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Je ne te demande qu'un moment à être avec toi.

PHILIS.

Hé bien! oui, j'y demeurerai, pourvu que tu me pro

mettes une chose.

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A moins que de cela, je ne demeurerai point avec toi.

Veux-tu me...?

MORON.

PHILIS.

Laisse-moi aller.

MORON.

Hé bien! oui, demeure. Je ne te dirai mot.

PHILIS.

Prends-y bien garde, au moins; car à la moindre parole

je prends la fuite.

MORON.

Soit. (Après avoir fait une scène de gestes.) Ah! Philis!... Hé!...

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Elle s'enfuit, et je ne saurois l'attraper. Voilà ce que c'est. Si je savois chanter, j'en ferois bien mieux mes affaires.

La plupart des femmes aujourd'hui se laissent prendre par les oreilles; elles sont cause que tout le monde se mêle de musique, et l'on ne réussit auprès d'elles que par les petites chansons et les petits vers qu'on leur fait entendre. Il faut que j'apprenne à chanter, pour faire comme les autres. Bon, voici justement mon homme.

SCÈNE III. UN SATYRE, MORON.

LE SATYRE chante.

La, la, la.

MORON.

Ah! satyre, mon ami, tu sais bien ce que tu m'as promis il y a longtemps. Apprends-moi à chanter, je te prie.

LE SATYRE.

Je le veux, mais auparavant écoute une chanson que je viens de faire.

MORON, bas, à part.

Il est si accoutumé à chanter, qu'il ne sauroit parler d'autre façon. (Haut.) Allons, chante, j'écoute.

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Je portois dans une cage

Deux moineaux que j'avois pris,
Lorsque la jeune Chloris

Fit, dans un sombre bocage,
Briller à mes yeux surpris

Les fleurs de son beau visage.

Hélas! dis-je aux moineaux, en recevant les coups

De ses yeux si savants à faire des conquêtes,
Consolez-vous, pauvres petites bêtes,

Celui qui vous a pris est bien plus pris que vous.

(Moron demande au satyre une chanson plus passionnée, et le prie de lui dire celle qu'il lui avoit onï chanter quelques jours auparavant.)

LE SATYRE chante.

Dans vos chants si doux
Chantez à ma belle,
Oiseaux, chantez tous
Ma peine mortelle.
Mais, si la cruelle

Se met en courroux

Au récit fidèle

Des maux que je sens pour elle,
Oiseaux, taisez-vous.

MORON

Ah! qu'elle est belle! Apprends-la-moi,

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Le satyre, en colère, menace Moron, et plusieurs satyres dansent une entrée plaisante.

ACTE TROISIÈME.

SCÈNE I.

LA PRINCESSE, AGLANTE, CYNTHIE,

PHILIS.

CYNTHIE.

Il est vrai, madame, que ce jeune prince a fait voir une

adresse non commune, et que l'air dont il a paru a été quelque chose de surprenant. Il sort vainqueur de cette course. Mais je doute fort qu'il en sorte avec le mème cœur qu'il y a porté; car enfin vous lui avez tiré des traits dont il est difficile de se défendre; et, sans parler de tout le reste, la grace de votre danse et la douceur de votre voix ont eu des charmes aujourd'hui à toucher les plus insensibles.

LA PRINCESSE.

Le voici qui s'entretient avec Moron; nous saurons un peu de quoi il lui parle. Ne rompons point encore leur entretien, et prenons cette route pour revenir à leur rencontre.

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Ah! Moron, je te l'avoue, j'ai été enchanté; et jamais. tant de charmes n'ont frappé tout ensemble mes yeux et mes oreilles. Elle est adorable en tout temps, il est vrai; mais ce moment l'a emporté sur tous les autres, et des graces nouvelles ont redoublé l'éclat de ses beautés. Jamais son visage ne s'est paré de plus vives couleurs, ni ses yeux ne se sont armés de traits plus vifs et plus perçants. La douceur de sa voix a voulu se faire paroître dans un air tout charmant qu'elle a daigné chanter; et les sons merveilleux qu'elle formoit passoient jusqu'au fond de mon ame, et tenoient tous mes sens dans un ravissement à ne pouvoir en revenir. Elle a fait éclater ensuite une disposition toute divine, et ses pieds amoureux sur l'émail d'un tendre gazon traçoient d'aimables caractères qui m'enlevoient hors de moi-même, et m'attachoient par des noeuds invincibles aux doux et justes mouvements dont tout son corps suivoit les mouvements de l'harmonie. Enfin, jamais ame n'a eu de plus puissantes émotions que la mienne; et j'ai pensé plus de vingt fois oublier ma résolution, pour me jeter à ses pieds, et lui faire un aveu sincère de l'ardeur que je sens pour elle.

MORON,

Donnez-vous-en bien de garde, seigneur, si vous m'en voulez croire. Vous avez trouvé la meilleure invention du monde, et je me trompe fort si elle ne vous réussit. Les femmes sont des animaux d'un naturel bizarre; nous les

gåtons par nos douceurs; et je crois tout de bon que nous les verrions nous courir, sans tous ces respects et ces soumissions où les hommes les acoquinent.

ARBATE.

Seigneur, voici la princesse, qui s'est un peu éloignée de sa suite.

MORON.

Demeurez ferme, au moins, dans le chemin que vous avez pris. Je m'en vais voir ce qu'elle me dira. Cependant promenez-vous ici dans ces petites routes, sans faire aucun semblant d'avoir envie de la joindre; et, si vous l'abordez, demeurez avec elle le moins qu'il vous sera possible.

SCÈNE III.

LA PRINCESSE, MORON.

LA PRINCESSE.

Tu as donc familiarité, Moron, avec le prince d'Ithaque?

MORON.

Ah! madame, il y a longtemps que nous nous connois

sons.

LA PRINCESSE.

D'où vient qu'il n'est pas venu jusqu'ici, et qu'il a pris cette autre route quand il m'a vue?

MORON.

C'est un homme bizarre, qui ne se plaît qu'à entretenir ses pensées.

LA PRINCESSE.

Étois-tu tantôt au compliment qu'il m'a fait?

MORON.

Oui, madame, j'y étois; et je l'ai trouvé un peu impertinent, n'en déplaise à sa principauté.

LA PRINCESSE.

Pour moi, je le confesse, Moron, cette fuite m'a choquée; et j'ai toutes les envies du monde de l'engager, pour rabattre un peu son orgueil.

MORON.

Ma foi, madame, vous ne feriez pas mal; il le mériteroit bien mais, à vous dire vrai, je doute fort que vous y puissiez réussir.

:

LA PRINCESSE.

Comment?

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