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PLATEAU

SEPTENTRIONAL.

régulière de roches micaschisteuses injectées de bancs granitiques.
Des sources et des sillons temporairement suivis par les rivières
jalonnent le contact des deux roches. Les croupes granitiques s'éta-
lent surtout entre la Vilaine et le Blavet ; et le pays alors devient plus
grand, plus découvert, plus nu; ce sont les landes qui ferment régu-
lièrement au Nord l'horizon du pays de Vannes, landes arides, mais
plus ou moins fleuries, et dont l'âpreté n'exclut pas une certaine
douceur. Derrière se déroulent des arêtes parallèles de grès alternant
avec des schistes plus tendres, mais laissant encore à ces différents
faisceaux assez de largeur pour que la Vilaine, qui les traverse entre
Rennes et Redon, trouve entre les défilés du grès d'assez spacieux bas-
sins pour s'épanouir. La topographie ne traduit pas moins nettement
le resserrement des plis vers l'Ouest. Une mince vallée rectiligne
s'allonge entre Rosporden et Quimper; sources, étangs et prairies s'y
pressent entre des croupes largement convexes. Les hauteurs dites v
Montagnes Noires sont couronnées par une double crête amincie de
grès et de quartzites, entre lesquels un étroit sillon moule en creux
le banc moins consistant des schistes.

La Vilaine, le Blavet et bien d'autres rivières traversent par une pente lente vers le Sud les bandes successives de roches: aucune n'a eu la force de combiner le réseau de ce Plateau méridional en un ✓ système hydrographique commun. Seule, l'Aune ou Rivière de Châteaulin, sinueuse dans son ancienne cavité lacustre, trouve sa voie vers l'Ouest en suivant un cours tracé en partie dans la dépression centrale.

Des plis allongés d'un vert sombre dessinent à l'horizon cette structure monotone. Les creux verdoyants alternent avec les croupes sèches; et il faut, par des rampes continuellement répétées gravir la barrière multiple qui sépare la mer de l'intérieur.

Le Plateau septentrional borde la Manche depuis Dol jusqu'au Pays de Léon. Mais il est moins étendu, plus coupé, jalonné en sens divers par des axes anticlinaux, dont la racine mise à nu apparaît sous forme de traînées granitiques. La plus soutenue de ces traînées, la mieux marquée dans le relief est celle qui des Landes du Méné, près de Moncontour, aux monts d'Arrée, sépare par une ligne irrégulière le versant de la Manche de celui de l'Atlantique. Tantôt allongés en sillons, tantôt proéminents en bosses de forme elliptique, les granits, ainsi que les grès armoricains et les quartzites qui les bordent, dressent entre les dépressions de schistes désagrégés ces formes en saillie, parmi lesquelles le vocabulaire breton sait distinguer des méné (monts pierreux), des creach (pointements rocheux), des quim (échines), etc. Nulle part ainsi la rude ossature ne se laisse oublier; partout elle se fait jour à travers la végétation épaisse et velue. Par

la hauteur ces reliefs, dont les plus élevés n'atteignent pas 400 mètres,
sembleraient à peine des montagnes. Mais ce sont des échappées de
nature stérile et sauvage, des espaces vides où les routes d'aujour-'
d'hui poursuivent pendant des lieues un trajet solitaire. Les monts
d'Arrée se dressent sans vallées, sans contreforts, comme une côte
unie et raide dont le faîte est entrecoupé de distance en distance
par des buttes sombres et déchiquetées. C'est à peine une montagne,
et cependant l'impression est la même que dans les plus sévères soli-
tudes des hauts lieux. C'est en effet une ruine de montagne, une
chaîne contemporaine des premiers âges du globe, usée maintenant 11
jusqu'à la racine. A ses pieds, au Sud, vers la chapelle Saint-Michel
de Brasparts, s'étend un désert de landes ternes et couleur de rouille,
de bruyères naines, d'ajoncs rabougris, encombré de blocs et de
marécages. Il y a là, entre les bosses de grès, des tourbières où l'on
enfonce, où le bétail risque de se perdre. Les rafales font rage et
imbibent ce sol spongieux d'où suintent les eaux dont une partie va
tomber en cascades à travers les granits d'Huelgoat. Ce n'est qu'un
coin perdu aux confins de la Cornouaille et du Léon, mais qui
évoque, dans une vision subite, une scènerie digne du Connaught et
des bogs d'Irlande.

