Images de page
PDF
ePub

MERCURE.

Le nouveau donne fort dans la tête,

Quand on le veut boire sans eau.

AMPHITRYON.

Ah! je t'arracherai cette langue, sans doute.

MERCURE.

Passe, mon pauvre ami, crois-moi1;
Que quelqu'un ici ne t'écoute.

Je respecte le vin. Va-l'en, retire-toi,

Et laisse Amphitryon dans les plaisirs qu'il goûte.

AMPITRYON.

Comment! Amphitryon est là-dedans ?

MERCURE.

Fort bien;

Qui, couvert des lauriers d'une victoire pleine,
Est auprès de la belle Alemène,

A jouir des douceurs d'un aimable entretien.
Après le démêlé d'un amoureux caprice,
Ils goûtent le plaisir de s'être rajustés.
Garde-toi de troubler leurs douces privautés,
Si tu ne veux qu'il ne punisse

L'excès de tes témérités.

[merged small][ocr errors][merged small]

Ah! quel étrange coup m'a-t-il porté dans l'ame!
En quel trouble cruel jette-t-il mon esprit!
Et si les choses sont comme le traître dit,
Où vois-je ici réduits mon honneur et ma flamme!
A quel parti me doit résoudre ma raison?
Ai-je l'éclat ou le secret à prendre?

Et dois-je, en mon courroux, renfermer ou répandre
Le déshonneur de ma maison?

Ah! faut-il consulter dans un affront si rude?
Je n'ai rien à prétendre et rien à ménager;
Et toute mon inquiétude

Ne doit aller qu'à me venger.

[blocks in formation]

SCÈNE IV.

AMPHITRYON, SOSIE; NAUCRATÈS ET POLIDAS, dans le fond du théâtre.

SOSIE, à Amphitryon.

Monsieur, avec mes soins, tout ce que j'ai pu faire,
C'est de vous amener ces messieurs que voici.

[blocks in formation]

Qu'est-ce donc? qu'avez-vous?

AMPHITRYON, mettant l'épée à la main.

Ce que j'ai, misérable!

SOSIE, à Naucratès et à Polidas.

Hola, messieurs! venez donc tôt.

NAUCRATÈS, à Amphitryon.

Ah! de grace, arrêtez!

SOSIE.

De quoi suis-je coupable?

AMPHITRYON.

Tu me le demandes, maraud!

(A Naucrates.)

Laissez-moi satisfaire un courroux légitime.

SOSIE.

Lorsque l'on pend quelqu'un, on lui dit pourquoi c'est.

NAUCRATÈS, à Amphitryon.

Daignez nous dire au moins quel peut être son crime.

SOSIE.

Messieurs, tenez bon, s'il vous plaît.

AMPHITRYON.

Comment! il vient d'avoir l'audace

De me fermer la porte au nez,
Et de joindre encor la menace

[blocks in formation]

AMPHITRYON.

Non, il faut qu'il ait le salaire

Des mots où tout à l'heure il s'est émancipé.

SOSIE.

Comment cela se peut-il faire,

Si j'étois par votre ordre autre part occupé? Ces messieurs sont ici pour rendre témoignage Qu'à dîner avec vous je les viens d'inviter.

NAUCRATES.

Il est vrai qu'il nous vient de faire ce message, Et n'a point voulu nous quitter.

[blocks in formation]

Après votre paix faite,

Au milieu des transports d'une ame satisfaite

D'avoir d'Alemène apaisé le courroux.

(Sosie se relève.)

AMPHITRYON.

O ciel! chaque instant, chaque pas

Ajoute quelque chose à mon cruel martyre;
Et, dans ce fatal embarras,

Je ne sais plus que croire ni que dire.

NAUCRATES.

Tout ce que de chez vous il vient de nous conter
Surpasse si fort la nature,

Qu'avant que de rien faire et de vous emporter,
Vous devez éclaircir toute cette aventure.

AMPHITRYON.

Allons; vous y pourrez seconder mon effort;
Et le ciel à propos ici vous a fait rendre.
Voyons quelle fortune en ce jour peut m'attendre;
Débrouillons ce mystère, et sachons notre sort.
Hélas! je brûle de l'apprendre,

Et je le crains plus que la mort.

[blocks in formation]

(Amphitryon frappe àla porte de sa maison.)

JUPITER, AMPHITRYON, NAUCRATÈS,
POLIDAS, SOSIE.

JUPITER.

Quel bruit à descendre m'oblige;

Et qui frappe en maître où je suis?

AMPHITRYON.

Que vois-je? justes dieux!

NAUCRATES.

Ciel! quel est ce prodige?

Quoi! deux Amphitryons ici nous sont produits!

AMPHITRYON, à part.

Mon ame demeure transie!

Hélas! je n'en puis plus, l'aventure est à bout;

Ma destinée est éclaircie,

Et ce que je vois me dit tout.

NAUCRATES.

Plus mes regards sur eux s'attachent fortement,
Plus je trouve qu'en tout l'un à l'autre est semblable.

SOSIE, passant du côté de Jupiter.

Messieurs, voici le véritable;

L'autre est un imposteur digne de châtiment.

POLIDAS.

Certes, ce rapport admirable
Suspend ici mon jugement.

AMPHITRYON.

C'est trop être éludést par un fourbe exécrable;
Il faut avec ce fer rompre l'enchantement.

Arrêtez.

NAUCRATÈS, à Amphitryon, qui a mis l'épée à la main.

Laissez-moi.

AMPHITRYON.

NAUCRATES.

Dieux! que voulez-vous faire?

AMPHITRYON.

Punir d'un imposteur les lâches trahisons.

JUPITER.

Tout beau! l'emportement est fort peu nécessaire;
Et lorsque de la sorte on se met en colère,
On fait croire qu'on a de mauvaises raisons.

SOSIE.

Oui, c'est un enchanteur qui porte un caractère
Pour ressembler aux maîtres des maisons.

AMPHITRYON, à Sosie.

Je te ferai, pour ton partage,

Sentir par mille coups ces propos outrageants.

SOSIE.

Mon maître est homme de courage,
Et ne souffrira point que l'on batte ses gens.

AMPHITRYON.

Laissez-moi m'assouvir dans mon courroux extrême,
Et laver mon affront au sang d'un scélérat.
NAUCRATÈS, arrêtant Amphitryon.

Nous ne souffrirons point cet étrange combat
D'Amphitryon contre lui-même.

AMPHITRYON.

Quoi! mon honneur de vous reçoit ce traitement!
Et mes amis d'un fourbe embrassent la défense!
Loin d'être les premiers à prendre ma vengeance,
Eux-mêmes font obstacle à mon ressentiment!

NAUCRATES.

Que voulez-vous qu'à cette vue

Fassent nos résolutions,

Lorsque par deux Amphitryons

'Éludés dans le sens du verbe latin eludere, qui veut dire duper, fourber.

« PrécédentContinuer »