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concurrence avec la voie de mer, une voie terrestre, qu'il nous paraît difficile de considérer comme antérieure au ve siècle avant l'ère chrétienne, fut organisée par les Marseillais. Posidonius, un siècle avant J.-C., dit que l'étain britannique était expédié à Marseille 1; et Diodore décrit le système de transport par chevaux qui le faisait parvenir en trente jours du Pas de Calais à l'embouchure du Rhône 2.

Ainsi se glissèrent en Gaule, soit indirectement par le détour de l'Océan, soit directement par les voies intérieures, de nombreux ferments de vie générale. Des nœuds de rapports se fixent alors; des points de concentration s'établissent ce sont, dans le développement de l'être géographique que nous étudions, quelque chose d'analogue à ces « parties constituantes », à ces « points d'ossification » dans lesquels les naturalistes nous montrent le commencement de l'être humain. Un grand pas est fait dans le développement géographique d'une contrée quand les fleuves ou rivières, au lieu d'être simplement recherchés comme sites de pêche ou fossés de défense, deviennent des voies de communication, suscitent des marchés aux confluents ou aux embouchures, des établissements aux étapes où la batellerie doit changer ses moyens de transport. Avant même la domination romaine, mais surtout depuis, Vienne, Lyon, Chalon-sur-Saône, Roanne, Decize, Nevers, Gien, Orléans, Troyes, Melun, Paris, etc., préludent ainsi à la vie urbaine. Par là s'introduit à travers les habitudes de vie locale le mouvement entretenu par une population dont l'existence est vouée au trafic et au transport. Les premiers renseignements historiques sur la Gaule nous montrent des habitudes de circulation active, par les routes plus encore que par les fleuves. Sans doute sur les plateaux calcaires ou à silex qui occupent, surtout dans le Nord, une grande étendue, les matériaux s'offraient d'eux-mêmes à l'empierrement, et la nature faisait presque les frais des routes. Mais ce qui prouve qu'elles servaient déjà à des relations lointaines, c'est la curiosité même qui y attirait les populations; on y accourait pour savoir les nouvelles 3.

Il y avait déjà chez ces peuples quelque chose que les Grecs du ve siècle avant J.-C. traduisaient par le mot philhellène. Cela voulait dire des gens accueillants pour les étrangers, aptes à apprécier les avantages et à se conformer aux habitudes du commerce. C'est dans le même sens que les habitants des districts métallurgiques de

1. Posidonius, dans Strabon, III, 11, 9.

2. Diodore de Sicile, V, 21, 22.

3. César, De bello gallico, IV, 5.

4. Ephore, Fragmenta historicorum græcorum, t. 1, édit. Didot, 1853-70; fragm. 43, p. 245.

la Cornouaille étaient réputés «< pacifiques », que plus tard on parla de << la douceur » des Sères; et qu'Eginhard, plus tard encore, louait l'esprit de douceur des habitants de la côte de l'ambre.

La Gaule ne fut pas la seule contrée médiatrice entre la Méditerranée et les mers du Nord. Sur le haut Danube, autour de Hallstatt, le sel et le fer attirèrent des voies de commerce. Par la plaine danubienne et la Moravie était la route que prit l'ambre de la Baltique pour parvenir à l'Italie. La Dacie fut exploitée pour ses mines d'or. La Russie méridionale ouvrit ses fleuves aux colonies grecques de la mer Noire. Chacune de ces contrées servit à sa manière d'intermédiaire avec les contrées de la Baltique et de la mer du Nord. Celles-ci, isolées par une ceinture de marais et de forêts dont les peuples du Midi ne parlaient qu'avec horreur, tirèrent de leur propre fonds une civilisation originale qui ne commença que tard, à peine cinq siècles avant notre ère, à entrer en contact direct et en relations fréquentes avec la Méditerranée. Mais bien auparavant, la civilisation du Sud s'était fait jour dans les contrées intermédiaires. Ce grand foyer avait projeté autour de lui une auréole de demi-culture qui embrassait les contrées du Danube, du Rhin et de la Gaule. Celle-ci en profita plus qu'aucun autre. Vers 500 ou 600 avant J.-C., elle avait assez de besoins généraux pour que la civilisation des bords de la Méditerranée fût pour elle comme une table richement servie. Le passage de la civilisation du type de Hallstatt qui fait place, vers 400 avant notre ère, à la période dite de la Tène, exprime une accélération de progrès qu'il n'est que juste de rapporter à l'accroissement des relations avec la Méditerranée 1.

CONTRÉES

INTERMÉDIAIRES

ENTRE LE SUD

ET LE NORD DE L'EUROPE.

COUP D'EIL

En mettant en contact l'Orient méditerranéen et l'Ouest de l'Europe, la mer remplit le rôle qui semble lui appartenir dans le domaine SUR LA Méditerde la civilisation comme dans le monde physique, celui d'amortir les contrastes, de combler les inégalités.

RANÉE DANS NOTRE HISTOIRE.

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Des mers qui baignent notre pays, la Méditerranée est la seule dont l'influence se soit fait puissamment sentir sur nos origines. Ce qu'elle nous a surtout communiqué, c'est ce que la barque du commerçant porte avec elle, le luxe dans le sens du superflu nécessaire à la civilisation, l'éveil et la satisfaction de besoins nouveaux. Elle fut une initiatrice; et c'est pourquoi son nom éveille en nous le charme . qui s'attache aux souvenirs d'enfance.

Ce que la Méditerranée avait été pour notre pays aux débuts

1. La civilisation de la Gaule indépendante est exposée par M. Bloch dans le tome I, livre II, chapitre 1 de l'Histoire de France. Sur la civilisation de Hallstatt et de la Tène, voir liv. I, chap. 1, p. 11.

