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ZONE FORESTIÈRE

tertiaire, l'œil se perd, à droite, sur de grandes surfaces agricoles, nues, répondant au type connu des paysages de la craie. Ce sont ces croupes qui, en face des coteaux de Luzarches, constituent, sur l'autre rive de l'Oise, le pays appelé la Thelle.

Ces élargissements successifs de la vallée de l'Oise donnent lieu à et marécageuse. des marais ou à des tourbières. L'eau surabonde à la surface, partout où la craie rencontre la couche imperméable des argiles 1; elle entretient les marais qui parsèment encore une partie de la vallée au Nord de Pont-Sainte-Maxence. C'est le spectacle que présentait aussi autrefois le dernier élargissement de la vallée de l'Oise, entre Précy et Beaumont. Lorsque d'un des points de l'hémicycle calcaire qui l'encadre sur la rive gauche, soit des coteaux de Luzarches, soit des abords de Chantilly, on regarde à ses pieds, on voit une grande plaine plate qui n'a pas moins de 8 kilomètres de large. Superbe aujourd'hui dans son foisonnement d'arbres et de prairies qui lui donne, en été, l'aspect d'un parc anglais, cette plaine trahit encore la nature marécageuse. Elle a des rivières qui se perdent en étangs, quelques marais encore (marais du Lys), des prés envahis par les joncs; c'est parmi des fossés pleins d'eau que se dressent les ruines de l'abbaye de Royaumont.

Autour de cette plaine, le cadre est formé au Nord, à l'Est et au Sud par les coteaux calcaires qui, de Saint-Leu-d'Esserent, par Chantilly et Luzarches, se déroulent jusqu'à Beaumont-sur-Oise. Un air de richesse précoce respire dans les nombreux villages ou petites villes. La belle pierre de construction y donne vie et couleur à d'intéressants édifices. Mais une surprise attend celui qui franchit vers l'Est l'hémicycle de coteaux. Au lieu d'être surmontés, comme dans le Soissonnais et le Vexin, par des plates-formes agricoles, ils servent de soubassement à de grandes forêts. Cela tient à la présence de sables qui s'étendent entre Senlis et Ermenonville. Ces sables interrompent toute culture. La svelte flèche de Senlis, qu'on aperçoit de loin, semble planer sur des solitudes.

Ce n'est plus, ici, la forêt humide. Pour peu qu'on s'avance vers Mortefontaine, on voit des bruyères, des landes et d'immenses forêts de pins se dérouler dans la direction d'Ermenonville. La vraie nature du sol apparaît: sables et grès, tantôt mêlés à un peu de limon, tantôt purs et alors stériles. Certains aspects rappellent la forêt de Fontainebleau. Cependant les sables ne sont pas de même âge. Ceux-ci

1. Ce phénomène peut être considéré comme normal sur la périphérie de la région tertiaire. Partout, au contact de la craie et des argiles, existent des marais, des étangs, des tourbières près de Laon comme aux sources du Petit-Morin au Sud d'Épernay, comme aux environs de Beauvais et de Liancourt. La forte position de Laon tient en partie à ces circonstances.

sont plus anciens; ils appartiennent à la série moyenne de l'éocène1. Mais souvent aussi secs, ils forment, comme ceux de la célèbre forêt une vaste nappe d'infiltration. Les eaux ne reparaissent qu'à la périphérie; et c'est alors qu'à la lisière des bois, devenus plus variés euxmêmes, brillent les étangs et jaillissent les sources. Des châteaux et des parcs ont pris possession de ces sites pittoresques, sans parvenir à en dénaturer entièrement le fond primitif. Chantilly, Mortefontaine ne laissent pas oublier qu'il y eut là jadis des marches forestières sauvages, d'abord et de pénétration difficiles.

Cette bande de forêts, chère aux Mérovingiens, n'est qu'une partie de la lisière qui se déroule au Nord de Senlis par la forêt d'Halatte, et de là se rapproche du massif de Compiègne. Mais la largeur de cette bande est limitée : à l'Est d'Ermenonville, comme à l'Est de Senlis ou de Pierrefonds, on ne tarde pas à voir se reconstituer la plaine limoneuse et fertile, aussi chargée de moissons que dépourvue d'arbres. On retrouve les paysages du Soissonnais et du Valois. Les sables, les couches marneuses ont disparu de la surface, ou ne s'y montrent que par lambeaux.

