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Sganarelle !

DON JUAN.

SGANARELLE, à Charlotte et à Mathurine.

Oui, monsieur est homme d'honneur; je le garantis tel.

Hon!

DON JUAN.

SGANARELLE.

Ce sont des impertinents.

SCÈNE VIII.

DON JUAN, LA RAMÉE, CHARLOTTE, MATHURINE, SGANARELLE.

LA RAMÉE, bas, à don Juan.

Monsieur, je viens vous avertir qu'il ne fait pas bon iei

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Douze hommes à cheval vous cherchent, qui doivent arriver ici dans un moment je ne sais pas par quel moyen ils peuvent vous avoir suivi; mais j'ai appris cette nouvelle d'un paysan qu'ils ont interrogé, et auquel ils vous ont dépeint. L'affaire presse; et le plus tôt que vous pourrez sortir d'ici sera le meilleur.

SCÈNE IX. DON JUAN, CHARLOTTE, MATHURINE,

SGANARELLE.

DON JUAN, à Charlotte et à Mathurine.

Une affaire pressante m'oblige de partir d'ici; mais je vous prie de vous ressouvenir de la parole que je vous ai donnée, et de croire que vous aurez de mes nouvelles avant qu'il soit demain au soir.

SCÈNE X.

DON JUAN, SGANARELLE.

DON JUAN.

Comme la partie n'est pas égale, il faut user de stratagème, et éluder adroitement le malheur qui me cherche. Je veux que Sganarelle se revête de mes habits, et moi...

encore une situation empruntée à la pièce originale et à celle de Dorimond; mais Molière garde partout la supériorité.

SGANARELLE.

Monsieur, vous vous moquez. M'exposer à être tué sous vos habits, et......!

DON JUAN.

Allons vite, c'est trop d'honneur que je vous fais; et bien heureux est le valet qui peut avoir la gloire de mourir pour son maître 1.

SGANARELLE.

Je vous remercie d'un tel honneur. (seul.) O ciel! puisqu'il s'agit de mort, fais-moi la grace de n'être point pris pour un autre!

ACTE TROISIÈME.

Le théâtre représente une forêt.

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DON JUAN, en habit de campagne; SGANARELLE, en médecin.

SGANARELLE.

Ma foi, monsieur, avouez que j'ai eu raison, et que nous voilà l'un et l'autre déguisés à merveille. Votre premier dessein n'étoit point du tout à propos, et ceci nous cache bien mieux que tout ce que vous vouliez faire.

DON JUAN.

Il est vrai que le voilà bien; et je ne sais où tu as été déterrer cet attirail ridicule.

SGANARELLE.

Oui? c'est l'habit d'un vieux médecin, qui a été laissé en gage au lieu où je l'ai pris, et il m'en a coûté de l'argent pour l'avoir. Mais savez-vous, monsieur, que cet habit me met déja en considération, que je suis salué des gens que je rencontre, et que l'on me vient consulter ainsi qu'un habile homme?

'Ce troc d'habits se trouve dans les deux imitations françoises du Festin de Pierre, qui ont precédé celle de Molière; mais il n'y est pas seulement en projet comme ici, il s'exécute sur le théâtre mème: don Juan s'évade, et sou valet ". tombé entre les mains des archers, leur échappe par un mensonge. (Auger.)

DON JUAN.

Comment done?

SGANARELLE.

Cinq ou six paysans et paysannes, en me voyant passer, me sont venus demander mon avis sur différentes maladies.

DON JUAN.

Tu leur as répondu que tu n'y entendois rien?

SGANARELLE.

Moi? Point du tout. J'ai voulu soutenir l'honneur de mon habit; j'ai raisonné sur le mal, et leur ai fait des ordonnances à chacun.

DON JUAN.

Et quels remèdes encore leur as-tu ordonnés?

SGANARELLE.

Ma foi, monsieur, j'en ai pris par où j'en ai pu attraper; j'ai fait mes ordonnances à l'aventure; et ce seroit une chose plaisante si les malades guérissoient, et qu'on m'en vînt remercier.

DON JUAN.

