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De larges vallées d'érosion, qui ont entaillé le plateau de molasse, convergent vers Toulouse. L'une conduit à la Méditerranée; c'est celle que suivent
le canal du Midi, le chemin de fer, la voie romaine la nature de ses alluvions anciennes montre qu'elle a été creusée par des cours d'eau venant de
la Montagne-Noire. Ce sont au contraire les débris d'origine pyrénéenne qui encombrent la vallée de la Garonne et s'étagent sous forme de terrasses
que le fleuve, inclinant toujours vers sa droite, a successivement délaissées. Des témoins, épargnés par l'érosion, ont fourni aux hommes un site à
l'abri des inondations du fleuve. Toulouse est ainsi devenu le marché central des plateaux agricoles qui s'étalent de toutes parts.

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LE PYRENEEN
ET LE PAYSAN
DE LA PLAINE.

Rares aussi les châteaux. C'est la métairie qui est le type fondamental de peuplement du pays, celui qui répond le mieux aux conditions d'existence.

Cette dissémination de vie rurale s'est manifestée et maintenue surtout dans les parties de la région où les marnes et argiles, plutôt que les calcaires, constituent le sol. Sous les pluies de l'hiver et du printemps, ces terres fortes donnent lieu à des sentiers boueux aux ornières profondes. Longtemps la circulation y a été difficile. Il faut l'effort vigoureux des grands boeufs gascons pour venir à bout des charrois et des labours. Aussi chacun de ces petits domaines ruraux, mal pourvu de communications, aspirait à se suffire à lui-même. Telle est encore l'impression que donnent certaines régions du plateau, restées plus longtemps à l'écart des belles routes modernes : le HautArmagnac, par exemple, ou sur les confins du Béarn, la Chalosse, avec ses tertres, ses fossés et ses haies d'arbres, derrière lesquels chaque métairie semble se retrancher.

La différence d'habitudes et de genre de vie est profonde entre le Pyrénéen et le paysan de la plaine. Chez le premier l'agriculture est restée à demi pastorale. Il conserve autour de ses champs de grands espaces d'ajoncs et de fougères, — ce qu'on appelle des touyas en Béarn, — qui servent de pâture aux moutons. Il continue à pratiquer la transhumance à grande distance; on voit encore des troupeaux de moutons, partis des hautes régions de la montagne, s'avancer jusqu'aux landes qui sont au nord de Pau. L'homme des vallées pyrénéennes est surtout un pasteur: tel chez lui, tel « aux Amériques », quand il y émigre. On pense volontiers, en voyant la pauvreté de ses instruments de culture, à la belle indignation qu'exprime Bernard Palissy. Aux travaux de labourage le Pyrénéen préfère la vie de déplacement, que lui font ses troupeaux, ses foires, ses changements périodiques.

C'est au contraire une ame de laboureur qui s'est formée chez les paysans des terres fortes de la plaine. Mais la vie rurale s'est développée beaucoup mieux que la vie urbaine. Celle-ci, malgré le renfort artificiel qu'elle reçut au Moyen âge des fondations de bastides, est restée subordonnée. La plupart des villes, dans ce pays d'abondance et de vie facile, tirent leur existence du milieu immédiat. Elles sont les marchés agricoles, et les centres de transactions où se débattent, avec l'aide des hommes de loi qui pullulent, les intérêts ou les griefs des habitants d'alentour.

1. Recepte véritable, 1563 : « Je ne pouvais regarder les laboureurs sans me cholérer en moy-mesme en voyant la lourdeté de leurs ferrements (éd. An. France. Paris. Charavay, 1880, p. 117

III

LE MIDI OCÉANIQUE

CHAPITRE PREMIER

L'

QUERCY ET PÉRIGORD

ES terrains tertiaires du Bassin d'Aquitaine ne sont immédiatement contigus aux roches primitives du Massif central que dans les plaines de Castres et d'Albi; ils en sont séparés, dans le Quercy et le Périgord, par une zone de plateaux calcaires d'âge jurassique ou crétacé. Si, de l'ample et riche vallée qu'arrose le Tarn, entre Gaillac et Rabastens, on s'avance d'une quinzaine de kilomètres au Nord, on rencontre une sorte de dôme boisé qui domine de près de 300 mètres les vallées voisines : c'est le petit massif permien de la Grésigne. Là est la séparation de l'Albigeois, du Rouergue et du Quercy. Au delà, en effet, commence une longue bande calcaire, suivant une direction Nord-Ouest, qui se poursuit jusqu'en Saintonge et dans les îles. Elle dessine l'encadrement septentrional du Bassin d'Aquitaine.

Les routes qui se rendent du Midi au Nord, ou inversement, doivent traverser cette zone calcaire. Elle était suivie, en outre, dans le sens longitudinal, par la voie romaine qui reliait Cahors à Périgueux et à Saintes. De là l'importance historique qu'elle a eue et qu'attestent le nombre de villes et d'anciens châteaux forts, un aspect militaire et féodal répandu sur sa surface.

Les roches, d'âges jurassique et crétacé, qui constituent la charpente du sol, ont gardé généralement leur stratification horizontale; mais par l'usure prolongée des âges elles ont été réduites à l'état de dénudation et de squelette. Sur les Causses du Quercy, prolongement atténué de ceux du Gévaudan, la surface est trouée comme un crible. Des igues ou cirques elliptiques, des poches ou cavités dont les parois corrodées sont tapissées d'argile rouge, des laby

CAUSSES DU QUERCY.

