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L'esprit révolutionnaire a présidé aux élections : presque tous les membres des deux précédentes Assemblées, qui ont prouvé leur attachement aux opinions démocratiques, font partie de la Convention. On leur a donné pour collègues beaucoup d'hommes nouveaux les ouvriers de la première heure ne suffiraient pas à une tâche nouvelle.

La Révolution est désormais accomplie dans les principes; ils sont formulés en lois. Si ces lois régissent le peuple français assez longtemps pour achever son éducation politique, l'avenir de la démocratie est assuré dans l'Europe entière. Mais les vieilles monarchies de l'Europe jugent maintenant la grandeur du péril qui les menace. Les Prussiens, chargés de châtier la France comme un enfant rebelle, ont trouvé un Hercule au berceau : c'est aujourd'hui une coalition de toutes ces monarchies qui va tenter de l'étouffer. Et pendant que la France défendra contre les peuples étrangers une conquête dont ils doivent un jour profiter comme elle, des fils ingrats s'efforceront de paralyser ses membres et de déchirer ses entrailles. Elle sévira contre eux, elle se montrera terrible dans sa juste colère, parfois aveugle : l'excès de ses rigueurs détachera d'elle beaucoup d'anciens amis.

Les uns n'avaient rêvé qu'une réforme : ils se trouvent en présence d'une révolution et refusent les obligations qu'elle impose; d'autres se fatiguent et se découragent; plusieurs s'irritent, prennent en haine la cause qu'ils ont sincèrement servie et cherchent à lui faire obstacle.

Est-ce à dire que nous soyons dégagés de toute reconnaissance envers eux? que nous ne leur tiendrons pas compte des services passés? Il y a des hommes pour chaque journée.

Tout en conservant nos plus vives sympathies politiques pour ceux dont le dévouement ne faillira point

à la Révolution dans ses phases douloureuses, nous n'effacerons pas de son livre d'or ceux qui ont cru devoir s'en séparer plus tôt.

Que parmi eux un certain nombre n'aient pas élevé leurs désirs au delà d'une monarchie constitutionnelle, et se soient contentés de donner à la France les libertés dont jouit l'Angleterre; que l'un ait été troublé par les émotions populaires du siège de la Bastille ou par la visite des Parisiens à Versailles, l'autre par le 20 juin ou le 10 août; que beaucoup aient reculé d'horreur devant le sang du 2 septembre : il n'y a rien là qui doive nous étonner. Je n'en sais pas moins gré à Mounier d'avoir été le secrétaire des états provinciaux du Dauphiné, d'avoir proposé le serment du Jeu-de-Paume (quoiqu'il s'en soit repenti) et rédigé l'un des premiers projets de Constitution; je n'en sais pas moins gré à Barnave et à Duport des services que leurs talents ont rendus à notre cause; je ne puis oublier les efforts de ce dernier pour l'abolition de la peine capitale, ni ceux de Malouet pour établir des institutions charitables qui ont servi de base à notre assistance publique. Je n'en remercie pas moins Lafayette, qui nous a rapporté de la patrie de Washington et de Franklin la déclaration des droits, qui a organisé notre première garde civique, et qui fut toute sa vie un apôtre de la liberté.

Chacun d'eux a mérité sa part de la reconnaissance nationale.

Honneur à ceux qui vont marcher, mais honneur d'abord à ceux qui leur ont frayé la route!

DEUXIÈME PARTIE

PÉRIODE DE DÉFENSE

CONVENTION NATIONALE

CHAPITRE PREMIER

ABOLITION DE LA ROYAUTÉ ET CONDAMNATION DU ROI

L'Assemblée législative, en quittant la scène politique, avait compris que les circonstances extraordinaires qui se préparaient visiblement exigeaient au sommet de l'Etat un pouvoir extraordinaire aussi : elle avait fait appel à une convention nationale.

