Images de page
PDF
ePub

II

LE MIDI PYRÉNÉEN

CHAPITRE PREMIER

C

LES PYRÉNÉES

ES cimes pyrénéennes dentelées qui, de Carcassonne à Orthez, bornent par un temps clair l'horizon, semblent de loin la plus continue des barrières. Mais si l'on pénètre entre leurs replis, ce qui paraissait un mur se décompose en une série de zones se succédant en disposition longitudinale. Entre le Canigou, nourricier de la Vega roussillonnaise, et le Pic du Midi d'Ossau, dernière apparition des granits vers l'Ouest, se déroule tout un monde de chaînes calcaires et marmoréennes, interrompues ou suivies de bandes schisteuses et granitiques; puis de nouveau les Sierras calcaires recommencent, elles s'étendent en larges plateaux éventrés de cañons; et enfin, bien au delà vers le Sud, d'autres Sierras traversées en brèche par des rivières marquent vers la plaine de l'Èbre la fin des Pyrénées. C'est un espace de 140 kilomètres au moins, dans la partie centrale, que couvrent les Pyrénées; et de cet ensemble le versant français ne représente guère plus d'un tiers.

A l'extrémité orientale seulement, la France pénètre plus avant, et là jusqu'au cœur même du monde pyrénéen. La grande zone granitique, ou zone centrale, qui s'étend depuis le Massif de Carlitte jusqu'à la Méditerranée, s'encadre entre nos vallées roussillonnaises. Brusquement tranchées par les effondrements qui ont étalé à leur base une plaine basse, les Pyrénées, qui viennent de culminer au Canigou1, expirent en pleine force. Entre les deux régions que les fractures ont fait tomber en profondeur, le Roussillon et l'Ampurdan 1. Canigou, 2785 mètres.

HAUTS PAYS
PYRÉNÉENS.

espagnol, la barrière se réduit au mince écran des Albères. Encore même, comme il arrive souvent dans les parties pareillement disloquées de la Grèce orientale, la continuité des chaines est-elle atteinte. La route du Pertus franchit la frontière par 290 mètres d'altitude seulement.

Cependant il suffit de quelques heures, en remontant l'étroite et ébouleuse vallée par laquelle la Tet s'insinue au cœur de la chaine, pour atteindre, à Montlouis, un de ces grands plateaux granitiques qui sont particuliers à la partie orientale et centrale des Pyrénées.. C'est comme un socle large et élevé, sur lequel à droite et à gauche, se dressent des montagnes le surmontant d'un millier de mètres. Les glaciers n'y sont plus, mais aux échancrures demi-circulaires qui entaillent les cimes, à la multiplicité des vasques, des étangs, des petits lacs, leur ancienne présence se décèle. Ils ont sur le plateau granitique accumulé des moraines et entraîné des alluvions qui le recouvrent en partie et en amendent la stérilité. Sur ces dépôts meubles se sont établies des cultures, dont à défaut d'autres preuves on devinerait l'ancienneté à voir combien la forêt a presque partout disparu de ces hauteurs. D'étroites et sombres bandes de pins de montagne marquent çà et là sur les pentes les places qu'elle a pu encore conserver. Des bourgs formés de plusieurs hameaux, quelques-uns avec de vieilles fortifications, une ville, Puigcerda, bâtie sur une moraine dont le Sègre rase le pied, indiquent l'existence d'une sorte d'autonomie cantonale dont la frontière politique n'a pas tout à fait éliminé les traces. Et de fait, lorsque les plaines de l'Ampurdan et du Roussillon étaient désolées par les invasions arabes, lorsque pendant plus de deux siècles elles servaient de champ de bataille aux Francs et aux infidèles, la Cerdagne échappait aux dévastations. La population de la plaine, au moment de la reconquête, fut entièrement renouvelée; là-haut était un refuge où elle subsista avec ses usages, ses institutions, ses relations propres. De ces antiques usages tout ne s'est pas conservé. Rares sont les cantons qui, comme l'Andorre, ont pu par hasard garder une autonomie politique. Toutefois les différences entre Cerdagne et Roussillon, montagne et plaine, restent assez marquées pour faire saisir le contraste qu'une différence d'altitude d'un peu plus d'un millier de mètres peut introduire entre les destinées historiques de pays voisins.

Ces cantons montagneux se groupent surtout dans la zone où les hautes vallées confinent aux pâturages. Vers les sources de la Garonne, du Gave de Pau comme de l'Aude et de l'Ariège, s'étendent de larges espaces où moutons et bergers se rendent en été: pasquiers, pla, calms, estiba, noms dont la diversité même atteste la place qu'ils

[subsumed][subsumed][merged small][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][subsumed][merged small][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][merged small][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][merged small][graphic][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][merged small][subsumed][merged small][merged small][merged small]

Le Massif central, prolongé par les granits du Rouergue, butte par une faille bien marquée dans le relief (vers Villefranche), contre les calcaires jurassiques du Quercy. Au sud de la Garonne, les débris arrachés aux Pyrénées s'amoncellent à leur pied en larges talus, puis s'étalent, sous forme de sables, dans les Landes. Là s'élèvent des dunes de différentes époques : les plus récentes bordent le littoral et gênent l'écoulement des eaux.

