échevelée du drame romantique. 2 Diffamer, dans le sens de salir, gåter, défigurer. (Aimé Martin.) Quel diable de plaisir trouvent tous les chasseurs Qui n'ont aucun respect pour les faces humaines, Dis-nous donc ce que c'est. EURYALE. MORON. Le pénible exercice EURYALE. Tu parlois d'exercice pénible. MORON. Ah! oui. Succombant donc à ce travail horrible Qu'est-ce? EURYALE. 'Ce mot, qui n'est plus d'usage depuis longtemps, se trouve daus Froissart et Pierre de Craon. MORON. Ce n'est rien. N'ayez point de frayeur, Ses deux yeux flamboyants ne lançoient que menace, Qui parmi de l'écume, à qui l'osoit presser, ARBATE. Et tu l'as de pied ferme attendu? MORON. Quelque sot. J'ai jeté tout par terre et couru comme quatre. ARBATE. Fuir devant un sanglier, ayant de quoi l'abattre! MORON. J'y consens; Il n'est pas généreux, mais il est de bon sens. ARBATE. Mais, par quelques exploits si l'on ne s'éternise... MORON. Je suis votre valet. J'aime mieux que l'on dise: Fort bien. EURYALE. 'Ce trait est emprunté à l'Arétin, qui, dans une lettre à Baptiste Strozzi, a dit: Imeglio per la pelle vostra che si dica Qui fuggì il tale, che, Qui mori il cotal. Il vaut mieux pour votre peau qu'on dise, Ici un tel prit la > fuite, que, Ici un tel trouva la mort. » (Pelitot.) MORON. Oui. J'aime mieux, n'en déplaise à la gloire, Vivre au monde deux jours, que mille ans dans l'histoire. EURYALE. En effet, ton trépas fâcheroit tes amis; MORON. Il ne faut pas, seigneur, que je vous dissimule; Mais souvent on rabat nos libres tentatives. Car on doit regarder comme l'on parle aux grands, Et je sais qu'Elpénor, qu'on appeloit mon père Contoit pour grand honneur aux pasteurs d'aujourd'hui De se voir salué de tous ceux du village. Baste. Quoi qu'il en soit, je veux par mes travaux....... Mais voici la princesse et deux de vos rivaux. SCÈNE III. LA PRINCESSE, AGLANTE, CYNTHIE, ARISTOMÈNE, THÉOCLE, EURYALE, PHILIS, ARBATE, MORON. ARISTOMÈNE. Reprochez-vous, madame, à nos justes alarmes Dont à nos bons destins nous dussions rendre grace; Qui me fait avoir part à ce qui vous offense. Pour moi, je tiens, madame, à sensible bonheur Mais, dût votre courroux être plus grand qu'il n'est, LA PRINCESSE. Et pensez-vous, seigneur, puisqu'il me faut parler, Du moins, si, pour prétendre à de sensibles coups, |