<< Une convention, c'est une assemblée représentant une nation entière, qui, n'ayant pas de gouvernement, veut s'en donner un. »

Cette définition appartient à l'abbé Maury, orateur royaliste de la Constituante, à laquelle il refusait un semblable caractère : « Vous n'êtes pas, lui disait-il, une convention. >>

Au fond sa distinction était juste la mission d'une constituante est spécifiée par son titre; tandis qu'une convention réunit tous les pouvoirs et tous les devoirs : elle résume le peuple, elle est souveraine.

Mais Mirabeau, de son côté, n'avait pas tort, lorsque,

répondant à la pensée de Maury, qui cherchait à diminuer l'autorité de la Constituante, il disait que cette assemblée était devenue une convention par la séance du Jeu de Paume.

Le cercle dans lequel doit se renfermer une législative est encore plus limité. Celle qui venait d'achever sa vacation avait eu le sentiment de son insuffisance après le 10 août le peuple ayant vaincu le roi, elle approuva simplement un fait accompli, suspendit, sans l'abolir, l'autorité monarchique, et réduisit à l'impuissance, sans le punir, l'homme qui avait abusé de cette autorité; puis, pour donner à ces actes la sanction populaire, elle invita la nation à revêtir ses nouveaux représentants d'une confiance illimitée.

La Convention allait donc posséder la plénitude de la souveraineté; elle allait instituer un gouvernement, et en attendant, gouverner le pays, qui plaçait en elle ses plus hautes espérances.

La Constitution de 1791 avait établi deux degrés d'élection les assemblées primaires, choisissant dans leur sein des électeurs délégués, à raison de un pour cent, et ceux-ci nommant les députés. C'est ainsi qu'on procéda les délégués parisiens se réunirent dans la salle de l'archevêché, qui se trouva trop petite, puis se transportèrent le surlendemain dans celle des Jacobins, appelés encore amis de la Constitution. Collotd'Herbois devint le président et Robespierre le secrétaire de cette assemblée électorale.

On ne votait pas au scrutin : chaque électeur désignait à haute voix son candidat : mauvaise garantie d'indépendance dans des réunions passionnées.

Robespierre fut le premier député élu; après lui Danton, Collot, Manuel, Billaud-Varennes, Camille Desmoulins, Marat, La Vicomterie, Dussaulx, etc. Philippe Egalité (c'est le nom démocratique qu'avait adopté le duc d'Orléans) arriva le dernier sur la liste

des vingt-quatre représentants de Paris. Deux ou trois exceptés, tous appartenaient à l'opinion la plus véhémente; plusieurs avaient figuré activement dans les derniers troubles.

Les opérations électorales durèrent jusqu'au 19 septembre.

Le lendemain, les membres de la nouvelle assemblée se réunirent dans une salle des Tuileries, au nombre de 371. La presque totalité des suffrages exprimés appela Pétion à la présidence, et la pluralité nomma secrétaires Brissot, Condorcet, Rabaud Saint-Etienne, Vergniaud, Lasource et Camus, choix significatifs, ceux de Pétion et de Brissot surtout ils venaient d'être les concurrents malheureux de Robespierre et de Danton à l'élection de Paris : les Girondins, qui dominaient dans l'assemblée, prenaient leur revanche. Voici déjà en présence les deux partis qui vont se disputer la direction révolutionnaire.

Le 21 septembre, la Convention nationale étant constituée, l'Assemblée législative vint lui annoncer qu'elle terminait sa mission. Après un échange de paroles solennelles et courtoises entre les deux présidents, paroles couvertes d'acclamations, la Convention alla s'installer dans la salle du manège où elle devait siéger.

Là, le même jour, sur les propositions de Collot d'Herbois et de Grégoire, la royauté fut abolie. Désormais tous les actes dateront du 22 septembre 1792, an premier de la République française.

« Pendant plusieurs jours l'excès de la joie m'ôta l'appétit et le sommeil,» s'écrie Grégoire en se glorifiant de son initiative. L'enthousiasme fut universel: des adresses de félicitation arrivèrent de toutes les parties de la France, et le crédit se releva instantanément.

L'établissement républicain était le complément des

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