La région que nous venons de décrire, avec ses lignes de sources, d'étangs et de marais, ses forêts humides et ses forêts sur le sable, fut une ancienne limite de peuples. Le pays appelé France y confine au pays appelé Valois 2; mais en réalité cette distinction, encore vivante dans le langage populaire, en cache une autre plus ancienne et plus profonde. Il y a là une sorte de joint géographique, qu'une longue communauté d'histoire n'a pas entièrement aboli. Cette ville de Senlis, presque environnée par des forêts et des eaux et communiquant vers l'Est seulement de plain-pied avec le plateau agricole du Valois, occupe un de ces sites stratégiques tels que César en décrit chez les Nerviens. Le petit peuple qui s'y était cantonné se rattachait aux confédérations du Belgium, comme plus tard il est resté incorporé à la province ecclésiastique de Reims. Senlis encore aujourd'hui se dit picarde. C'était un autre groupe de peuples gaulois, d'autres rapports et peut-être d'autres usages qui commençaient avec la plaine fertile qui, au Sud de Dammartin, s'incline vers la vallée de la Seine. La Celtique succédait ici au Belgium; et ces différences ethnographiques, consacrées plus tard dans les divisions

1. Sables moyens, dits de Beauchamp. Voir fig. 12.

2. Nous ne pouvons que renvoyer, sur la signification de ce nom de France, appliquée à la région du diocèse de Paris située au Nord de la Seine, au mémoire de M. Longnon (Mémoires de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France, t. 1, 1875). - Nous nous bornerons ici à faire ressortir la persistance de cette distinction de limites dans le langage populaire (par exemple vent de France, Le Bourget en France, etc.); vivant indice des réalités géographiques sur lesquelles elle s'appuie.

ANCIENNES FRONTIÈRES

POLITIQUES.

romaines, correspondaient à des distinctions géographiques que l'analyse permet encore fort bien de découvrir.

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L

'OISE s'encaisse à Beaumont dans la zone calcaire qui lie le Vexin à l'Ile-de-France. Elle a reçu la plupart de ses affluents; elle a déposé la plus grande partie de ses alluvions: il ne reste plus à la rivière picarde qu'à se frayer une voie à travers les roches blanches et tendres qui forment comme une architecture naturelle sur ses bords. Au point où elle s'achève dans la Seine, l'imposante masse de l'Hautie, avec ses rangées étagées de villages, se superpose à la plateforme calcaire, et ferme dignement le cirque de la dépression parisienne. Le Vexin déroule à l'Ouest de l'Oise ses grandes plates-formes calcaires, où courait la voie romaine vers Rouen. Elles sont surmontées, çà et là, comme la plaine parisienne, de quelques monticules sableux. La convexité du plateau porte de grandes fermes, et de loin en loin des villages agglomérés, cernés d'arbes. Ceci rappellerait la Picardie; mais la roche étant plus solide, le relief est plus net; presque plat dans les parties hautes, assez abrupt dans les vallées. C'est par un talus rectiligne formant terrasse, que le Vexin domine les mamelonnements verdoyants de la Thelle et du Bray. A l'Est, c'est par des rampes raides qu'il fait front sur l'Oise. Mais les argiles qui servent de soubassement au calcaire entretiennent à sa base une fraîche végétation; le limon des plateaux a coulé par-dessus les épaules des vallées en couches assez épaisses pour que l'usage d'y creuser des caves y soit général. Enfin surtout le calcaire se prête admirablement à la construction. De ses entrailles sont sortis ces tours et ces clochers qui signalent le moindre village. Ces conditions ont fait naître une des lignes d'établissements les plus nettes et les plus remarquables de la région parisienne : celle qui, par Valmondois, Pontoise, Jouy-le-Moûtier, Andrésy, s'est emparée du bord de la rampe calcaire. Là se succèdent, en disposition linéaire, châteaux, forteresses, églises, et ces riches villages qui, par des rampes ou des gradins taillés dans la pierre, descendent vers des vergers. Notons ce trait caractéristique. C'est sur les contours toujours nets du calcaire marin qu'ont pris position les plus anciens camps, les plus vieilles villes, souvent les plus beaux édifices; les sites de Pontoise, Clermont, Saint-Leu-d'Esserent, Luzarches, en sont des exemples; comme aussi ce castrum de la rive gauche de la Seine qui s'élevait sur la butte Sainte-Geneviève et dominait la petite Lutèce insulaire.