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lointains, elle le reste longtemps encore. Pendant longtemps tout ce qui présentait un degré de vie supérieur, tout ce qui éveillait une idée de raffinement intellectuel et matériel, continua à émaner de la Méditerranée. Jusqu'à l'époque étonnamment tardive où l'Europe connut d'autres contrées tropicales que celles auxquelles la Méditerranée donne accès, cette mer fut la seule voie d'où pouvaient provenir certains produits dont la civilisation avait fait une nécessité. La foire de Beaucaire était encore, il y a cinquante ans, dans le Midi, l'objet de dictons rappelant ce passé.

Cependant les rôles avaient changé, s'étaient presque intervertis entre l'Orient et l'Occident. Mais sur l'Orient déchu, pulvérisé, réduit en miettes de peuples et de sectes après les invasions arabes, reflua la force compacte du royaume de France. Son rôle fut tel que c'est dans son nom que se résuma, pour les populations syriennes échappées à l'Islam, l'idée de l'Occident chrétien, - idée associée à celle de protection et de patronage. Le nom de France acquit un prestige dont les restes sont encore assez vivants pour arracher parfois un aveu à nos rivaux.

CHAPITRE III

LES INFLUENCES DU DEHORS (suite)

LE CONTINENT

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A France, malgré sa position sur les deux mers, adhère largement au tronc continental. Elle s'incorpore au continent, comme une statue aux trois quarts encore engagée dans le bloc. Elle en est partie intégrante. Qu'on songe en effet qu'avec nos terres armoricaines se termine la plus longue bande continentale du globe de nos côtes à celles de l'Asie orientale les terres se déroulent sans solution de continuité sur 140 degrés de méridien, en s'élargissant de plus en plus vers l'Est. Il y a donc pour la contrée qui expire entre 46° et 51° de latitude sur l'Océan, soit de la Rochelle à Calais, un hinterland énorme, dont une partie au moins, n'étant pas séparée d'elle par de hautes montagnes, pèse de tout son poids. La pression des influences continentales s'y exerce dans sa plénitude, tandis qu'elle s'atténue plus ou moins sur l'Italie, l'Espagne, la GrandeBretagne, les îles et péninsules qui rayonnent autour d'elle.

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DIFFERENCES

LES CONTINENTS

ET LES ÎLES.

Les naturalistes analysent les différences que présente la marche de la vie végétale et animale, selon qu'elle se produit dans les îles POLITIQUES ENTRE ou sur les continents. Ils nous montrent que le nombre d'espèces va diminuant dans les îles, suivant la distance qui les sépare du continent. A la grande complexité qui caractérise sur les continents le tableau de la vie, se substitue dans les îles une simplicité relative. Les éléments qui composent le monde vivant étant ici moins nombreux, il en résulte que les conditions de la lutte pour l'existence sont différentes. Certaines espèces que leur faiblesse vouerait sur le continent à une destruction rapide, parviennent, dans les îles, à se conserver longtemps; et leur nombre, relativement considérable,

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imprime un cachet d'autonomie aux flores et aux faunes insulaires. Il est vrai que cet état d'équilibre est vite rompu si les circonstances introduisent des espèces plus vigoureuses et envahissantes. Devant ces nouveaux champions qui entrent en lice, la résistance des espèces qui n'avaient d'autre garantie que leur isolement ne tient guère. On voit alors des changements d'autant plus brusques et radicaux que l'isolement avait été plus complet. L'arrivée des Européens aux Mascareignes, à la Nouvelle-Zélande, a été le signal de révolutions de ce genre.

On peut faire application de ces notions aux faits de la géographie humaine. Les îles et, dans une certaine mesure, les péninsules puisent dans un fond ethnique moins riche que les continents. Elles offrent le spectacle de développements autonomes, interrompus de temps en temps par des révolutions radicales. C'est une conséquence de l'espace limité et relativement étroit alloué aux sociétés qui s'y sont formées. Le cadre où elles sont contenues est pour elles une sollicitation permanente d'autonomie. Elles y tendent comme vers leur état naturel. Cette autonomie, plus facilement réalisée qu'ailleurs, s'étend aux habitudes, au caractère, parfois jusqu'à l'histoire. L'exemple de l'Angleterre et de l'Espagne montre comment des parties complètement ou à demi détachées du continent et plus libres ainsi de s'absorber dans une tâche unique, peuvent porter dans leur histoire le caractère de spécialisme qui distingue chez elles la nature vivante. Mais nulle part non plus on n'a observé de changements plus radicaux. N'est-ce pas dans des îles ou des péninsules que se sont produites, et là seulement que pouvaient se produire, des ruptures telles que la substitution d'une Angleterre saxonne à une Bretagne celtique, d'une Espagne chrétienne à une Espagne moresque, d'un Japon moderne à un Japon féodal, et peut-être jadis d'une Grèce hellénique à une Grèce mycénienne? Ces révolutions frappent par un certain caractère de simplicité dans la façon dont elles s'accomplissent et par la possibilité de les ramener à peu près à des dates déterminées.

La marche de la vie sur les continents est différente. Elle se déroule sur un plan plus vaste. Plus de forces sont à l'œuvre pour faire continuellement succéder un nouvel état de choses à l'ancien; mais le changement rencontre aussi plus de résistances. L'aire de propagation des espèces vivantes, et en particulier des mouvements humains, embrasse des étendues d'autant plus considérables que la limite la plus difficile à franchir, celle de la mer, est plus éloignée. La juxtaposition en Europe des races germaniques et slaves, les invasions turques et mongoles, l'extension de la civilisation chinoise, sont par excellence des faits continentaux. Une complexité plus

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