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parez les désastres causés par sa faiblesse (1). L'existence de la Pologne dépend de celle de la Turquie; la même main de fer s'appesantit sur les deux nations. Desserrez cette étreinte mortelle, et toutes deux s'élanceront simultanément à la vie. Les Dardanelles sont la clef de leur existence; la possession ou l'abandon des Dardanelles décidera de leur avenir. » UN ANGLAIS.

COUP D'ŒIL SUR L'ITALIE

DEPUIS 1814 JUSQU'A NOS JOURS. (2)

L'Europe n'aura de repos que quand la nation qui a allumé au moyen âge le flambeau de la civilisation avec celui de la liberté pourra jouir elle-même de la lumière qu'elle a créée. Ces paroles, que le célèbre de Sismondi a proclamées dans son Histoire de la Renaissance de la Liberté en Italie, contiennent une grande vérité.

L'Europe, cette grande partie de l'Europe, qui est déjà en possession d'institutions libérales, et qui a intérêt à propager et étendre ses principes politiques, ne doit pas tarder à tourner toutes ses pensées vers la péninsule italienne, soit qu'elle obéisse aux influences de la politique méridionale,

(1) Le témoignage des contemporains du partage de la Pologne est bien précis quant à la connexion des affaires de Pologne avec celles de la Turquie. L'heureuse issue de la guerre de la Russie contre les Turcs, en 1774, décida le partage. Mais le sort de la ⚫ Pologne, dit Coxe, ainsi que celui de son vassal, le duc de Courlande, ne dépend que du résultat de la guerre présente entre la » Russie et la Turquie. » (Note de l'ouvr. cité.)

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(2) Cet article servira d'introduction à un Tableau historique de l'Italie, que l'auteur va publier.

(Note du R.)

soit qu'elle soit entraînée par les grands évènemens qui se préparent en Orient et qui amèneront un nouveau système d'équilibre européen.

Il est vrai que les Italiens doivent, sans attendre ces évènemens, aviser aux moyens de régénérer par eux-mêmes leur patrie. Cependant, si jusque là les circonstances n'étaient pas favorables à un mouvement national hâté par les uns, ou à la réalisation très éloignée, à mon avis, de certaines réformes sociales et religieuses imaginées par les autres, les Italiens ne doivent-ils pas profiter de la tendance de la politique libérale européenne et des évènemens qui se préparent de loin, afin de faire renaître la liberté en Italie ?

Quand on veut le bien de son pays, il ne faut pas s'attacher aux principes exclusifs qui par leur nature peuvent en certaines circonstances devenir des obstacles plutôt que des moyens de régénération. Aucun évènement, aucune amélioration de nature à donner aux peuples italiens des institutions politiques, ne doivent être dédaignés, puisque, non seulement ils seraient des bienfaits en eux-mêmes, mais encore un commencement pour reconquérir l'indépendance de la patrie, qui est le véritable but que tous les Italiens veulent atteindre.

Il faut donc que l'Italie soit prête à ces évènemens et en même temps qu'elle connaisse son état, ses forces, ses besoins et les véritables moyens de les satisfaire. L'histoire nous instruit en nous montrant les vertus et les erreurs des hommes et des nations; l'histoire de l'Italie peut mieux que toute autre nous mettre à même de savoir ce qu'il faut suivre, ce qu'il faut éviter. Elle peut nous indiquer la marche qu'on doit, selon les circonstances, adopter pour la défense des intérêts nationaux.

Le célèbre historien Carlo Botta a écrit avec une grande profondeur et beaucoup d'élégance l'histoire de notre patriejusqu'en 1814. Une histoire du royaume de Naples, depuis 1734

jusqu'en 1825, du général Colletta, a paru aussi dernièrement. Cet ouvrage, d'un grand mérite, contient l'histoire moderne du midi de la péninsule. Un livre, donc, qui donnerait l'histoire moderne du nord de l'Italie, comblerait une lacune, et par conséquent serait utile.

Les anciens peuples de l'Italie furent puissans et valeureux. Ce fut aussi l'Italie qui, la première, dans les siècles du moyen âge, donna une nouvelle vie à la liberté et à la civilisation européenne. Les républiques italiennes défendaient avec une valeur héroïque leurs propres droits et leur propre indépendance contre les armées des empereurs et contre la puissance étrangère, alors que presque tous les autres peuples vivaient dans la servitude. L'Europe commençait à peine à écarter les ténèbres qui l'enveloppaient, que les arts et les lettres étaient déjà florissans dans la péninsule italienne. Mais malheureusement, après plusieurs siècles de gloire, fatiguée, divisée et envahie par les armées venues d'outre-mont et d'outremer, elle perdit considérablement de sa liberté et tomba en grande partie sous la domination de princes ou italiens ou étrangers qui tous prirent à tâche de tenir les peuples dans la mollesse, dans l'ignorance et dans l'asservissement.

