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SGANARELLE.

Je suis ravi, monsieur, que votre fille ait besoin de moi; et je souhaiterois de tout mon cœur que vous en eussiez besoin aussi, vous et toute votre famille, pour vous témoigner l'envie que j'ai de vous servir.

GÉRONTE.

Je vous suis obligé de ces sentiments.

SGANARELLE.

Je vous assure que c'est du meilleur de mon ame que je vous parle.

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Lucinde! Ah! beau nom à médicamenter! Lucinde !

GÉRONTE.

Je m'en vais voir un peu ce qu'elle fait.

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Peste! le joli meuble que voilà! (Haut.) Ah! nourrice, charmante nourrice, ma médecine est la très humble esclave de votre nourricerie, et je voudrois bien être le petit poupon fortuné qui tetât le lait de vos bonnes graces. (Il lui porte a main sur le sein.) Tous mes remèdes, toute ma science, toute ma capacité est à votre service; et...

LUCAS.

Avec votre parmission, monsieu le médecin, laissez là ma femme, je vous prie.

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SGANARELLE.

Ah! vraiment je ne savois pas cela, et je m'en réjouis pour l'amour de l'un et de l'autre.

(Il fait semblant de vouloir embrasser Lucas et embrasse la nourrice.) LUCAS, tirant Sganarelle, et se remettant entre lui et sa femme. Tout doucement, s'il vous plaît.

SGANARELLE.

Je vous assure que je suis ravi que vous soyez unis ensemble je la félicite d'avoir un mari comme vous; et je vous félicite, vous, d'avoir une femme si belle, si bien faite comme elle est.

si

sage, et

(Faisant encore semblant d'embrasser Lucas, qui lui tend les bras, il passe dessous, et embrasse encore la nourrice.)

LUCAS, le tirant encore.

Hé! tétigué! point tant de compliments, je vous supplie.

SGANARELLE.

Ne voulez-vous pas que je me réjouisse avec vous d'un si bel assemblage?

LUCAS.

Avec moi tant qu'il vous plaira, mais avec ma femme, trêve de sarimonie.

SGANARELLE.

Je prends part également au bonheur de tous deux : et si Je vous embrasse pour vous témoigner ma joie, je l'embrasse de même pour lui en témoigner aussi.

(I continue le même jeu.)

LUCAS, le tirant pour la troisième fois.

Ah! varligué, monsieur le médecin, que de lantiponages1 !

SCÈNE V.

GÉRONTE, SGANARELLE, LUCAS,
JACQUELINE.

GÉRONTE.

Monsieur, voici tout à l'heure ma fille qu'on va vous

amener.

SGANARELLE.

Je l'attends, monsieur, avec toute la médecine.

Où est-elle?

GÉRONTE.

De lantiponer, chicaner, importuner.

Là-dedans.

SGANARELLE, se touchant le front.

GÉRONTE.

Fort bien.

SGANARELLE, en voulant toucher les tetons de la nourrice.

Mais, comme je m'intéresse à toute votre famille, il faut que j'essaie un peu le lait de votre nourrice, et que je visite son sein.

(Il s'approche de Jacqueline.)

LUCAS, le tirant, et lui faisant faire la pirouette.

Nannain, nannain; je n'avons que faire de ça.

SGANARELLE.

C'est l'office du médecin de voir les tetons des nourrices. LUCAS.

Il gnia office qui quienne, je sis votre sarviteur.

SGANARELLE.

As-tu bien la hardiesse de t'opposer au médecin? Hors de là.

Je me moque de ça.

LUCAS.

SGANARELLE, en le regardant de travers,

Je te donnerai la fièvre.

JACQUELINE, prenant Lucas par le bras, et lui faisant faire aussi la pirouette Ote-toi de là aussi; est-ce que je ne sis pas assez grande pour me défendre moi-même, s'il me fait queuque chose qui ne soit pas à faire?

LUCAS.

