Images de page
PDF
ePub

se sont taillé sur les versants tournés vers le Sud, entre les champs pierreux qui montent jusqu'à lisière de bois et les talus de moraines qui leur fournissent souvent un meilleur sol. Jusqu'au-dessus de 800 mètres, les dernières granges se hasardent; ensuite, il ne reste plus qu'à s'élever encore de 200 ou 300 mètres pour atteindre les chaumes, les pâturages d'été qui, dès le vir siècle, commencèrent

[graphic][ocr errors][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][merged small][subsumed][subsumed][merged small]

CARTE 33.

[ocr errors]

TYPE DE HAUTE VALLÉE VOSGIENNE DU VERSANT LORRAIN. Par les collines ou versants des vallées, la Bresse a essaimé peu à peu jusqu'à proximité des chaumes. Des routes modernes remontent les vallées. Mais, au xvI° siècle, le chemin appelé chemin des Marchands, venant de Münster et passant au Sud du Rheinkopf, se dirigeait directement vers la Bresse : preuve qu'auparavant le haut de la vallée n'était pas encore occupé. (Voir la carte de Thierry Alix, aux archives de Meurthe-et-Moselle.)

à être méthodiquement exploités. Par eux et par les seuils tourbeux qui les avoisinent on franchit aisément la ligne de faîte qui sépare des riches vallées d'Alsace. Il y avait ainsi près du Rothenbach, au sud du Hohneck, un vieux « chemin des Marchands », que pratiquaient les gens de la Bresse pour se rendre dans la vallée de Münster. Ces hameaux épars dans les vallées formèrent de petites autonomies. Sous le nom de Bans, qu'on retrouve dans toutes les parties des Vosges, ils se groupèrent en petites unités distinctes, ayant leurs relations, leurs costumes et leurs moeurs. On ne s'étonne pas, dans quelques-uns de ces replis retirés, de voir encore de petites communautés d'anabaptistes vivant à part.

A mesure que la population augmenta dans les Vosges, elle demanda davantage aux ressources de la nature ambiante, et principalement à la silve immense et aux eaux courantes. On exploita les forêts pour vendre des arbres à la plaine; et de bonne heure la Meurthe vit s'établir un flottage important vers les riches campagnes de Metz. Des scieries, des moulins à papier profitèrent de la force des rivières. On en comptait un bon nombre dans les Vosges au XVIe siècle; et longtemps même avant cette époque, des verriers utilisaient les sables des Vosges gréseuses, à Darney, comme à Bitche ou à Forbach. La vie industrielle y naquit de bonne heure. Forcée de joindre les ressources du tisserand aux trop maigres profits qu'elle tire du sol, de se mouvoir et de s'entremettre pour vivre, cette population fut soustraite par ses habitudes mêmes à la fixité monotone où s'engourdit parfois l'âme du campagnard. Grâce aux mines autrefois importantes, une colonisation artificielle y assembla comme une marquetterie d'habitants tirés du dehors. Les rangs de la population devinrent peu à peu assez denses pour que l'industrie moderne, en quête d'une main-d'œuvre économique, vint largement y puiser. L'industrie autour et au pied des Vosges a commencé par être humble, issue des besoins élémentaires de l'existence; et néanmoins un lien ne manque pas entre ces pauvres industries de tisserands nées spontanément dans la montagne, et les usines qui s'étalent aujourd'hui dans la plaine d'Alsace ou dans la vallée de la Moselle.

LA LORRAINE

CHAPITRE II

LE région de

E mot Lorraine est un nom historique qui, après avoir flotté des

Moselle. Là s'est constitué un petit État qui a assuré la conservation du nom. De même qu'après des fortunes diverses le nom de France a reçu du Royaume sa délimitation et sa sanction définitives, celui de Lorraine s'est finalement adapté à la partie de son ancien domaine où naquit une individualité politique. Mais sous cette création en partie artificielle, on retrouve une région géographique qui la dépasse et la complète. Celle-ci ne s'étend pas jusqu'aux Pays-Bas assurément; il y a entre ces deux parties du vieux royaume lotharingien toute l'épaisseur de l'Ardenne et de l'Eifel. Mais elle correspond à un faisceau fluvial nettement individualisé, celui de la Moselle.

Sur le plan incliné qui se déroule à l'Ouest des Vosges, toutes les rivières ont été entraînées vers un sillon qui s'est creusé de bonne heure par affouillement au pied des roches calcaires de la bande oolithique. Les couches marneuses qui en constituent la base offraient à l'érosion une proie facile. Des environs de Mirecourt à ceux de Thionville, sur plus de 120 kilomètres, cette zone de moindre consistance traçait le lit prédestiné d'une rivière maîtresse, apte à recueillir toutes les eaux du versant occidental des Vosges. La Moselle, non sans tâtonnements, finit par s'installer, à Frouard, dans cette dépression. La pente qui l'attirait vers le Bassin de Paris fut en concurrence avec celle qui sollicite vers le Nord les eaux de la région rhénane c'est celle-ci qui l'emporta, maintenant la Moselle sur la

1. Voir plus bas, fig. 34.

LA MOSELLE.