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L

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Telles sont les formes de terrain qui prennent le dessus en Bre- BASSIN DE REnnes. tagne. Elles sont en général plus âpres que dans le reste de l'Ouest. En Bretagne aussi cependant, dès que la surface est constituée par des sols de conformation plus tendre, se montrent des réminiscences parfois étendues de nature bocagère. Un véritable bassin intérieur s'est creusé ainsi dans les schistes de Rennes; une dépression qui descend jusqu'à 30 mètres. L'érosion y avait de longue date accompli son œuvre, car l'invasion marine de l'époque miocène trouva le bassin déjà préparé pour s'y répandre, et y laisser les faluns ou sables coquilliers qui contribuent avec les schistes à la formation de la nappe limoneuse. Toute roche a disparu de la surface; le sol argileux, ramolli par les agents atmosphériques, n'a que de faibles ondu-i lations et se morcelle dans l'encadrement des haies. Les rivières convergent de toutes parts, et celle qui, après les avoir recueillies, s'engage vers le Sud à travers la barre de grès qui ferme l'horizon, la Vilaine, est la plus considérable de la Bretagne. Sans doute le pays est restreint; entre les forêts qui le bordent il serait excessif d'estimer à plus d'un millier de kilomètres carrés son étendue. Mais c'est, dans une région morcelée, un point naturel de concentration. Entre Nantes et Saint-Malo la Bretagne orientale prit fixité et assiette dans ce pays des Redones, et quand la Bretagne se chercha une capitale, c'est dans ce bassin intérieur qu'elle la trouva.

LA FORÊT
CENTRALE.

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Tout autour, des landes imparfaitement défrichées, quelquesunes à demi noyées sous les étangs, des bouquets de bois, des lambeaux de forêts, des arêtes ou des buttes de grès signalées de loin par des pins, isolent ce Bassin de Rennes. Entre Rennes et Fougères, ▾ l'aspect de bocage fait place à une nature plus aride et plus ingrate dès qu'on approche des rocs de grès que surmonte la forteresse de Saint-Aubin-du-Cormier. Au Sud, il n'y a pas longtemps que le territoire haché de bandes de grès qui s'étend jusqu'à Châteaubriant et ' au Pays nantais portait le nom de désert. Mais c'est surtout vers l'Ouest que régnait jadis une large zone d'isolement. Sur les grès sté- + riles du Massif de Paimpont, et au delà jusqu'à Loudéac, Quintin, Lanouée s'étend une région d'aspect forestier, encore à demi boisée, célèbre dans les souvenirs de la Bretagne. C'était la forêt centrale, la Broceliande légendaire des romans de la Table Ronde. Tout le pays, comme l'indique son nom de Poutrecoët ou Porhoët, était réputé forêt marches solitaires, livrées aux guerres et aventures; région politiquement neutre, et dont la population, assurément rare, vivait chichement de culture pastorale et du produit des bois. Ce n'est pas sans] tristesse qu'on traverse encore entre Quintin et Loudéac ces maigres taillis sans fin. Il y avait là jadis de grandes forêts de chênes,✓ que des siècles de négligence ont mutilées, mais qui tiennent une grande place dans la physionomie historique et dans la vie domestique de la Bretagne. Une grande partie de son matériel ethnogra- v phique est sortie de là. Il est impossible encore aujourd'hui d'entrer dans une maison bretonne, si pauvre et si écartée qu'elle soit, sans remarquer à combien d'usages, dans le mobilier, les constructions, les ustensiles, la main bretonne a su assouplir le bois. Jusqu'où s'étendait cette région de solitudes silvestres? Peut-être à l'Ouest jusqu'aux approches de Carhaix, c'est-à-dire sur presque toute la vicomté de Rohan. Ce fut en tout cas un vaste territoire arriéré qui ne fut pas sans influence sur les destinées de la Bretagne. Là s'amortirent les immigrations celtiques venues d'outre-mer au vi° siècle. Dans les textes des Ix et xe siècles, la contrée occidentale appelée bretonne ne dépasse pas cette zone : « On sort du Pays de Rennes pour entrer en Bretagne ». La limite actuelle des dialectes bretons est encore aujourd'hui en rapport visible avec cette marche frontière. Au delà, vers l'Ouest, l'intérieur n'offre plus que des centres factices, tels que celui que les Romains avaient créé à Carhaix, et nous-mêmes à Pontivy.

Il y a donc, à défaut de vraies montagnes, des espaces solitaires et sauvages qui déterminent une séparation réelle entre les