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Ch. Bonnesseur

CARTE 23.

TYPE DE GROUPEMENT A L'OUEST DE PARIS. Les coteaux de l'Hautie bornent à l'Ouest le cirque parisien. On voit nettement, d'abord sur la rive droite de l'Oise et de la Seine, puis, à partir de Poissy, sur la rive gauche du fleuve, l'attraction exercée sur les établissements humains par les matériaux de construction que fournit l'assise inférieure du calcaire dit grossier. Au-dessus de la rangée de villes et bourgs qui suit le calcaire, se déroule, comme un étage supérieur, la ligne de châteaux et de villages qui correspond au niveau de sources des argiles vertes. Les positions de villages soulignent exactement le contact des couches.

HUREPOIX.

IV. SABLES, GRÈS ET FORÊTS AU SUD DE LA

SEINE

TA

ANDIS qu'au Nord de la Seine ce sont généralement les couches les plus anciennes (éocènes) des formations tertiaires qui occupent la surface, ce sont au contraire, sur la rive gauche, des couches plus récentes qui graduellement prennent la prépondérance. Aux calcaires de Brie, qui ne tardent pas à disparaître, se substituent, vers La Ferté-Aleps, Arpajon, Montlhéry, les sables de Fontainebleau surmontés des calcaires de Beauce. Une autre topographie, d'éléments plus simples, s'introduit avec eux.

Le calcaire de Beauce s'était déjà montré, mais par petits lambeaux, au Nord de la Seine. Au sommet du mont Pagnotte qui, vers Pont-Sainte-Maxence, s'élève jusqu'à 220 mètres au-dessus des futaies de la forêt d'Halatte, apparaît un fragment de ce calcaire. Sur les sommets de l'Hautie, on le retrouve, surmontant les sables, par 168 mètres. Au Sud de la Seine, sur les plateaux découpés par la petite rivière d'Orge, le niveau où il existe est déjà abaissé entre 160 et 150 mètres. Mais jusqu'à Dourdan et à Étampes, il ne se montre que dans les intervalles que festonnent des lisières de forêts croissant sur des sables. C'est seulement au Sud d'Étampes qu'il prend entière possession de la surface; et désormais son niveau ne dépasse plus guère 140 mètres. En ces différences d'altitude s'exprime un fait important dans l'histoire géologique du Bassin parisien. Les calcaires lacustres ont subi, postérieurement à leur dépôt, un mouvement d'inclinaison rapide vers le Sud-Ouest. Au Nord de la Seine, ils ont été presque totalement emportés par les courants; au Sud du fleuve, ils subsistent par lambeaux plus étendus; ce n'est qu'à une distance de 50 kilomètres au delà qu'ils règnent sans partage à la surface du sol, et que le Hurepoix fait place à la Beauce.

On a pris l'habitude de désigner sous le nom de Hurepoix le pays qui résulte de cet enchevêtrement de plateaux calcaires et de vallées sablonneuses. Les plateaux n'ont point encore la sécheresse que leur extrême perméabilité leur communique dans la Beauce: des argiles meulières, dues à une transformation siliceuse à laquelle le voisinage des sables n'est pas étranger, entretiennent de l'humidité et même quelques étangs à la surface. Quoique l'affinité soit réelle et sensible avec la Beauce 1, les fermes sont moins espacées, et par

1. Cette affinité semble avoir été saisie dans la nomenclature usuelle. On trouve, par exemple, le nom de Haute-Beauce au-dessus de Dampierre; la Petite-Beauce au Sud de SaintChéron (Carte au 80 000, Feuille de Melun).

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