LIMITES

NATURELLES

bordure jurassique. Elle devint ainsi l'artère principale d'un réseau, presque unilatéral il est vrai, mais riche et puissamment ramifié.

Une grande rivière vosgienne semblait pourtant vouloir échapper à l'attraction de la Moselle, et esquisser un cours indépendant. La Sarre, née au pied du Donon, pénètre au Nord dans le bassin houiller et ne rejoint qu'après un long détour la grande rivière lorraine. Elle vient cependant se confondre avec elle, au moment où les deux courants réunis s'apprêtent à accomplir, entre le Hunsrück et l'Eifel, une percée analogue à celle du Rhin à travers le massif schisteux. La Moselle n'aura plus désormais qu'à achever romantiquement son cours en méandres sinueux dans un pays accidenté et solitaire. Son confluent avec la Sarre, comme celui du Main et du Rhin, marque l'achèvement d'un faisceau fluvial autonome. A l'extrémité de la riante vallée chantée par Ausone, entre des coteaux de vignes, Trèves, la ville romaine, occupe une position qu'on peut comparer à celle de Mayence. Si celle-ci fut la métropole de la province de Première Germanie, Trèves fut celle de la Première Belgique.

Il est utile de se reporter à ces vieilles divisions, dans lesquelles s'expriment les premiers groupements politiques de peuples. La province romaine s'est d'ailleurs continuée par la circonscription ecclésiastique de Trèves, et de nombreux rapports ont longtemps maintenu un reste de cohésion. Mais à la longue les morcellements féodaux, princiers ou ecclésiastiques, ont prévalu; ils ont séparé diverses parties, sans réussir toutefois à abolir entièrement l'empreinte d'autonomie régionale qui s'étend à toute la contrée dont la Moselle est le lien.

Une autre cause d'autonomie fut l'isolement. Ces roches de grès rouge qui encadrent sur la rive gauche la Moselle à Trèves, sont DE LA LORRAINE. l'extrémité de la longue zone, arénacée et forestière, qui entoure d'une sorte d'arc de cercle la région lorraine. Nous avons vu, au Sud-Ouest, se détacher du flanc des Vosges une zone de forêts et d'arbres qui enveloppe les sources de la Saône. Vers le Nord aussi elle se prolonge par les bois sans fin de la Haardt. Puis, vers Deux-Ponts, elle tourne à l'Est, se rapprochant ainsi de la Sarre, qu'elle enveloppe à Sarrebrück de ses profonds replis. C'est comme une réapparition du pays vosgien que ce massif de Forbach à Saint-Avold, où d'étroites vallées, servant d'asile aux villages et aux cultures, entaillent les tranches rouges des roches boisées. Un vaste croissant de forêts enveloppe presque ainsi la Lorraine à l'Est, au Nord et au Sud. Il a contribué à l'isoler; car on ne pouvait le traverser que par les éclaircies naturelles ou par des amincissements qui çà et là réduisaient le domaine de la forêt; par exemple à Saverne et à Bitche,

SOL ET RELIEF

DE LA LORRAINE.

par la dépression de Kaiserslautern entre
Metz et Mayence, ou encore au Sud-Ouest,
par les plateaux découverts qui mènent
vers la Meuse naissante. Pendant long-
temps ces longues vallées ont dormi soli-
taires sous leur épais massif forestier. Et
quand, plus tard, l'industrie et la popula-
tion pénétrèrent dans cette région d'exis-
tence pénible, elle resta encore une sorte
de marche frontière, que la pauvreté de
ressources rendait peu pénétrable.

Plusieurs causes ont ainsi contribué à
individualiser la Lorraine. Ce qui a le plus
frappé les habitants, c'est la différence de
sol avec les régions voisines. Il faut un con-
traste saisissable à l'œil pour qu'une con-
trée se détache, se précise par un nom
spécial. Ce contraste ne manquait pas,
lorsqu'au sortir des solitudes boisées de la
Haardt on passait dans le Westrich, ou
lorsque des grès de la Vôge on débouchait
dans les calcaires de la Plaine. L'impression
en est plus subite encore, lorsque, du
seuil de Saverne, on voit devant soi se
dérouler les coteaux lourds et nus qui
précèdent Sarrebourg. C'est un nouveau
pays qui commence, avec un autre sol,
d'autres produits et d'autres mœurs.

[blocks in formation]

Côte du lias calcaire

[merged small][ocr errors]

Talus du calcaire coquillier

Docelles

W.

8

Márnes oxfordiennes

du lias

FIG. 34.
Marnes, Calcaires
6'

6

5

4

3

Marnes irisées Calc.coquillier Grès bigarré
(Muschelkalk)
COUpe géologique d'ÉPINAL A NEUFCHATEAU.

1

Grès vosgien

Granit

Les couches obéissent à une inclinaison générale vers l'Ouest. Le travail des eaux, suivant cette pente, a mis en saillie sous forme de talus les roches plus dures. C'est aux dépens des marnes du lias (6') qu'au Nord de la région traversée par la coupe la Meurthe et la Moselle réunies ont creusé leur lit, le long de la côte oolithique. Calcaire oolithique

« PrécédentContinuer »