Je ne veux pas qu'il te tâle, moi.

SGANARELLE.

Fi, le vilain, qui est jaloux de sa femme!

Voici ma fille.

GÉRONTE.

SCÈNE VI. LUCINDE, GÉRONTE, SGANARELLE, VALÈRE, LUCAS, JACQUELINE.

Est-ce là la malade?

SGANARELLE.

GÉRONTE.

Oui. Je n'ai qu'elle de fille; et j'aurois tous les regrets du monde si elle venoit à mourir.

SGANARELLE.

Qu'elle s'en garde bien! Il ne faut pas qu'elle meure sans l'ordonnance du médecin1.

Allons, un siége.

GÉRONTE.

SGANARELLE, assis entre Géronte et Lucinde.

Voilà une malade qui n'est pas tant dégoûtante, et je tiens qu'un homme bien sain s'en accommoderoit assez.

GÉRONTE.

Vous l'avez fait rire, monsieur.

SGANARELLE.

Tant mieux: lorsque le médecin fait rire le malade, c'est le meilleur signe du monde. (à Lucinde.) Hé bien! de quoi est-il question? Qu'avez-vous? quel est le mal que vous sentez?

LUCINDE répond par signes, en portant la main à sa bouche, à sa tète, et sous son menton:

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LUCINDE continue les mêmes gestes

Han, hi, hon, han, han, hi, hon.

Quoi?

SGANARELLE.

Han, hi, hon.

LUCIND.

SGANARELLE, la contrefaisant.

Han, hi, hon, han, ha. Je ne vous entends point. Quel diable de langage est-ce là?

GÉRONTE.

Monsieur, c'est là sa maladie. Elle est devenue muette, sans que jusques ici on en ait pu savoir la cause; et c'est un accident qui a fait reculer son mariage.

Et pourquoi ?

SGANARELLE.

Ce passage est tiré de la farce du Médecin volant:

GORGIBUS.

<< Monsieur le médecin, j'ai grand' peur qu'elle ne meure.

SGANARELLE.

» Ah! qu'elle s'en garde bien! Il ne faut pas qu'elle s'amuse à se laisser

> mourir sans l'ordonnance de la médecine. >

GÉRONTE.

Celui qu'elle doit épouser veut attendre sa guérison pour conclure les choses.

SGANARELLE.

Et qui est ce sot-là, qui ne veut pas que sa femme soit muette? Plût à Dieu que la mienne eût cette maladie! je me garderois bien de la vouloir guérir.

GÉRONTE.

Enfin, monsieur, nous vous prions d'employer tous vos soins pour la soulager de son mal.

SGANARELLE.

Ah! ne vous mettez pas en peine. Dites-moi un peu ce mal l'oppresse-t-il beaucoup?

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Tant mieux. Sent-elle de grandes douleurs?

Fort grandes.

GÉRONTE.

SGANARELLE.

C'est fort bien fait1. Va-t-elle où vous savez?

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*

'Ésope conte qu'un malade, étant interrogé par son médecin quelle opération i sentoit des médicaments qu'il lui avoit donnés : J'ai fort sué, répondit-il. Cela est bon, dit le médecin. Une autre fois il lui demanda encore comment il s'était porté depuis: Jai eu un froid extrême, fit-il, et si ai fort tremblé. Cela est bon, reprit le médecin. A la troisième fois, il demanda derechef comment il se portoit: Je me sens, dit-il, enfler et bouffir comme d'hydropisie. Voilà qui va bien, ajouta le médecin. Venant après à s'enquérir à lu de son état : Certes, mon ami, répondit-il, à force de bien aller, je me meurs. Molière avait déjà imité cette fable d'Esope dans le Médecin volant. «Sentez-vous de grandes douleurs à la tête et aux reins? dit Sganarelle à » Lucile.- Oui, monsieur. C'est fort bien fait, répond Sganarelle. > (Aimé Martin.)

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