COMMUNICATIONS . INTÉRIEURES

DE LA MONTAGNE.

tiennent dans l'existence montagnarde. Les pâturages du Carlitte, où des milliers de moutons venaient chaque année, au XVIIIe siècle, de la vallée du Sègre, confinent à la Cerdagne et au Capcir; ceux du Pla de Béret au Val d'Aran; les estives voisines du Mont-Perdu communiquent avec le groupe des Vallées de Barèges. Des fêtes y réunissent à certaines dates les montagnards autour de quelque chapelle. Pour exploiter ces pâtis communaux il a fallu s'entendre, former entre les cantons limitrophes qui donnent accès à ces hauts lieux, des associations ou jurandes. Pour cela, la distinction entre versants n'a guère d'utilité pratique, car les pâturages s'étalent indifféremment des deux côtés. On ne sait à quelle date remontent ces traités de lies et passeries, qui étaient pratiqués au xvre siècle entre nos vallées ariégeoises et le Val d'Aran espagnol, et ailleurs encore. C'étaient des conventions réputées valables même en temps de guerre, destinées à assurer la pratique régulière de l'économie montagnarde. Que parfois ces montagnards séparés entre Espagne et France, mais unis par des intérêts communs, s'entendissent entre eux, plus qu'avec les gens de la plaine, c'est une accusation souvent répétée dans les anciens écrits locaux : faut-il s'en étonner?

Dans les Pyrénées comme dans les Alpes, les nécessités de la vie pastorale protestent souvent contre les séparations factices introduites par la politique s'inspirant d'une fausse géographie.

De ces hautes parties de la montagne, les rivières, surtout celles du versant septentrional, se précipitent par une série alternante de gorges et de bassins. Les ravins boisés par lesquels l'Aude descend du Capcir étaient naguère infranchissables. Les lacs étagés de la vallée d'Oo, la « rue d'enfer » de la vallée du Lys, les ravins entre Gavarnie et Gèdre, disent quelle est la raideur du versant français. L'humidité croissante du climat vers l'Ouest, la proximité de la plaine, la fréquence d'intercalations de roches diverses, tout conspire pour exagérer l'irrégularité du profil suivi par les rivières.

Mais ce n'était pas par les défilés sauvages où nos routes modernes ont eu tant de peine à se frayer passage, que ces pays communiquaient entre eux : c'était par les moyens traditionnels des pays de montagnes, par les sentiers qui suivent les hauteurs et que continuent à fréquenter le muletier ou le pâtre d'Aragon et de Navarre. Ces sentiers jouent dans la montagne un rôle plus grand qu'on ne pense; car nos habitudes de plaines nous rendent trop dédaigneux de ce. réseau créé par les montagnards à leur propre usage. Les ports ou passages sont nombreux, même dans la partie centrale. Il n'y en a pas moins d'une vingtaine entre le Conserans (vallée du Salat) et les hautes vallées aragonaises. Par ces voies la vie circule au plus épais

de la montagne. Elle déborde même au dehors, car c'est par là qu'aux saisons propices les éleveurs atteignent les foires et marchés situés au contact de la plaine. Mais les relations les plus naturelles

[graphic][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][merged small][merged small][merged small]

Sur le massif granitique d'où divergent l'Aude, la Tet et le Sègre, les dépôts meubles accumulés par les anciens glaciers ont permis aux habitants de développer des cultures, et de se grouper en pays (Cerdagne, Capcir), reliés entre eux par d'antiques sentiers de transhumance.

Au-dessous s'étagent le Donezan (1 300 m.) en rapport avec la haute vallée de l'Ariège, et le Conflent, au pied du Canigou. Puis, un synclinal au sol marneux et désagrégé par les eaux, qui se creuse entre deux murailles calcaires, circonscrit, à l'est de l'Aude, la vallée de Fenouillet, et à l'Ouest les pâturages du Pays de Sault. L'Aude, qui a traversé en gorges sauvages les diverses zones pyrénéennes, en sort par le bassin de Quillan; là paraît la nature méditerranéenne.

et les plus fréquentes sont entre hautes vallées sans distinction de versants. Le Capcir, voisin des sources de l'Aude, a des relations avec la Cerdagne aux sources du Sègre, plus qu'avec le cours inférieur de l'Aude. Celles de Gavarnie avec les hautes vallées aragonaises, quoique moins actives qu'autrefois, entretiennent encore un va-etvient.

« PrécédentContinuer »