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que Léandre, et que c'est inutilement que vous voulez me donner Horace.

Mais...

GÉRONTE.

Rien n'est capable d'ébranler la résolution que j'ai prise.

LUCINDE.

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Il n'est puissance paternelle qui me puisse obliger à me marier malgré moi.

J'ai...

GÉRONTE.

LUCINDE.

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Mon cœur ne sauroit se soumettre à cette tyrannie.

La...

GÉRONTE.

LUCINDE.

Et je me jetterai plutôt dans un couvent que d'épouser un homme que je n'aime point.

Mais...

GÉRONTE.

LUCINDE, parlant d'un ton de voix à étourdir.

Non. En aucune façon. Point d'affaires. Vous perdez le temps. Je n'en ferai rien. Cela est résolu.

GÉRONTE.

Ah! quelle impétuosité de paroles! Il n'y a pas moyen d'y résister. (a Sganarelle.) Monsieur, je vous prie de la faire redevenir muette.

SGANARELLE.

C'est une chose qui m'est impossible. Tout ce que je puis faire pour votre service est de vous rendre sourd, si vous voulez1.

GÉRONTE.

Je vous remercie. (à Lucinde.) Penses-tu donc...

LUCINDE.

Non, toutes vos raisons ne gagneront rien sur mon ame. GÉRONTE.

Tu épouseras Horace dès ce soir.

LUCINDE.

J'épouserai plutôt la mort.

SGANARELLE, à Géronte.

Mon Dieu! arrêtez-vous, laissez-moi médicamenter cette affaire; c'est une maladie qui la tient, et je sais le remède qu'il y faut apporter.

GÉRONTE.

Seroit-il possible, monsieur, que vous pussiez aussi guérir cette maladie d'esprit?

SGANARELLE.

Oui; laissez-moi faire, j'ai des remèdes pour tout; el notre apothicaire nous servira pour cette cure. (à Léandre.) Un mot. Vous voyez que l'ardeur qu'elle a pour ce Léandre est tout à fait contraire aux volontés du père; qu'il n'y a point de temps à perdre; que les humeurs sont fort aigries; et qu'il est nécessaire de trouver promplement un remède à ce

'Plusieurs traits de cette scene rappellent le passage suivant de Rabelais : « Je > ne vous avois oncques puis veu que jouastes à Montpellier avec nos antiques » amys la morale et comedie de celui qui avoit espousé une femme muette. Le » bon mary voulut qu'elle parlast. Elle parla par l'art du medecin et du chirur>gien, qui lui coupèrent une encyliglotte qu'elle avoit sous la langue. La pa» role recouvrée, elle parla tant et tant que son mari retourna au medecin, » pour remede de la faire taire. Le medecin respondit, en son art, bien tvoir » des remedes pour faire parlor les femmes, n'en avoir pour les faire taire. Re> mede unique estre surdité du mary contre cestuy interminable parlement de » femme. Le paillard devint sourd, par ne sçais quels charmes qu'ils feirent. > Puis le medecin demandant son salaire, le mary respondit qu'il estoit vrai>ment sourd, et qu'il n'entendoit sa demande. Je ne ris oncques tant que ie »lis à ce patelinage. >

mal, qui pourroit empirer par le retardement. Pour moi, je n'y en vois qu'un seul, qui est une prise de fuite purgative, que vous mêlerez comme il faut avec deux dragmes de matrimonium en pilules. Peut-être fera-t-elle quelque difficulté à prendre ce remède mais comme vous êtes habile homme dans votre métier, c'est à vous de l'y résoudre, et de lui faire avaler la chose du mieux que vous pourrez. Allez-vous-en lui faire faire un petit tour de jardin, afin de préparer les humeurs, tandis que j'entretiendrai ici son père; mais surtout ne perdez point de temps. Au remède, vite! au remède spécifique !

SCÈNE VII. GÉRONTE, SGANARELLE.