pays de l'intérieur. Sous l'empreinte commune d'une nature au fond assez monotone, subsistent des différences de pays, qui, tiennent au peu de rapports qui existent entre les habitants. Celui qui, habitué aux campagnes du reste de la France, où généralement se croisent des types divers, examine une foule bretonne, a souvent l'impression d'une homogénéité plus grande, d'une ressemblance physique plus générale. L'aspect indique un moindre mélange que dans les autres parties de la France, non seulement avec l'extérieur, mais d'un groupe à l'autre. Isolées dans leurs fermes perdues entre les sentiers fangeux et sous les arbres, les populations bretonnes de l'intérieur forment une masse de pénétration lente et difficile. Les marchés de petites villes, où elles se rencontrent périodiquement, n'ont pas une vie assez forte pour effacer toute autre impression. D'autant mieux reste gravée dans l'âme l'image du pays même. Cette nature où se combinent la lande, les bois, les champs de culture, les espaces vides, se fixe dans un ensemble inséparable dont l'homme emporte le souvenir avec lui. Pâtre autant qu'agriculteur, le paysan breton n'a pas pour ces landes incultes le dédain mêlé d'aversion qu'éprouve ailleurs notre cultivateur pour les «< mauvaises terres ». Elles sont comprises dans l'image qu'il se fait de son pays. Nulle part plus qu'en ces endroits sauvages il n'a édifié de chapelles de saints, dressé de Christ en granit. Ce ne sont pas les parties riantes, mais les sources des hauts lieux, les rocs, les blocs isolés dans les landes, qu'il recherche pour les assemblées où il semble périodiquement se retremper dans la conscience de son pays. Dans ces contrées où l'horloge du temps retarde, c'est encore pour lui une manière inconsciente de pratiquer les vieux cultes, et de revenir aux anciens dieux.

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A Bretagne expire, à demi noyée, dans l'Atlantique. La partie de cette surface, arasée et ravinée de longue date, qui plonge aujourd'hui sous les eaux, laisse encore deviner entre des chaussées d'îles ou d'écueils l'existence et la direction de vallées submergées. Aux basses mers, c'est à perte de vue que se découvrent souvent les débris émiettés qui prolongent les rivages. La partie émergée n'a, pour les mêmes causes, que des pentes si faibles et des niveaux si bas, qu'elle ouvre à l'Océan de longues et multiples voies de pénétration. Chaque jour ramène périodiquement, jusqu'à des distances de 20 kilomètres et au delà, la même transformation: la rivière insignifiante, bordée de bancs vaseux, se change pour plusieurs heures

ÉTENDUE

DE LA ZONE
LITTORALE.

STRUCTURE
DE LA CÔTE

en un courant tourbillonnant à pleins bords; les chenaux marécageux s'animent tout à coup et dessinent un réseau de veines par où l'eau vive et l'air salin circulent à travers les croupes verdoyantes. Jusqu'au pied des châtaigniers et des chênes qui bordent les pentes, le flot pénètre. Il va réveiller un peu de vie à l'extrémité des estuaires, dans ces vieilles petites villes où parmi les arbres et les prés sommeillent quelques barques. Il pénètre entre les archipels du Morbihan; et jusque dans les replis reculés où les eaux semblent dormir au milieu des arbres, un léger tressaillement périodique fait chuchoter la voix de l'Océan.

Ainsi l'abaissement général du niveau et la multiplicité des découpures, qui tiennent au passé géologique de la Bretagne, se combinent avec l'amplitude des marées pour étendre beaucoup la largeur de la zone que le langage confond sous le nom de côte. Ce n'est pas ici une simple ligne de contact entre la terre et la mer, mais une bande régionale qui tout le long de la péninsule engendre des phénomènes variés, au point de vue de la nature et des hommes. Les dimensions qu'elle atteint justifient et expliquent son importance dans la vie de la Bretagne.

Cette côte reflète dans ses formes de détail les traits de structure de la péninsule. Régulièrement parallèle à la direction longitudinale du Plateau méridional et lentement inclinée, comme lui, vers l'Ouest, elle se compose, au Sud, d'une bande insulaire qui, à l'archipel de Glénan, se déprime et s'émiette, et d'une bande continentale qui s'affaisse, en vrai fin des terres, à Penmarch. Insensiblement, dans un paysage empreint de monotonie grandiose, où à défaut d'arbres se dressent de toutes parts des restes de clochers ou de tours, le continent expire; et d'énormes amoncellements de blocs. laissent à nu son soubassement granitique sapé par une houle sans fin.

La côte occidentale est l'affleurement des bassins synclinaux qui continuent, entre les deux ailes relevées du Massif, le Bassin de Châteaulin. Mais entre la baie de Douarnenez et la rade de Brest quelquesunes des roches les plus dures de l'ossature bretonne, hachées en outre de nombreux filons éruptifs, se dressent en forme de caps et de péninsules. Elles se découpent d'autant plus vivement que, sous l'effort direct des vents et des vagues, toute formation susceptible d'être enlevée a presque entièrement disparu. La roche elle-même taillée en arcade, sculptée en tours, jonchée à la base d'une mosaïque de galets vivement bariolés, dit assez, à Morgat ou à la Chèvre, quels assauts elle soutient contre les vagues.

A Brest commence, avec les gneiss du Pays de Léon, le Plateau

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