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pape qui n'est point encore, pour un gouvernement qui probablement désavouera bientôt vos paroles. Dans de telles circonstances, tout conseil est peut-être inutile, ou même dangereux. Evidemment, ce n'est pas avec des mots que vous apaiserez aujourd'hui le peuple qui court aux armes. Il n'acceptera que des faits; car il se sent la force de les imposer. Peut-être ne voudra-t-il pas même de vos faits au point où nous en sommes. Toutefois essayez, tant que la possibilité vous en reste. Effacez-vous. Déléguez vos pouvoirs à une commission de citoyens honorables choisis parmi ceux qui jouissent le plus de la confiance publique. Entourez-la d'une garde nationale ou provinciale : laissez à votre commission liberté pleine et entière de maintenir ou de ramener la tranquillité par tous les moyens qu'elle jugera convenables. A ces conditions, Monseigneur, vous êtes sauvé, j'espère. Dans toute autre hypothèse, notre appui ne peut avoir d'utilité pour vous. Vous subirez les chances de l'orage qui déjà gronde. » En effet, l'orage grondait. Nos négociations avec le prélat romain, sa peur, la frayeur de la police, l'indécision des militaires, n'étaient pas restées renfermées dans l'enceinte du précaire. Des attroupemens s'étaient formés sur divers points de la ville. Quelques centaines de jeunes gens armés comme ils avaient pu, s'étaient partagés en plusieurs petits corps, dont un menaçait les avenues du palais, et faisait retentir des cris séditieux aux oreilles de nous tous. Les autres se tenaient ailleurs en réserve............

Sur ces entrefaites, le marquis Bevilacqua Ariostia, sénateur de Bologne (le maire), ajoutait l'autorité de sa parole patriotique et véhémente aux sentimens dont j'avais été le premier organe. Les autres conseillers parlèrent tous dans le même sens, et les cris de la foule redoublaient de force... Après trois mortelles heures d'hésitation, Monseigneur souscrivit aux conditions qu'on lui avait proposées. Ainsi, il abdiqua son pouvoir, et, par un acte mémorable dont il était loin de soupçonner la portée ou les conséquen

ces, il consomma lui-même la révolution qu'il croyait prévenir. Dans un but d'utilité publique... nous l'avions pourtant trompé! — L'imprimeur, qui attendait dans une pièce voisine, imprima par son ordre la proclamation suivante qu'on se pressa d'afficher dans la ville:

« La tranquillité publique est menacée. Les dangers sont nombreux et imminens. Vu les circonstances extraordinaires et critiques où nous sommes, ayant le désir d'y porter un remède efficace et de conserver l'ordre par tous les moyens qui sont en notre pouvoir, nous nous sommes entourés de quelques citoyens principaux de la ville, qui jouissent de la confiance universelle, et nous les avons priés de nous aider de leurs conseils et de leur coopération active.

« C'est pourquoi, en attendant les dispositions ultérieures du gouvernement, nous avons dû reconnaître la nécessité absolue de nommer, ainsi que nous le faisons, une commission provisoire formée de MM. :

Le marquis François BEVICLAQUA ARIOSTI.
Les comtes Charles PEpoli.

César BIANCHhetti.

Alexandre AJUCCHI.

Le professeur François ORIOLI.

Les avocats Jean VICINI.

Antoine ZANOLINI.

Antoine, professeur, SILVANI.

« Ils se réuniront dans le palais de notre résidence, et ils feront tout ce qu'ils jugeront à propos pour conserver la tranquillité dans la ville et dans la province, ainsi que pour protéger la vie et les propriétés des ci

toyens.

« Nous créons en même temps, et nous soumettons à leurs ordres une garde provinciale de citoyens, dont les chefs seront MM. :

Le major Louis BARBIERI.
Le comte Charles PEPOLI.

HISTOIRE.

Le marquis Alexandre GUIDOTTI.
Le chevalier César RAGANI.

Le marquis Paul BORELLI.

« Nous espérons que ces mesures extraordinaires rameneront le calme parmi les citoyens, et préserveront cette province des maux de l'anarchie. Le caractère bien connu des Bolonais, qui de tout temps se sont distingués par les excellentes qualités de leur ame, nous est garant qu'ils ne tromperont pas notre confiance. 4 février 1831. » N. PARACCIANI CLARELLI.

L'abîme était ouvert. Les cris cependant redoublaient d'intensité, et la peur du prolégat était à son comble. Il me pria de me présenter à la jeunesse pour l'apaiser, et pour lui annoncer les résolutions qu'on venait de prendre. Successivement je me transportai sur la grande place, aux deux cafés, où les rassemblemens étaient le plus nombreux, et dans la maison de mon collègue Vicini, pour y prononcer des paroles de paix et d'espérance. La cocarde italienne était déjà sur presque tous les chapeaux. Je fis prier de la détacher. « Nous avons besoin, dis-je, que vous nous accordiez une confiance sans borne. C'est à

cette condition que nous avons accepté une tâche bien rude. J'engage solennellement devant vous ma parole et celle de mes collègues, que nous ne manquerons point à tout désir légitime du peuple. Que celui-ci, à son tour, n'empiète pas sur nous, et qu'il ait garde de débuter par l'anarchie dans la carrière des réformes. >>

Je parlais ainsi, car je ne m'étais pas encore rendu moi-même un compte bien précis de l'acte que nous avions consommé. Il me parut qu'il fallait agir avec modération et prudence. Tout devait se discuter en commun, et je ne. devais pas anticiper sur les délibérations de mes collè gues.