L'esprit philosophique qui, dans le xvir siècle, soumit à l'examen de la raison ce qui jusqu'alors avait dépendu des seules décisions de l'autorité, après avoir porté l'investigation dans le domaine de la nature et de l'intelligence humaine, ne pouvait rester indifférent devant la machine compliquée de l'ordre social et politique.

L'Italie participa aussi à ce grand mouvement intellectuel, et l'esprit de réforme s'était déjà propagé dans presque toute la péninsule avant que la révolution française de 89 n'éclatât. Les ouvrages de Beccaria, de Verri, de Filangieri, de Tamburini, et de beaucoup d'autres écrivains célèbres, en sont des preuves incontestables.

A la vérité, ce mouvement fut alors secondé, même par

plusieurs gouvernemens italiens: les réformes étaient commencées en Lombardie, en Toscane, à Parme, à Naples. C'est à l'éducation italienne que Joseph II et Léopold doivent la gloire des réformes, grâce auxquelles leurs noms vivront éternellement. Les savans s'adressaient aux princes, qui par leurs conseils introduisaient peu à peu des améliorations, non seulement dans les choses civiles et ecclésiastiques, mais pour ainsi dire dans toutes les parties du corps social; parce qu'alors on croyait qu'au lieu de réclamer la liberté comme moyen efficace pour tout progrès et comme principe universel de prospérité, on devait implorer les encouragemens et la protection des princes pour les institutions publiques, l'agriculture, l'industrie, le commerce, l'instruction, et pour tout ce qui pouvait contribuer au bien-être des États.

Le but commun des gouvernemens italiens, dans la seconde moitié du XVIe siècle, était aussi de secouer le joug de la cour de Rome; et en cela l'école de liberté religieuse de monsignor Ricci, évêque de Pistoja, qui se déployait à son aise en Lombardie, en Toscane et dans le royaume de Naples, exerçait une grande influence.

D'autres circonstances furent cause que cet esprit de réforme se propagea. Dans quelques états c'était la mauvaise administration civile et judiciaire; en d'autres la féodalité; ici le mécontentement du tiers-état devenu plus nombreux et plus riche; ailleurs l'asservissement des laïques au pouvoir des ecclésiastiques. A tous ces motifs nous devons joindre encore un sentiment général d'indépendance et de nationalité qui avait résisté aux invasions étrangères, à la division des états, et qui s'était grandement développé dans cette réaction générale.

La révolution française de 89 fut le principe d'une lutte terrible entre la république et les princes d'Europe. Aux réformes des gouvernemens italiens succédèrent alors des es systèmes de défiance et de persécutions tout-à-fait opposés, qui,

suspendant le bien commencé, ne tendit qu'à multiplier les désordres qu'on voulait arrêter. L'Italie, enveloppée dans cette lutte, cut à supporter des désordres, des massacres, des rapines, et mille autres calamités. Pour rendre hommage à la vérité nous devons aussi affirmer que de cette lutte surgit en même temps une nouvelle époque de régénération pour l'Italie. L'année 1796 signala une ère nouvelle. Les victoires de Bonaparte et des armées françaises amenèrent dans la Péninsule ce nouvel ordre de choses dans lequel les citoyens sans distinction de classes étaient appelés à remplir les fonctions politiques. Les lois remplaçaient le libre arbitre dans l'administration et les tribunaux, la publicité garantissait les biens, la liberté, et la vie des individus. Il y avait enfin égalité de droits, liberté d'opinion politique et religieuse.

Ce fut alors que l'institution de la garde nationale fut accueillie par le peuple avec tant d'enthousiasme qu'elle porta ombrage aux généraux français, qui se hâtèrent de la comprimer. L'esprit militaire se réveilla partout: au bout de quelques mois il y eut des légions républicaines, cisalpines, romaines et calabraises, qui défendirent avec courage le nouveau système; la légion calabraise en particulier fit des prodiges de valeur dans la guerre de 1798. Les gardes nationales de Reggio, Brescia et Bologne, annonçaient déjà alors ces légions italiennes qui par la suite eurent une si grande part dans les combats et les victoires des armées françaises dans toute l'Europe.

Les trois années de la république Italienne qui, après la bataille de Marengo, succéda à la Cisalpine, ont été une des périodes les plus remarquables de l'histoire moderne de l'Italie, un des précédens qui ont exercé le plus d'influence sur le développement actuel de l'Italie septentrionale.

Dans cette période, l'esprit public, le sentiment d'une patrie italienne, les principes d'ordre et d'administration publique se développèrent grandement. Il y eut d'excellens administrateurs, de bons financiers et d'habiles militaires.

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