LES VALLÉES.

rinthes souterrains où s'amassent les eaux, caractérisent ce pays étrange. Des vallées sèches le sillonnent, parfois taillées dans des escarpements superbes, comme ce roc à pic, semblable aux éclatantes Phædriades de Delphes, où s'est implanté l'antique sanctuaire de Rocamadour. Pourtant, si maigre et aride que soit la surface, elle n'est pas dépourvue de cultures. La physionomie d'ensemble de ces Causses est celle d'une sorte de forêt claire et interrompue de petits chênes et de genévriers, qui s'élève et s'incline suivant les ondulations de la surface. Un cailloutis pointu, résultat de la décomposition des roches, forme avec un peu de terre rousse l'épiderme du sol. De petits champs, encadrés par des murs de pierre, s'étendent autour des mas, et font vivre quelques vieux villages.

A travers ces plateaux, situés en contre-bas du Massif central, les rivières se sont frayé passage. Le Lot et la Dordogne ont buriné de profonds méandres entre des falaises rouges et grises, qui tantôt s'évasent en cirques, tantôt s'avancent en éperons sur le palier horizontal de la vallée. Des ravins latéraux à sec, des rampes en hémicycle ménagent la transition entre plateaux et vallées, facilitent l'accès de routes. Les vallées sont superbes. Elles se sont creusées jusqu'au niveau des sources, par lesquelles le plateau restitue une partie des eaux qu'il a confisquées. Ces fontaines, si abondantes et si pures, avaient pour nos ancêtres gaulois un caractère sacré. Elles furent souvent, comme les Douix de la Bourgogne calcaire, l'origine d'une ville telle, la Divona, auprès de laquelle est né Cahors.

Un nouvel abaissement, une nouvelle atténuation marque la transition du Quercy au Périgord. Ce sont cependant toujours les mêmes bandes calcaires; mais aux raides escarpements des calcaires jurassiques se substituent dans le Périgord des roches coralligènes, d'âge crétacé, plus tendres. Même sécheresse à la surface, même terre rouge ou caussenal, même aspect pierreux sous un mince rideau de taillis de chênes; mais les formes sont plus douces, et à la variété plus grande de la topographie répond plus de variété de cultures. Peu à peu le Causse, en s'adoucissant, se transforme en Champagne. Lorsque, vers Montmoreau, on passe de Périgord en Saintonge, le changement est accompli. De larges coteaux partout cultivés s'étalent entre des vallées d'un dessin ferme et net. En suivant la chaîne de pays qui se continue par la zone calcaire du Quercy à la Saintonge, on voit ainsi, dans une physionomie générale qui conserve ses principaux traits, toute l'âpreté s'amortir, les contrastes s'atténuer, la contrée s'ouvrir davantage en se rapprochant de l'Océan.

Moins imposantes peut-être qu'à travers les plateaux des Causses, les vallées gardent cependant et augmentent même leur ampleur, en

prenant plus de grâce. La Dordogne périgourdine, la Vézère, l'Isle, la Dronne, baignent de véritables plaines riantes et animées au pied de roches caverneuses. La France n'a nulle part d'aussi belles vallées, d'aussi brillantes dans l'éclat du soleil et la variété des cultures.

Dans un chapitre de son ouvrage L'homme avant l'histoire, sir John Lubbock s'extasie sur le paysage de cette vallée de la Vézère, dont les escarpements percés de grottes sont une ruche d'habitations primitives. Il décrit la limpidité des eaux dans les vergers ou les prairies qu'encadrent des roches tapissées de buis et de chênes verts. C'était un pays à souhait pour les populations primitives; les plus anciens rudiments d'art et de civilisation y ont laissé des traces. Il est peu de contrées où se laisse mieux saisir la continuité de la chaîne entre les âges de l'humanité. Les civilisations dont l'archéologie préhistorique nous montre les premières ébauches, ont continué leur développement sur la base des mêmes conditions naturelles. Les établissements humains ont persisté sur les mêmes sites. Au-dessous des grottes le village s'accroche aux escarpements. Plusieurs de ces excavations ont donné lieu à des chapelles ou des sanctuaires ici Rocamadour, là Brantôme avec son vieil oratoire taillé dans le roc, comme certains temples de l'Inde. A Cromagnon1 et ailleurs la grotte primitive s'est simplement transformée en un système d'habitations, dont les portes et fenêtres étagées dans le roc << suggèrent l'idée d'une Petra française ». Les dalles de calcaire qui avaient servi à dresser de nombreux dolmens sur les Causses, servent à construire ces habitations rondes de type archaïque, rappelant les trulli de la Pouille, qu'édifient encore les paysans du Quercy. Sur les promontoires qu'enlacent les sinuosités des rivières, dans les boucles fermées par un isthme, à portée des belles sources, des oppida se sont postés, dont quelques-uns sont devenus des villes.

Nous avons parlé de Cahors. Que d'autres il faudrait citer! Du haut de son roc de texture marmoréenne, Angoulême voit sourdre à ses pieds dans les prairies des eaux magnifiques. Si l'on ajoute à ces ressources locales l'antique industrie du fer, née facilement du minerai épars à la surface du sol, on voit de quel précieux concours de conditions réunies sur place disposaient ici les sociétés naissantes.

Elles ont grandi en harmonie avec le sol. L'anthropologie croit démêler dans les habitants actuels des traits de survivance conformes aux plus anciens spécimens qu'aient exhumés les fouilles. Il n'est pas douteux cependant que des peuples très divers ne soient venus à des dates très inégales se mêler aux premiers occupants. Mais tous

1. La caverne de Cromagnon est entaillée dans les roches des Eyzies, au confluent de la Vézère et de la Beune. (Voir Dict. topogr. du dép. de la Dordogne.)

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