Et pourquoi non? Par quelle raison n'aurois-tu pas les mêmes priviléges qu'ont tous les autres médecins? Ils n'ont pas plus de part que toi aux guérisons des malades, et tout leur art est pure grimace. Ils ne font rien que recevoir la gloire des heureux succès; et tu peux profiler, comme eux, du bonheur du malade, et voir attribuer à tes remèdes tout ce qui peut venir des faveurs du hasard et des forces de la nature.

SGANARELLE.

Comment, monsieur, vous êtes aussi impie en médecine?

DON JUAN.

C'est une des grandes erreurs qui soient parmi les hommes.

SGANARELLE.

Quoi! vous ne croyez pas au séné, ni à la casse, ni au vin émétique?

DON JUAN.

Et pourquoi veux-tu que j'y croie?

SGANARELLE.

Vous avez l'ame bien mécréante. Cependant vous voyez, depuis un temps, que le vin émétique fait bruire ses fuscaux. Ses miracles ont converti les plus incrédules esprits;

Métaphoriquement, fait grand tapage, occupe le public.

Le vin émétique

et il n'y a pas trois semaines que j'en ai vu, moi qui vous parle, un effet merveilleux.

Et quel?

DON JUAN.

SGANARELLE.

Il y avoit un homme qui, depuis six jours, étoit à l'agonie, on ne savoit plus que lui ordonner, et tous les remèdes ne faisoient rien; on s'avisa à la fin de lui donner de l'émétique.

DON JUAN.

Il réchappa, n'est-ce pas?

SGANARELLE.

Non, il mourut.

DON JUAN.

L'effet est admirable.

SGANARELLE.

Comment! il y avoit six jours entiers qu'il ne pouvoit mourir, et cela le fit mourir tout d'un coup. Voulez-vous rien de plus efficace?

Tu as raison.

DON JUAN.

SGANARELLE.

et

Mais laissons là la médecine, où vous ne croyez point, parlons des autres choses; car cet habit me donne de l'esprit, et je me sens en humeur de disputer contre vous. Vous savez bien que vous me permettez les disputes, et que vous ne me défendez que les remontrances.

Hé bien?

DON JUAN.

SGANARELLE.

Je veux savoir un peu vos pensées à fond. Est-il possible que vous ne croyiez point du tout au ciel?

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était peu connu, lorsqu'un médecin d'Abbeville l'administra à Louis XIV, pendant une maladie grave que ce prince fit à Calais. Le médecin picard, nommé Dusaulehoy, sûr de l'effet de son spécifique, s'asseyait sur le lit du roi, en disant: Voilà un garçon bien malade, mais il n'en mourra pas. Le roi ne mourut pas, et le vin émétique fit bruire ses fuseaux.

SGANARELLE.

Tout de même. Et au diable, s'il vous plait?

Oui, oui.

DON JUAN.

SGANARELLE.

Aussi peu. Ne croyez-vous point à l'autre vie?

Ah! ah! ah!!

DON JUAN.

SGANARELLE.

Voilà un homme que j'aurai bien de la peine à convertir. Et dites-moi un peu, « le moine bourru2, qu'en croyez-vous? " eh!

» La peste soit du fat!

DON JUAN.

SGANARELLE.

» Et voilà ce que je ne puis souffrir; car il n'y a rien de plus vrai que le moine bourru, et je me ferois pendre pour >> celui-là. Mais encore faut-il croire quelque chose dans le » monde. Qu'est-ce donc que vous croyez ? »

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Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit.

SGANARELLE.

La belle croyance et les beaux articles de foi que voilà ! Votre religion, à ce que je vois, est donc l'arithmétique? Il faut avouer qu'il se met d'étranges folies dans la tête des hommes, et que, pour avoir bien étudié, on est bien moins sage le plus souvent. Pour moi, monsieur, je n'ai point étudié comme vous, Dieu merci, et personne ne sauroit se vanter de m'avoir jamais rien appris; mais avec mon petit sens, mon petit jugement, je vois les choses mieux que tous les livres, et je comprends fort bien que ce monde que nous

'Cette scène et la suivante firent accuser Molière d'irréligion. Tout ce qui est placé entre les guillemets fut supprimé par la censure sous le règne mème de Louis XIV.

Le moine bourru était un fantòme qui courait pendant la nuit dans les rues des villes, et battait les passants attardes.

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