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GÉRONTE.

Quelles drogues, monsieur, sont celles que vous vencz de dire? il me semble que je ne les ai jamais ouï nommer.

SGANARELLE.

Ce sont drogues dont on se sert dans les nécessités urgentes. GÉRONTE.

Avez-vous jamais vu une insolence pareille à la sienne?

SGANARELLE.

Les filles sont quelquefois un peu têtues.

GÉRONTE.

Vous ne sauriez croire comme elle est affolée de ce Léandre.

SGANARELLE.

La chaleur du sang fait cela dans les jeunes esprits.

GÉRONTE.

Pour moi, dès que j'ai eu découvert la violence de cet amour, j'ai su tenir toujours ma fille renfermée.

SGANARELLE.

Vous avez fait sagement.

GÉRONTE.

Et j'ai bien empêché qu'ils n'aient eu communication ensemble.

Fort bien.

SGANARELLE.

GÉRONTE.

Il seroit arrivé quelque folie, si j'avois souffert qu'ils se fussent vus.

SGANARELLE.

Sans doute.

GÉRONTE.

Et je crois qu'elle auroit été fille à s'en aller avec lui.

SGANARELLE.

C'est prudemment raisonné.

GÉRONTF.

On m'avertit qu'il fait tous ses efforts pour lui parler.

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Il n'a pas affaire à un sot, et vous savez des rubriques qu'il ne sait pas. Plus fin que vous n'est pas bête.

SCÈNE VIII. LUCAS, GERONTE, SGANARELLE.

LUCAS.

Ah! palsanguenne, monsieu, vaici bian du tintamarre; votre fille s'en est enfuie avec son Liandre. C'étoit lui qui étoit l'apothicaire; et v'là monsieu le médecin qui a fait cette belle opération-là.

GÉRONTE.

Comment! m'assassiner de la façon! Allons, un commissaire, et qu'on empêche qu'il ne sorte. Ah! traître, je vous ferai punir par la justice.

LUCAS.

Ah! par ma fi, monsieu le médecin, vous serez pendu: ne bougez de là seulement.

SCÈNE IX.

MARTINE, SGANARELLE, LUCAS.

MARTINE, à Lucas.

Ah! mon Dieu! que j'ai eu de peine à trouver ce logis! Dites-moi un peu des nouvelles du médecin que je vous ai donné.

LUCAS.

Le v'là qui va être pendu.

MARTINE.

Quoi! mon mari pendu! Hélas! et qu'a-t-il fait pour cela?

LUCAS.

Il a fait enlever la fille de notre maître.

MARTINE.

Hélas! mon cher mari, est-il bien vrai qu'on le va pendre?

Tu vois. Ah!

SGANARELLE.

MARTINE.

Faut-il que tu te laisses mourir en présence de tant de gens?

SGANARELLE.

Que veux-tu que j'y fasse?

MARTINE.

Encore, si tu avois achevé de couper notre bois, je prendrois quelque consolation.

SGANARELLE.

Retire-toi de là, tu me fends le cœur.

MARTINE.

Non, je veux demeurer pour t'encourager à la mort; et je ne te quitterai point que je ne t'aie vu pendu.

Ah!

SGANARELLE.

SCÈNE X. GÉRONTE, SGANARELLE, MARTINE.

GÉRONTE, à Sganarelle.

Le commissaire viendra bientôt, et l'on s'en va vous mettre en lieu où l'on me répondra de vous.

SGANARELLE, a genoux, le chapeau à la main. Hélas! cela ne se peut-il point changer en quelques coups

de bâton?

GÉRONTE.

Non, non; la justice en ordonnera. Mais que vois-je?

SCÈNE XI. GÉRONTE, LEANDRE, LUCINDE

SGANARELLE, LUCAS, MARTINE.

LÉANDRE.

Monsieur, je viens faire paroître Léandre à vos yeux, et

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