A la vérité, j'eus tout-à-fait à me louer de la docilité parfaite de la multitude. D'après mes conseils, on se partagea en patrouilles, et l'on s'éparpilla dans la ville pour surveil

ler la tranquillité publique. Ainsi finit cette première jour née. Je rentrai bien tard chez moi pour rassurer ma famille tremblante. Jacta erat alea.

F. ORIOLI.

ILLUSTRATIONS POLONAISES.

BONAVENTURE NIEMOIOWSKI.

Il y a à peine deux mois que nous avons annoncé (1) la mort d'un de nos illustres concitoyens, M. Vincent Niemoiowski, et voilà que nous avons déjà à déplorer la perte de son frère, patriote non moins distingué, non moins dévoué à son pays.

Niemoiowski (Bonaventure) naquit le 4 septembre 1787, et fut élevé d'abord dans le collége des Piaristes à Varsovie, ensuite dans ceux de Brandebourg et de Berlin en Prusse ; il acheva ses études à l'université d'Erlangen en Bavière, et pour compléter son éducation, il visita tour à tour l'Allemagne, l'Italie, la France et l'Angleterre.

La diète de 1820 le vit débuter dans la carrière politique comme nonce de Wieluń. Excellent patriote et fécond orateur, il prit place à côté de son frère qu'il seconda puissamment dans sa courageuse opposition : il dut nécessairement avoir aussi sa part dans ses persécutions. On commença par les éliminer tous les deux du conseil-général de leur palatinat, prenant pour prétexte, que parmi leurs électeurs il s'en trouvait un qui n'avait pas le droit de voter; et lorsque le conseil, qui y était autorisé par la loi, les rappela dans son sein, en qualité de suppléans, l'empereur Alexandre, irrité de cette manifestation de l'opinion publique en faveur des deux chefs de l'opposition parlementaire, cassa par ordonnance le conseil général et ne lui permit plus de se rassembler. En 1825, cherchant par toute voie à se débarrasser de l'éloquence inci

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sive de Niemoiowski, le gouvernement moscovite lui suscita un procès en police correctionnelle, et saisit cette occasion pour le faire écarter de la chambre, comme étant sous le poids d'une accusation. En vain Niemoiowski prouva-t-il péremptoi ́rement qu'on le calomniait, le sénat influencé par le pouvoir, lui repondit par un déni de justice. C'est un grand malheur que de gémir dans l'esclavage (s'écriait Niemoiowki dans «sa défense devant le sénat); mais se forger des chaînes à soi-même, voilà une action, sénateurs, que, par respect pour » vous, je m'abstiens de qualifier. » A peine la diète était-elle close, que Niemoiowski, qui avait été violemment déporté de Varsovie, fut acquitté par les tribunaux pour toute réponse à l'arrêt du sénat, il envoya à chacun de ses membres un exemplaire de sa sentence d'acquittement. Bientôt, sous prétexte d'insultes envers la garde qui surveillait son frère alors prisonnier, il fut itérativement arrêté et conduit sous escorte devant le grand-duc Constantin. C'est à cette occasion, qu'entre mille autres extravagances, le proconsul moscovite lui adressa ces singulières paroles : « Sachez, monsieur, que vous ne jouissez « de la représentation nationale, que tant que cela plaira à l'empereur; sachez encore que vous ne devez reconnaître d'autre loi « que la volonté du monarque: devant elle tout doit plier, les devoirs de famille et la conscience elle-même. Craignez sa colère car il sait tout; il sait par moi jusqu'aux secrets de « vos lettres; et quand il voudra vous faire juger, ce ne sera " pas par des juges qui ont peur de vous, mais il vous jugera « lui-même, car il est le juge suprême et le plus juste, etc. » A la suite de cette allocution, un aveu de ses torts prétendus fut adressé à Niemoiowski pour qu'il le signât; mais ce courageux patriote préféra subir dix-neuf mois de rude captivité, plutôt que de se résigner à un acte humiliant.

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a

Mis en liberté à l'occasion du couronnement de Nicolas, il en profita pour présenter, avec ses collègues de Kaliszh, au nouveau monarque une énergique adresse au sujet des atteintes sans nombre portées à la charte. Cette pièce, comme on le pense, resta sans effet.

La glorieuse révolution du 29 novembre vint ouvrir un champ plus vaste à ses vertus et à ses talens. Dès ses premiers

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